Nous prenons la direction du Sud de Bruxelles en ce samedi soir de décembre pour le concert du producteur anglais BONOBO. Cela fait maintenant 20 ans qu’il propose une musique organique et électronique, où les instruments classiques y trouvent également leur place. Couvé depuis ses débuts par le célèbre et réputé label Ninja Tune, c’est armé de son septième album qu’il se présente ce soir à FOREST NATIONAL. “Fragments” est dans la continuité de ses très réussis prédécesseurs, tout en étant plus électroniques, mais sans jamais perdre de vue la recherche esthétique d’horizons sonores nouveaux.

C’est dans sa configuration Club, qui doit quand même tourner autour des 5000 personnes, que Forest National nous reçoit ce samedi soir alors que les spectateurs s’engouffrent dans la salle pour échapper au froid ultra-piquant de ce mois de décembre. Il est 20 heures lorsque POTE, qui assure la première partie, monte sur scène. Durant 45 minutes, et seul sur scène, il produit une musique métissée, composée de nombreux samples, de synthés, de rythmes et de percussions parfois organiques, parfois très mécaniques. De temps à autre il pose aussi sa voix sur ses titres, nous rappelant le timbre d’un Kele Okereke de Bloc Party. Commencé en douceur son set s’achève en mode dancefloor aux accents 90’s, dub et breakbeat. On a beau danser, on ne comprend pas comment le gaillard fait pour être quasi torse nu sur scène vu la température relativement fraiche qui règne dans la salle.

Place ensuite à BONOBO. Il y a sur scène tout ce qu’on apprécie pour un concert à tendance électro : une table de mixage pleine de machines et de câbles qui s’emmêlent dans un joyeux chaos (pas de clé USB donc). Tendance électro mais pas que, puisqu’on aperçoit aussi une batterie, une guitare, une basse, des synthés et des cuivres. C’est donc accompagné de 6 musiciens que Bonobo monte sur scène alors que la salle est plongée dans les fumigènes. La setlist de ce soir fait la part belle aux deux derniers albums en date, ceux-ci occupant près des 2/3 des titres joués. Le concert commence en douceur avec “Polyghost” (issu du dernier album) et ses notes de guitares aux saveurs asiatiques. La guitare occupe régulièrement le devant de l’espace sonore. Elle permet d’amener des moments doux, aériens et contemplatifs. Tout comme l’écran géant situé en fond de scène et sur lequel sont régulièrement projetés des images de grands paysages inhabités et sauvages (plaines désertiques, islandaises ou océaniques).

La première demi-heure du set est finalement assez tranquille avec pas mal de beats soignés, renforcés par les cuivres aux couleurs sonores bien chaudes et ensoleillés. Bonobo se trouve dans une position centrale sur scène mais dans les faits cela ne le met pas plus en valeur d’un point de vue visuel, le lightshow se concentrant sur l’ambiance générale. On apprécie d’ailleurs que le dispositif technique en place ce soir permette un éclairage dynamique et quasi-permanent, aussi bien de la scène que du public (gradins compris). La présence de plusieurs boules à facettes facilitant l’effet lumineux général. A différents moments du concert, Bonobo et ses musiciens peuvent s’appuyer sur la voix d’une chanteuse qui évolue au devant de la scène. Son timbre est voluptueux et clair, idéal pour accompagner le jeu des musiciens.

Au bout d’une petit demi-heure que le set rentre dans une nouvelle dimension avec quelques titres plus musclés et généreusement chargés en basse. Ceux-ci-remuent la fosse et les gradins qui se mettent à danser. Et c’est là qu’on est alors confronté à LA très bonne surprise du jour : la qualité du son. Forest National est souvent décrié pour son acoustique brouillonne voir carrément médiocre, mais rien de tout ça ce soir. Nous bénéficions d’un son aussi clair que puissant et percutant. On ne serait pas étonné que les riverains de la salle n’aient pas passé une soirée tranquille vu la puissance de ce qu’on a pris dans les oreilles et le reste du corps. Cela nous offre des versions très immersives des titres phares de Bonobo : “Kiara” et “Cirrus” en tête. Ce dernier titre vire en version électro survoltée avant d’amorcer une transition à base de guitares et de sonorités plus naturelles. Cet instant du concert constitue probablement un des moments les plus marquants de la soirée. On note aussi l’énorme travail du batteur sur ces différents titres.

Faire de l’électro qui fracasse tout avec méthode et doigté est une chose, et Bonobo en maîtrise l’art (tout comme Jon Hopkins, autre spécialiste de la fragmentation sonore) mais réussir à y intégrer des sonorités plus organiques en est une autre. C’est ainsi que le titre “Bambo Kando Groya” et ses rythmes africains emmène le public au plus profond de l’Afrique noire et de ses chants traditionnels. Même immersion aux airs de globe-trotter avec “We Could Forever” et ses influences latinos où nous voyons aussi apparaître une flûte traversière avec sa ritournelle entêtante et dansante. C’est aussi à ce moment du concert que la chanteuse revient sur scène pour des passages plus tranquilles. La dance machine se remet malgré tout en route au son de sa voix avec “No Reason”. Ce titre, comme beaucoup d’autres, s’étire et permet à Bonobo de développer tout le relief et les couleurs de ses compositions. C’est ainsi qu’après une passage aux airs de grosse attaque de basses et de beats, il s’achève en douceur et à capella. Ce titre à lui seul résume assez bien toute la gamme sonore et technique que Bonobo déploie ce soir à Forest National.

La fin du concert se présente doucement, et Bonobo s’offre un passage très electro sur “Linked”, où il y déchire les beats et les sons. On le répète mais l’acoustique de ce soir est ahurissante. Et ce constat nous amène à en faire un autre : alors que Bonobo propose des albums finalement assez tranquilles qui invitent à la détente et à la douce danse des corps, ce sont des versions finalement très musclées de ses titres qui sont jouées ce soir. Même avec un système sonore dernier cri à la maison, impossible de retrouver la force (sans jamais basculé dans un son de bourrin) de ce qu’on entend ce soir. “Otomo”, lui aussi issu du dernier album, nous offre une fin de set aussi solaire et chaude que dansante et incisive, porté par les samples de lointains chœurs venus des tropiques. Forest National exulte de la fosse jusqu’au gradins. On apprécie la beauté et la chaleur de cet instant. En rappel, Bonobo et ses musiciens reviennent pour deux titres : “Stay The Same” et “Kerala”. Le premier s’inscrit dans une ambiance estivale entre trip-hop et électro-jazz où les cuivres et la chanteuse y marquent une dernière fois leur empreinte sonore. “Kerala” est quand à lui plus rythmé, dansant et festif. C’est face à une arène debout, hurlante et bras en l’air que Bonobo quitte la scène en remerciant Bruxelles pour son accueil chaleureux et ardent.

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