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Od’ah Dour

Dour Dour Dour. Cela pourrait presque être un haïku, un hymne à la joie 2.0., un mélange de beaucoup de choses. De belles choses. Pour les aficionados, les éloges ne sont plus nécessaires, un long et tenace « Douré » suffit. Pour les nouveaux (comme moi), c’est toujours un plaisir de communiquer sur l’un, si pas, le meilleur festival belge.

Meilleur ? Jugement bien subjectif s’il en est, mais force est de constater que Dour présente depuis maintenant 28  ans une formule originale forte en émotion et en plaisir pour un public de plus en plus nombreux et toujours aussi éclectique. Parlons-en du public, cette foule de gens plus ou moins bizarres, plus ou moins vieux ou jeunes (cela dit, les enfants sont rares ; il faut bien des lieux pour les  grandes personnes irresponsables), qui tracent son chemin pendant un ou cinq jours (formule totale  qui vous prend tout : dignité, énergie et santé) dans un méandre de groupes, de styles et d’individualités. Un cocktail aux multiples ingrédients à faire soi-même et à déguster entre amis.

Dour c’est le plus grand festival alternatif de Belgique, si pas d’Europe.  L’affiche colossale, marque de fabrique du festival, impose dès lors une liberté totale dans la façon dont le festival doit et peut se vivre. C’est sans doute cela qui fait que Dour est Dour, et que peu peuvent se targuer de l’égaler. Dour c’est aussi (et pour certains, surtout) la réunion durant 5 jours (du 13 au 17 juillet) des amateurs de musique et de fête sans concessions. Un savant mélange qui nous fait basculer tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; parfois les deux en même temps, mais jamais sans un de ces ingrédients bien particuliers.

Bilan d’une édition encore une fois très convaincante et qui parle pour elle-même.

Dour et des chiffres

Situé près de Mons, sur le site de la Machine à feu (pour les curieux : un bâtiment qui servait autrefois à pomper l’eau qui remplissait les galeries des mineurs), le festival de Dour est aujourd’hui avec ses quel que 235.000 festivaliers (un nouveau record), ses 280 groupes et ses 9 scènesla plus grande manifestation musicale et touristique de la Belgique francophone. sdl2Mentionner cela, c’est déjà comprendre que Dour remplit une fonction bien particulière dans le paysage culturel de Wallonie ; qu’il répond à une réelle demande. Il faut souligner que cette musique « alternative », qu’on perçoit souvent comme de la musique de niche, « non commerciale », rameute l’une des plus grandes communautés festivalières de nos régions ! On se bouscule d’ailleurs dans bon nombre de pays pour venir tenter l’expérience particulière proposée par le festival de Dour.

Dour, ça se vit

Pour cette édition 2016, le soleil fut au rendez-vous à partir du jeudi. À l’habituelle boue du camping s’est imposée une terre sèche et poussiéreuse, du plus bel effet Mad Max. Ceux qui n’avaient pas prévu de crème solaire (comme moi) ont eu la chance de revenir avec un souvenir rougeoyant du plus bel effet. C’est collector et on peut le montrer aux amis.

L’affiche de ce Dour 2016 a encore marqué les esprits par sa belle diversité de genres, de styles, de tendances, par l’importance accordée aux nouveaux artistes émergents, aux nouveaux courants, mais aussi aux artistes de renom (oublié ou non) qui aiment le live. Car Dour, c’est avant tout une sacrée expérience live. Les artistes et le public viennent pour ça et ça se ressent.

Dour c’est aussi une vie de camping. Si le camp principal est toujours synonyme de débauche, d’excès, de drogue, de fête, de tapage nocturne, de rencontres improbables ou très probables, les festivaliers soucieux de passer un moment plus calme ou plus intime trouveront satisfaction dans les festihuts, tipis, festicabins et autres flexotels. Reste que mis à part un accès aux toilettes et aux douches (qui a besoin de douches en festival ?!)  sur rendez-vous, l’organisation du vaste espace nocturne est exemplaire (oui même pour vous au lointain camping C).

Sur le site du festival lui-même, les infrastructures habituelles de tout festival d’une certaine taille se déploient à chaque lieu de passage : marché de babioles, stands de prévention en tout genre, stands de nourriture très passable (gras, cher et très limité dans le choix), stands commerciaux et autres bornes de rechargement de GSM (prévoir comme à Walibi des heures d’attentes ; au risque de s’éloigner d’un millimètre et de perdre sa place tant convoitée). Il faut par ailleurs noter un effort particulier fait sur la circulation au sein de l’ensemble du site. Plus aisé, moins étendu, il reste que pour les campeurs du camping C, l’accès au site du festival demeure synonyme de sport intensif.

