Cela fait maintenant quelques jours que le Botanique vit au rythme des nombreux concerts de son annuel festival printanier. Comme sur la route des vacances, les week-ends sont chargés. Ce premier samedi du festival ne fait pas exception à la règle avec un véritable marathon s’étalant de 18h jusqu’aux premières lueurs du dimanche matin. La soirée de concerts programmés sous le Chapiteau partage l’affiche du jour avec la “Bota By Night”, offrant dans ses différentes salles un espace de jeu varié aux fêtards et aux amateurs de musiques aux tendances électroniques. En ce qui nous concerne, c’est la programmation du Chapiteau sur laquelle nous avons jeté notre dévolu et plus particulièrement sur trois artistes qui y sont programmés. Dans l’ordre de passage : TOHJI, ELOI et HANNAH DIAMOND.

Comme le veut une certaine tradition durant Les Nuits, les festivaliers sont nombreux à squatter les marches des serres de la Rotonde qui donnent sur le parc tout au long de la soirée. Alors que ZONMAI et BABYMOROCCO se sont chargés de (ré)chauffer les premiers festivaliers du jour, c’est le Japonais TOHJI qui prend d’assaut le Chapiteau sur le coup de 19h avec un mélange d’eurodance, de j-pop, de trap et d’hyperpop. Tout ça étant balancé dans un énorme shaker bien secoué mais jamais bordélique. Tout commence avec des lumières blanches et blafardes. Le gaillard débarque sur scène avec son look de cyborg pendant que de grosses basses tabassent l’atmosphère. Son chant en japonais est aussi aérien que torturé et habité, avec un bon gros paquet d’effets placés sur sa voix. Tout ca prend ensuite des airs de luna-park géant et teknoidé, calibré pour faire péter le plancher du chapiteau. Nous sommes par contre toujours étonnés par la manière dont pas mal d’artistes en provenance du Japon cassent les rythmes et mélodies sans crier gare. Cette spécificité culturelle intégrée, nous nous laissons entraîner par l’aspect coloré et ensoleillé de la musique de Tohji et de son beatmaker. Difficile de ne pas secouer la tête alors que le jeune homme se contorsionne dans tous les sens sur scène. La suite du set est plus posée et mélancolique avec quelques soubresauts fougueux. Les amateurs de culture japonaise et les nombreux festivaliers dont les traits du visage trahissent leurs origines asiatiques sont aux anges.

Place ensuite à ELOI. La Française arrive à Bruxelles avec “Dernier Orage”, un premier album récemment sorti et qui fait suite à plusieurs EP qui avaient déjà bien préparés le terrain. Evoluant dans une sorte de pogo des genres, Eloi mêle aussi bien les beats gabbers assassins que les guitares électriques, les rythmiques quasi-punk et drum’n’bass sur fond d’un phrasé entre chant et emo-rap où l’amour et les tourments occupent une grande place. La musique d’Eloi résonne comme les braises d’un feu prêt à tout cramer là où le souffle (forcément fiévreux) le poussera. On retrouve autant d’urgence que de sentiments à fleur de peau dans ses compositions. Défenseurs de la musique live où les bandes sonores préenregistrées constituent le soutien et non le corps musical (un dilemme infernal quand comme nous on est aussi amoureux des musiques électroniques), c’est avec plaisir que nous découvrons une scène du Chapiteau où une batterie et plusieurs guitares sont apparues. De quoi garantir un joli melting-pop musical entre machines et humains. La foule se densifie et ça vire à l’hystérie lorsqu’Eloi et ses deux musiciens (un batteur et une guitariste) montent sur scène. Avec un look vestimentaire résolument rock, le ton est donné. Le message est renforcé avec les t-shirts vendus au merchandising où il y est inscrit “On fait du rock”. De quoi dénoter, sans nous déplaire, dans une soirée à la programmation pourtant très tournée vers les sonorités digitales.

En 50 minutes, Eloi et ses musiciens ont tué le game en offrant une célébration où le rock et les beats électros s’unissent au rythme d’une énergie juvénile qui pousse et défonce les murs avec détermination. C’est brut, hautement inflammable et sexy à la fois. Sa reprise tournoyante de “Je t’aime de ouf” de Wejdene, emmenée par un énorme kick de batterie en est la parfaire illustration, tout comme le titre “Soleil noir” et ses boucles électroniques bien vénères. “200 km/h” offre aussi un véritable champ libre à la guitare électrique qui peut se déployer sans contrainte tandis que “Call me” prend des airs d’hymne punk-rock aux relents de drum’n’bass. Chaque titre est une occasion pour les festivaliers de s’agiter sur le plancher de danse sans que l’on sache trop si le rock se met au service de l’électro ou l’inverse.

On a vu les premiers rangs hurler les paroles de chaque chanson, on a vu des gens pleurer, on a vu des pogos, on a vu une armée de majeurs s’élever de la foule, on a vu des corps se déhancher avec beaucoup de poigne, on a vu un batteur aussi vénère que joyeusement entreprenant pour imposer les rythmes et cadences, on a vu une guitariste entrer en fusion avec son instrument pour en faire émerger des riffs nerveux et étincelants à la foi. Enfin, on a vu une chanteuse balancer ses textes et ses paroles en multipliant les ondulations corporelles et les postures de guerrière conquérante d’un rock nerveux et électronisé. Partie à l’assaut de la foule, celle-ci lui jeta un bouquet de fleur sur scène en guise de réponse. Régulièrement, c’est armée d’une guitare généreusement électrifiée qu’elle renforça son message. Et à la sortie de scène, lorsqu’elle rejoint les loges, c’est sous les cris et acclamations des festivaliers que cela se déroule, engendrant même une certaine cohue. Rock is not dead, avec un fameux coup de jeune et une mise à jour du logiciel qui bouscule quelques clichés poussiéreux.

HANNAH DIAMOND, la tête d’affiche du jour, prend ensuite possession de la scène. Cataloguée dans le fourre-tout de l’hyperpop, la Londonnienne a pour mission de faire rayonner le Chapiteau. L’hyperpop, sorte de pop 2.0 digitalisée et visuellement très travaillée, s’inscrit donc dans une époque où les réseaux sociaux et la nécessité d’être visible sont les clés principales du succès. Notre curiosité a malheureusement rapidement été déçue avec un set sans grand relief, très rose bonbon et à l intérêt scénique minime puisque la demoiselle évolue seule sur scène avec une bande sonore qui déroule derrière elle sans grande âme ou émotion (voir plus haut notre point de vue à ce sujet). Ses quelques pas de danses et l’un ou l’autre rythme plus dansant n’effacent pas des mélodies gentillettes mais sans grand caractère. Le chapiteau est d’ailleurs très moyennement rempli pour celle qui, sur papier, occupait le haut de l’affiche du jour. Eloi est passée par là avant elle et a réalisé un maitrisé et fiévreux hold-up aux allures de tornade ayant tout raflé sur son passage.

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