Ce n’est pas une mais deux fois d’affilée qu’ARCHIVE a rempli l’Ancienne Belgique en ce mois d’octobre. Les années passent et la notoriété du collectif anglais ne faiblit pas malgré le quart de siècle qui nous sépare du premier album du groupe. A la croisée d’influences rock, trip-hop, électro et parfois plus urbaines, la discographie d’Archive continue à évoluer et à se renouveler, tout comme son effectif, sans jamais lasser et sans qu’il ne soit possible de caser une bonne fois pour toute celle-ci dans une rassurante catégorie. C’est en ça que le groupe cultive son identité sonore unique, brouillant les pistes avec maîtrise. Les concerts de cette tournée s’inscrivent dans le cadre de la promotion de l’album “Call To Arms & Angels” sorti en 2022. Darius Keeler (l’un des deux membres permanents du collectif avec Danny Griffith) ayant dû se faire soigner d’un cancer, la tournée fut reportée d’un an. Nous voici donc ce lundi soir à l’AB pour prendre la mesure live de ce quatorzième album.

 

Pas question d’être en retard pour ce second concert bruxellois. Sans première partie, le début des hostilités est annoncé pour 20h. Il faut dire qu’avec la masse d’instruments présents, la scène de l’AB pourrait presque paraître trop étroite : trois postes pour les synthés, autant pour les guitares et  la basse, plus la batterie. Et si et là des dispositifs du lightshow. Il est finalement 20h10 lorsque les sept musiciens et chanteurs montent sur scène alors qu’une intro électro scintillante se fait entendre, sur laquelle une basse syncopée vient se greffer. La tension grimpe progressivement avant une explosion de décibels électriques qui ouvre les hostilités avec le très rock “Mr Daisy” issu du dernier album dont près de la moitié des titres joués ce soir sont issus. Le lightshow proposé ce soir à Bruxelles est du genre massif et parfaitement cadencé avec la musique, privilégiant les tableaux d’ambiances à la mise en valeur des musiciens. La priorité est donnée aux tableaux vaporeux ou carrément telluriques, malmenant la rétine des spectateurs. Une fois encore, Archive se met au service de la musique avec une cohésion sobre et maîtrisée, dans l’ambiance crépusculaire d’une civilisation moderne glissant vers son inévitable déclin.

La seule excentricité constatée se trouve du côté gauche de la scène avec Darius Keeler qui agite ses bras et son corps dans tous les sens, en rythme avec la musique. On se demande d’ailleurs bien pourquoi on lui a mis un tabouret à disposition, il ne s’y assied que très rarement, pour quelques passages au piano plus posés. Cette présence scénique démonstrative n’a cependant rien de nouveau, le musicien agissant de la sorte depuis les débuts du groupe, cela fait partie du paysage d’Archive. Le début du set est donc résolument rock et engagé pied au plancher avec “Sane” et “Bullets” qui s’enchaînent agréments de passages allant jusqu’à 3 guitares électriques simultanées. Au chant, ce sont Dave Pen et Pollard Berrier (et son énigmatique chapeau de cowboy) qui se passent le relais ou unissent leurs voix avant que les instruments ne reprennent le dessus pour des morceaux qui s’étirent alors en puissantes montées rock et synthétiques à la fois. D’où l’étiquette “rock progressif” qui est souvent rattachée à la musique d’Archive.

Le groupe calme ensuite un peu le jeu avec “Vice” où une batterie plus posée et un piano aux sonorités classiques monopolisent les enceintes, toujours accompagnés par ces deux timbres des voix. Arrive ensuite “Daytime Coma” et ses près de quinze minutes. Après une première partie de morceau plus atmosphérique, entre nappes électronisantes et piano, le morceau prend un virage plus sombre et syncopé avant un final aux airs de fin du monde où l’assaut vient autant des guitares et de la batterie que du chant qui se transforme en hurlements plaintifs. Archive est passé maître dans la composition de ces morceaux allant à contre-courant des formats temporels actuels et qui réussissent par des couches sonores diversifiées et multiples à créer des ambiances et à les faire évoluer de minutes en minutes, nous emmenant souvent bien bien loin du point de départ du morceau.

Après l’hypnotique “Controlling Crowds”, une chanteuse au frêle gabarit fait son apparition sur scène : Lisa Mottram berce l’AB avec sa voix enfantine pour “Surrounde By Ghosts”. Un titre doux et lumineux à la fois, inondant de soleil une soirée jusque-là dominée par des ambiances sonores plutôt sombres et agitées. Toujours en sa présence, Archive enchaîne sur un titre sonnant presque comme un hymne pop-rock duquel se dégage une énergie réjouissante, portée par une mélodie qui nous rappelle le “Girl That Speaks No Words” d’Infadels. Archive offre donc une belle incartade apaisée et étincelante au cœur de son set avant de replonger dans un univers carrément troublé avec “Take My Head” et ses explosions de guitares qui semblent répondre aux paroles répétées en boucle par Lisa Mottram, uniquement soutenue par un synthé légèrement inquiétant et sévère. On continue ensuite avec “The Crown”, toujours issu du dernier album, qui nous emmène dans dans un trip sous haute-tension entre machines et chant résonnant comme un slogan de résistance. Idem avec “Enemy” qui pourrait avoir été récupéré dans la discographie la plus vénère de Radiohead tout en ayant subi un rude traitement accélérant le nombre de BPM.

Retour ensuite vers la lumière avec “The Empty Bottle” où le chant et la mélodie semblent nous porter vers des cieux radieux et apaisés avant une dernière plongée qui résonne comme un mauvais trip embrumé où les sons et murmures ricochent entre eux avant un énième final bien rock, agrémenté d’une ritournelle électronique légèrement inquiétante. La fin du concert a sonné avec l’incontournable “Again” qui vient clôturer un généreux set de deux heures. C’est dans sa version longue de quinze minutes que le titre est interprété, toujours porté par une prestation vocale de haut vol et rageuse, nécessaire pour exprimer toute la détresse des blessures et des heurts de l’amour.. Après un ultime cataclysme sonore, les dernières notes de la soirée s’évanouissent lentement dans une AB qui jubile pour la seconde fois d’affilée après une prestation de haut-vol et élégante, dense et sans concession, offrant des versions bien plus musclées et massives que leurs petites sœurs enregistrées en studio.

 

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