Du côté des scènes, la qualité générale s’impose d’emblée. Mention spéciale pour le DubMadball-Dour16-45-1_636043638626656511 Corner, toujours aussi intimiste et surtout à la RedBull Elektropedia, un ensemble monumental vraiment impressionnant qui fera parler longuement les archéologues du futur. On peut par contre être frustré de la qualité audio de la Cannibal Stage et du Labo : parfois trop fort, souvent brouillon. Le mixage du métal et des guitares saturées est compliqué, mais pas impossible. J’ai été relativement déçu de mon concert de J-C Satan et de Bombay pour ces raisons.

Au niveau de la propreté et de la dimension écoresponsable, il faut saluer l’effort fait cette année. En collaboration avec le Cabaret Vert 2016 au sein du projet DEMO , le festival de Dour entend sensibiliser et promouvoir le développement durable tout en concevant et expérimentant des projets écoresponsables sur son site propre. Reste que le festival n’est pas encore le plus grand exemple à suivre dans le domaine et que la distribution de sachet en plastique pour passer les portiques d’entrée n’était pas la chose la plus écolo à mettre en place… On reste cependant optimiste pour les prochaines éditions, car la motivation est bel et bien là !

Ce qu’on a vu et entendu qui fait plaisir

Il faut imaginer la main stage en fin de journée, une ambiance bonne enfant dansante et festive à souhait, une légère brise dans une chaleur tout à fait supportable, UN FAKEAR au top, un jeu de lumière simple et efficace et à ma droite un couple de sexa-septua-octa (au choix) en pleine transe. Une très belle entrée en matière pour ma première expérience douresque.14031107_10209044125953002_1558809491_n

Connus pour leur très gros show, les Peaches ont délivré tout leur savoir-faire au sein d’un cabaret sauvage où se mêlent chair, cuir et gros son. Un concept parfaitement maîtrisé, mais qui pourrait à la longue montrer ses limites. C’et très bien une fois, mais plus ?

Je suis allé à ce concert en connaissance de cause. Il est très probable que le public présent y soit allé dans le même état d’esprit : un mélange savoureux de curiosité et d’incertitude. Floating Points c’est des montées jazzy et électro de très grande tenue, un côté aérien irradiant, un show visuel complètement hypnotisant (avec écran 3D du plus bel effet). La magie opère rapidement. L’alternance de montée et de moment plus calme marche à merveille.

Un concert qui a fait l’unanimité (long et puissant « douré » à l’appui dans les moments les plus intenses). La légende de la techno et de la minimale a imposé son style et a fait bouger les corps avec un set aux petits oignons et sans concessions qui travaille le corps et l’esprit pour ne plus jamais redescendre. Grosse impression, public en transe. Un métronome d’efficacité.

Petit prodige canadien, d’une humblitude incomparable, Mac DeMarco est connu et reconnu pour être un grand showman. Les fans les plus convaincus pourront lui reprocher sa relative retenue lors de son passage à Dour. Il reste cependant que le bonhomme produit une musique pop désenchantée qui a fait date et qui marque indéniablement les esprits. Le tout fonctionne parfaitement sur scène, qui plus est si le beau temps est au rendez-vous.

La Femme, on en parlait encore récemment lors des dernières Nuits du Botanique, c’est du lourd. Entouré d’une hype telle que chacun de leur passage est un bras de fer entre les convaincus, ceux qui les attendent au tournant en craignant qu’ils prennent la grosse tête et les réfractaires des premiers jours. Cependant, la Femme à Dour ne pouvait rien donner d’autre qu’un immense concert, bourré d’énergie. On a vu des pogos comme s’il en pleuvait. Un très bon moment avant l’arrivée prochaine de leur nouvel album… qui sera, lui, bel et bien attendu au tournant…

Brain Damage ça vous parle ? Non ?! Vous êtes bien comme mes potes ! Pourtant vous auriez du venir, parce que c’était sans doute un des tops concerts pour les amateurs de Dub. Pas celle qui répète inlassablement la même rythmique jusqu’à l’overdose, non non, de la bonne dub bien grasse avec des montées venues tout droit du fond des âges, qui vous triturent les entrailles et vous soulèvent les basquettes. Brain Damage Live ! Ça se vit. La prochaine fois, vous saurez !

Trip californien d’une coolitude et d’une efficacité telle que je ne pouvais décemment pas faire l’impasse sur l’une de leurs rares prestations en terre belge. Encore trop méconnus, les jeunes californiens produits par le génie Nick Waterhouse délivrent sur scène la même impression laissée par leurs albums. Tout en fraîcheur et subtilité. À écouter obligatoirement au soleil et plus si affinité.

