Les années passent et c’est à chaque fois le même constat que nous faisons : où va donc s’arrêter le RONQUIERES FESTIVAL et son atypique localisation. Créé en 2012, le festival n’a jamais cessé de grandir et de se développer, sans jamais brûler les étapes. Depuis leurs débuts, les organisateurs ont fait le pari d’une affiche alliant les artistes grands publics majoritairement francophones avec une programmation plus alternative, jouant ouvertement le jeu des tendances actuelles, quitte à proposer de grands écarts musicaux plus qu’audacieux. Le plus bel exemple de ce type pour cette édition 2023 est à aller chercher dans la programmation du dimanche où les organisateurs vont faire cohabiter BENJAMIN BIOLAY et SHAKA PONK sur la même scène, tout en s’assurant d’entretenir des relations houleuses avec le voisinage en clôturant la soirée avec THE PRODIGY. Autre tendance qui se marque depuis quelques années maintenant : l’internationalisation de l’affiche, signe que le festival se construit une place solide dans le paysage musical estival. Cependant, l’événement incontournable de cette édition est constitué par la venue d’INDOCHINE ce vendredi soir, qu’on n’avait plus vu sur la scène d’un festival belge depuis Les Ardentes en 2016. Enfin, la grande nouveauté de cette année, vient du réaménagement du site avec la scène “Colline” dont l’orientation est modifiée pour permettre à un maximum de festivaliers de profiter d’une vue légèrement plongeante sur la dite scène.

A côté de tous ces aspects plutôt réjouissants, il reste un élément incontournable et qui n’a fait aucun cadeau aux organisateurs : la météo. Depuis quelques années les festivals ont plutôt eu tendance à anticiper les grosses chaleurs et la sécheresse. Mais cette année, c’est presque les sacs de sable qu’il faut sortir pour construire des digues. Nous voici donc embarqués pour trois jours et trois nuits avec des prévisions météorologiques invitant chacun à aller dévaliser les rayons “vêtements de pluie” d’à peu près tous les magasins de vêtements du pays. Cette première journée de festival voit donc NICOLA SIRKIS et son groupe tirer le reste d’une affiche qui justifie amplement de ne pas arriver trop tard sur le site pour profiter au maximum de la programmation concoctée par le festival. Et c’est tout à l’honneur des organisateurs qui auraient pu jouer la carte d’une affiche “faiblarde” pour le reste de la journée puisque de toute façon toutes les places étaient déjà vendues dès l’unique annonce de la venue d’Indochine. Mais non, les organisateurs en ont remis une couche en programmant notamment LOUISE ATTAQUE et ADE.

Et c’est une violente averse qui nous accueille sur le site du festival alors que KIDS RETURN entame son set aux sonorités légèrement rock mais pourtant bien ensoleillées et tranquilles. Pas grave, le groupe sur scène ne se laisse pas démonter. Avant ça, JULIEN GRANEL a inauguré la nouvelle scène de la Colline avec sa pop folle et colorée. On constate rapidement que le site a déjà souffert des abondantes précipitations des dernières semaines. Flaques et boue sont déjà au programme. Mais pour cette première journée, le ciel se montrera clément jusqu’au bout de la soirée.

SILLY BOY BLUE monte ensuite sur la scène de la Colline. La chanteuse a sorti un deuxième album, salué par la critique, tout comme son premier opus sur lequel on avait vraiment accroché en ce qui nous concerne. Avec un nom de scène en référence directe à David Bowie, Ana Benabdelkarim et ses 3 musiciens livrent un set aux sonorités pop et synthétiques élégantes et dansantes à la fois. Les refrains sont accrocheurs, les têtes battent la mesure un peu partout sur la plaine de Ronquières. Avec Silly Boy Blue, il est avant tout question de sentiments amoureux (le plus souvent déçus) voir carrément de règlements de compte sentimentaux. On apprécie tout particulièrement son interprétation à fleur de peau du titre “The Fight”. Elle doit cependant faire face à une plaine encore peu garnie dont les premiers rangs sont littéralement squattés par l’armada des fans d’Indochine.

