Alors que le marché de la musique francophone est aujourd’hui dominé par le rap, certains jeunes artistes font le choix de brancher les guitares électriques et les amplis pour s’embarquer dans un registre musical qui nous renvoie vers le début du troisième millénaire où le rock et ses différentes déclinaisons se taillaient la part du lion avec des groupes comme Blink 182, Sum 41, The Offspring, Simple Plan ou, plus proche de chez nous, Kyo. En bon trentenaires que nous sommes, le dernier EP de MARVETT a réveillé chez nous l’énergie des adolescents du début des années 2000 que nous étions alors, toujours prêts à nous jeter dans un pogo ou à brailler sans retenue des refrains forcément un peu torturés. Malgré une météo plus que détestable, nous avons donc pris la direction du Botanique et de sa Rotonde pour aller découvrir en live ce jeune artiste bruxellois qui est déjà passé par la scène de Ronquières l’année passée et par concours Franc’Off 2023.

 

Sur scène on retrouve quelques éléments de décors aux airs de skate-park d’une banlieue américaine  et de garage de répétition. Guitare, basse et batterie sont bien entendu présentes aussi, comme les trois éléments indissociables du rock. Dans le public, on retrouve un public très diversifié, allant de l’ado en baggy ou Doc Martens jusqu’au père de famille aux cheveux grisonnants. Bref tout ce petit monde remplis généreusement La Rotonde. 

L’affaire démarre plutôt bien avec Marvett qui débarque sur scène comme monté sur des ressorts, sautillant dans tous les sens alors que ses deux musiciens (batterie et basse) malmènent leurs instruments respectifs avec enthousiasme. Le jeune homme en perd d’ailleurs son boîtier d’oreillettes. Tous les ingrédients sont effectivement là pour offrir un concert rock aux saveurs juvéniles : refrains accrocheurs à chanter à gorge déployée, alternance entre couplets mélodiques et refrains plus rentre-dedans avec du gros son bien électrique et habilement calibré pour ne pas agresser non plus les oreilles d’un public qui n’y a pas encore été joyeusement habitué (ça viendra). Bref, ce deuxième EP, intitulé “La La L!fe”, trouve pleinement sa place sur scène, notamment avec son incisif single éponyme qui transpire les meilleurs productions de Blink 182. 

Durant tout le set, Marvett alterne entre titres en français et titres en anglais, ces derniers étant issus de son premier EP. La constante se trouve dans les thématiques abordées : peines de cœurs et amours déçus sont au programme, comme sur le très dansant “100x” enregistré en duo avec Doria D. Elle est d’ailleurs présente ce soir pour l’interpréter en live mais elle semble en retrait et un peu perdue mal à l’aise sur scène. Il faut dire qu’avec son enthousiasme expansif, Marvett lui laisse peu de place et semble même parfois ne pas trop la calculer. Peines de cœur toujours avec une reprise acoustique et légèrement reggae de “Dernière Danse” de Kyo. Un peu plus tard dans le set, Marvett est rejoint par Assy pour un inédit bien énergique intitulé “Je t’aime autant que je te déteste”. Marvett vient ensuite s’asseoir en bord de scène pour une ballade en guitare-voix. Il est alors temps d’annoncer la fin du concert avec “Fou” et “Lalal!fe”, rejoué une seconde fois, où Marvett s’en va pogoter nerveusement avec la fosse.

 

 

Le public semble ravi, et on le comprend, le set fût énergique, dense et varié. Mais de notre côté, nous restons malgré tout perplexes, ou tout du moins hésitants. L’univers et la musique de Marvett possèdent en effet tous les ingrédients pour proposer quelque chose de nerveusement rock et frais à la fois, accessible et non-aseptisé, un petit peu comme Yunglud, le maquillage et le coté androgyne en moins. La réalité de l’industrie musicale actuelle impose aux artistes d’être près de leurs sous et ils sont nombreux à faire le sacrifice de musiciens additionnels au profit de bandes sonores préenregistrées qui ne doivent pas être rémunérées pour chaque prestation. Mais se passer d’un guitariste sur scène nous a semblé être une erreur difficilement compréhensible à partir du moment où l’artiste s’inscrit dans un registre explicitement marqué par le rock. Marvett s’empare de temps à autre d’une guitare acoustique ou électrique, mais il manque cruellement d’un guitariste à temps plein sur cette scène. Autre élément qui nous a dérangé (c’est le dernier, après on arrête) : trop de membres de son crew sont présents sur scène pour prendre des photos et filmer, aussi bien avec du matériel pro que des smartphones lambdas. Cela donne parfois des airs de tournage promotionnel où finalement le concert ne devient qu’un argument et non la finalité, servant à générer du contenu pour les réseaux sociaux. Marvett consacre ainsi presque autant de temps à faire face aux appareils numériques qu’au public présent dans la salle, et certains jeux de scène semblent avoir été préparé en amont dans le but de pouvoir en générer du contenu 2.0 par la suite.

Nous avons conscience qu’il n’est pas aisé de se faire une place au soleil pour un artiste et que la concurrence est extrêmement rude. Nous savons que la notoriété ne garantit plus de pouvoir vivre décemment de la musique. Cependant, attention à ne pas dénaturer trop profondément le contenu créatif et son interprétation live, au risque de s’y perdre dans cette quête pourtant bien légitime de notoriété qui peut ensuite faciliter les choses et ouvrir des portes pour le futur.

 

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