King Khan, c’est avant tout une bête de scène totalement dans l’esprit rock&roll du bon vieux temps. Je mets ma main à couper que le gros bonhomme bedonnant, qui s’est tapé l’incruste pendant de longues minutes sur les Allah Las, n’était autre que cet humble seigneur  Arish Ahmad Khan. Le doute subsite car le chanteur, lorsqu’il monte sur scène accompagné par ses Shrines est un autre homme… une autre chose en tout cas. Totalement barré, sa personnalité, sa chevelure blond délavé accompagnant un teint indien du plus bel effet, son accoutrement orienté poils et latex, tout dans le bonhomme participe au grand wtf sonore vu à ce Dour 2016. King Khan il faut le voir en live et se marrer autant que les musiciens sur scène.

Personnellement et pour diverses raisons, je ne suis pas un fan de la première heure de la pop psychédélique des Django Django. Encore aujourd’hui leur album studio me fait longuement bâiller. Des potes m’avaient également fait part de leur déception dans des concerts précédents.  Curieux, j’ai tout de même pris le pas d’aller tester la formation sur scène, parce que mine de rien les bonshommes savent ce qu’ils font et qu’ils maîtrisent leur concept sur le bout des doigts. Décision judicieuse ! Django Django fut un concert de très très bonne tenue : dynamique, sortant des sentiers battus et  jouant avec un public au rendez-vous. Comme quoi.

Formation promise à un bel avenir ou à une autodestruction à court terme du fait de la radicalité de leur approche musicale, les Suuns c’est l’incursion de la musique expérimentale, voir bruitiste, dans le vaste horizon de la famille musicale « grand public ». Il y a quelque chose d’hypnotisant, parfois de dansant, dans la musique déstructurée de ces Montréalais bourrés de créativité. Un show live à voir absolument pour sa montée progressive de morceau en morceau, jusqu’à l’arrivée au vrai début du concert à partir de 30 min de live. Une expérience qui ne fonctionne sans doute pas avec tout le monde, mais qui a au moins le mérite d’intriguer. Mention spéciale au morceau 2020, en passe de devenir culte, qui donne très bien en live.

Pop-rock facile aux premiers abords, mais qui déploie un beau panel d’influences diverses au fil des morceaux. La formation propose un très beau mélange de chant masculin-féminin, des passages rock beaucoup plus assumés et une touche personnelle vite reconnaissable. Il faut juste regretter le réglage sonore décevant de la cannibal stage (pourquoi les avoir programmés là d’ailleurs ?!). On est passé très près d’un concert de grande tenue.

Deux mecs tatoués, des têtes et des accents made in Uk assumé, des litres de sueur, un chant et des lyrics totalement décomplexés et une énergie à scier des baobabs à la cuillère ; Slaves rameute la foule, envoie du lourd, bûcheronne les esprits et renvoie le punk à son plus simple appareil.

Un gars et des loop. Vous voulez en savoir plus ? Faut le voir en live. C’est là que ça se passe. Ce n’est qu’un homme avec une tonsure qui « mix » des bruits du quotidien. Un rapport entre le minéral et le vivant de son propre aveu. Après tout…

Flavien Berger c’est sans doute l’un des concerts de 2016 où je me suis senti le plus chez moi. Une douceur irradiante, un musicien chef d’orchestre tout en retenue, mais qui envoie des montées quand on l’attend le moins. Flavien Berger c’est avant tout une ambiance, un personnage et une approche de la musique. En live comme chez soi, ça s’écoute et ça s’explore.

Moment destroy par excellence, les lives des Fat White Family laissent rarement indifférents. Pourtant derrière le côté gang de sales gosses, le garage Psyché délivré amène un vent de fraîcheur incontestable dans un mouvement qui peut parfois être redondant et replié sur lui même. Texte et musique se complètent et transcendent le genre. En live, on se retrouve face à des musiciens défoncés qui aiment leur musique et qui communiquent de l’énergie pure pendant 60 minutes.

Un trip aux relents osbournesque (selon moi, parce qu’ils s’inscrivent dans le punk psyché des tropiques…) venu tout droit de Portugo-anglo vénézuélie amstellodamoise. Si le bassiste de 30, 40, 50 piges (au choix, James Porch pour les intimes) peut paraître aussi ravagé qu’Ozzy version 2016, le chanteur-batteur laisse quant à lui un goût de bon vieux temps du psychédélique dans la bouche et les oreilles de son public. On a apprécié le total décalage et le coté psyché vieille école sans concessions. Un trip sous acide, peut-être un peu refermé sur lui-même, mais qui a le mérite de retravailler ses classiques.

Conclusion

Dour 2016 fut une très belle expérience et un très bon cru. Il est sûr que l’édition 2017 proposera encore un festival douresque au possible !

 

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