Nous prenons ensuite la direction de la Scène Tribord où une grosse tornade sonore s’annonce avec le set punk-rock des Anglais de THE SUBWAYS. Le trio avait connu un très beau début de carrière au milieu des années 2000, grâce notamment à l’ultrapuissant single “Rock’n’Roll Queen” et son refrain à hurler sans restriction. Les voici donc présents ce vendredi avec un cinquième album. Et ils entament leur concert, pied au plancher, avec “Oh yeah”, issu de leur premier album. Une petite moitié de celui-ci sera d’ailleurs jouée ce soir. Directement un pogo et un joyeux circle-pit s’organisent dans les premiers rangs selon le principe élémentaire suivant : bousculer sans rien casser. On voit même apparaître des slammeurs vite réprimandés avec une violence inutile par un service de sécurité où les neurones ne semblent pas nombreux à se concerter (désolé les gars, votre attitude n’avait aucune plus-value). Sur scène et au chant, BILLY LUN n’a rien perdu de sa fougue et de sa rage. Il fait malgré tout plus attention à sa voix qu’avant. A la basse, son ex-fiancée, CHARLOTTE COOPER a toujours autant la bougeotte, alors que le batteur martèle énergiquement ses fûts et cymbales. Les moments chauds ne manquent pas avec des titres comme “California, “I want to hear what you have got to say” ou “With you’. Billy Lun s’offre même un saut depuis la scène dans le public qui n’attendait que ça. The Subways était venu avec l’intention de mettre une jolie raclée à Ronquières et la mission a été accomplie dans l’euphorie générale, avec  l’incontournable “Rock’n’Roll Queen” pour clôturer le set. The Subways restera Young For Eternity. 

Artiste la plus programmée en festivals cet été en France, ADE, l’ancienne chanteuse de Thérapie Taxi vient défendre son premier album solo sur la Scène Colline. Ses titres, plus pop et moins directs que ceux de son ancien groupe prennent souvent la forme de ballades. Il y a de la folk dans tout ça, souvent des guitares aux sonorités blues, électriques et bien chaudes, ainsi qu’une ambiance de doux western country. Et tout ça se déroule sous un généreux soleil à l’heure de ce qu’on appelle la golden hour. On assiste enfin à un joli moment de communion et de danse entre la chanteuse et le public sur le titre “Q” et son final instrumental.

Après avoir fait sérieusement bouillonner Forest National au printemps, LOUISE ATTAQUE est de retour en Belgique ce soir. Et c’est peut-être là où les programmateurs du festival ont réussi un véritable coup de maître en programmant sur une même soirée les deux plus gros poids lourds actuels de la pop-rock francophone. Il ne faut pas cinq minutes au groupe pour transformer la plaine de Ronquières en énorme karaoké. Louise Attaque fait le choix d’interpréter une bonne partie de son premier album éponyme sorti il y a plus de 25 ans. Les tubes s’enchainent dans l’euphorie générale : “Amours”, “Je t’emmène au vent”, “Ton invitation”, “Léa”, “Les nuits parisiennes”, etc. En septante minutes le groupe emmené par GAETAN ROUSSEL se charge de rappeler à tout le monde qu’il n’y a pas qu’INDOCHINE qui débarque ce soir avec une armée de tubes pop-rock pour faire danser les foules, toujours accompagné de l’incontournable violon qui est en quelques sortes la signature musicale du groupe. C’est au milieu de la foule (et avec leurs instruments), qui a pourtant commencé à massivement aller se positionner pour le concert suivant, que les membres du groupe achèvent leur set en reprenant “Je t’emmène au vent”. 

 

Il est un peu moins de 22h et il n’y a plus un centimètre carré de disponible devant la scène de la Colline. Le très nerveux titre electro-classh “Sexy Beast” de VITALIC et I HATE MODELS s’extirpe des enceintes, donnant le signal de départ pour le concert d’INDOCHINE. Sans réelle actualité musicale depuis le dernier album sorti en 2017 déjà, et faisant suite à la tournée anniversaire de l’été passé, Indochine s’offre une tournée des festivals qui se clôture ce soir à Ronquières. Le groupe est donc là sans pression, ni enjeux, laissant place à la décontraction. Dans une ambiance rougeoyante, Nicola Sirkis (vêtu d’un étrange gillet par balle rouge qui pourrait laisser croire qu’il travaille maintenant pour Securail) et ses musiciens ouvrent les hostilités avec “Nos Célébrations” repris en choeur par la foule.

© Jean-Yves Damien

Mais attention, Indochine reste une grosse machine qui ne vient pas pour faire du tourisme ou proposer un set au rabais. Le groupe propose ce soir un concert dense et sans temps mort, appuyé par un écran géant en fond de scène et par une avancée circulaire sur la plaine. Malgré un début de set un peu poussif, les cinq membres du groupe enchainent les gros tubes incontournables (“Canary bay”, “Alice & June”, “3 nuits par semaine”, “L’aventurier”, “J’ai demandé à la lune”, “Des fleurs pour Salinger”, “Les Tzars” où sont projetés les portraits de différents dirigeants politiques autoritaires et contemporains, etc.), surtout en fin de set, tout en allant piocher d’autres titres résolument rock dans leur discographie. Le titre “Manifesto” fait ainsi son apparition très tôt dans la soirée alors qu’il n’avait plus été joué depuis près de 25 ans. Le groupe se lance aussi dans une reprise un peu casse-gueule du “Poker Face” de LADY GAGA et achèvera son set avec une reprise disco-rock de “You spind me round” de DEAD OR ALIVE.

© Indochine Officiel

On regrette juste parfois le manque de spontanéité inhérent à ce genre de grosse production scénique où tout est millimétré et anticipé, sans qu’il ne soit réellement possible pour le groupe de pouvoir sortir de ce cadre. Mais ce soir, la technique semble capricieuse, provoquant de nombreux petits soucis de retours pour les membres du groupe, le Père Sirkis paraissant déconcentré par ceux-ci et s’emmêlant les pinceaux à plusieurs reprises dans ses paroles. Mais pas de quoi casser la bonne ambiance, puisque lorsque ce dernier fait un signe à BORIS JARDEL sur “L’aventurier” pour qu’il l’aide à se remettre dans le bon rythme (car oui il était en décalage complet), ce dernier le regarde avec un grand sourire malicieux qui semble vouloir dire j’ai la solution à ton problème mais débrouille toi. Pour en revenir à l’aspect technique, le son en façade pour le public manquait aussi clairement de constante, la voix de Nicola Sirkis paraissant régulièrement étouffée et sous-sonorisée, les basses venant parfois écraser tout le reste du mixage à d’autres moments.

© Jean-Yves Damien

Nous n’avons clairement pas assisté au meilleur concert d’Indochine qui soit ce vendredi soir à Ronquières, notamment en raison de ces petits problèmes techniques. Au delà de la réécriture improvisée de certains textes par Nicola Sirkis (plus amusante que réellement gênante), la prestation scénique du groupe était irréprochable, privilégiant l’efficacité rock, toutes guitares dehors et restant très pros, Nicola Sirkis continuant à aller chercher la foule malgré une fatigue manifeste et une avancée scénique ne favorisant pas une occupation de l’espace dynamique en raison d’une inclinaison assez prononcée de celle-ci. Indochine a une fois encore rappeler qu’un vieux groupe n’est pas forcément condamné à s’encrouter dans des prestations mollassonnes et figées. 

Il est un peu moins de minuit, la soirée s’achève ici pour beaucoup de festivaliers, les plus motivés continuant par contre leur nuit au son du set électro et visuel de KID NOIZE sur la Scène Tribord. Cette première journée aura donc été marquée au fer rouge par le guitares électriques et par un rock principalement made in France qui continue à rassembler et enthousiasmer un large public.

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