Les salles de concerts sont à nouveaux fermées depuis quelques semaines. On a pu profiter d’une timide brèche qui s’est ouverte durant l’été et le tout début de l’automne. Nous voilà de retour chez nous. Mais comme les autorités ont malgré tout considéré que les librairies étaient un commerce essentiel à l’heure du reconfinement, on vous propose ici notre petite sélection de bouquin en lien avec la musique. Une autre manière de la consommer, de l’apprécier et la découvrir dans ses facettes multiples et infinies. La rédaction de Scènes Belges vous propose un petit échantillon de ses coups de cœur « musico-littéraires ».
« STROMAE EST MORT A NEW-YORK » de Thierry Coljon
Inutile de vous présenter une énième fois celui qui a agité la toile et les réseaux sociaux cette semaine. Par contre la genèse de ce roman vaut le détour : Thierry Coljon, qui en est l’auteur, est un journaliste belge qui travaille pour la rédaction du journal Le Soir depuis 1981. Il a proposé à plusieurs reprises au chanteur belge d’écrire une biographie à son sujet. Ce dernier a toujours refusé et lui a répondu sous forme d’une demi-boutade « tu écriras une biographie sur moi quand je serai mort ». Le journaliste l’a alors pris au pied de la lettre et est parti du postulat que Stromae était mort pour écrire son bouquin. Il en découle un passionnant roman sous forme d’une enquête journalistique qui nous dresse un portrait du chanteur bruxellois. Portrait bien entendu subjectif et romancé donc, mais qui aborde les différentes facettes du personnage de scène, de l’histoire et en définitive du mystérieux Paul Van Haver qui se cache derrière le pseudonyme de Stromae. Tout ça avec pudeur et sans verser dans le sensationnalisme. Quelques « guests » font également leur apparition dans ce roman. Pour autant la frontière entre réalité et fiction se trouble très souvent, rendant l’intrigue très réaliste et prenante. Le livre est agrémenté de sombres mais belles illustrations d’Yves Budin.
« LA MECANIQUE DU CŒUR » de Mathias Malzieu
On vous présente ici le troisième roman du chanteur du groupe français Dionysos. « La Mécanique du Cœur » n’est pas juste un livre, c’est aussi un album complet enregistré par son groupe dont la particularité est que chacun des 18 morceaux est interprété avec la participation d’autres artistes : on y croise notamment Olivia Ruiz, Grand Corps Malade, Jean Rochefort, Alain Bashung et, plus surprenant, Eric Cantona. Cet album du même nom est en quelques sortes la bande sonore du roman. Mais le garçon ne s’est pas arrêté là puisqu’il a également, plusieurs années après, adapté son roman au cinéma sous la forme d’un long métrage d’animation aux influences Tim Burtonniennes nommé « Jack et la mécanique du cœur ». C’est donc une œuvre complète, cohérente et multidisciplinaire qu’ont fabriquée Mathias Malzieu et les siens. Mais de quoi tout cela parle alors ? Il est question du destin de Jack dont le cœur est un mécanisme fragile. Pour le préserver et ne pas mourir, Jack ne doit pas en toucher le mécanisme, il doit maitriser sa colère et surtout éviter à tout prix de tomber amoureux. Sa rencontre avec Miss Acacia va venir bouleverser ce fragile équilibre.
On a ici affaire au premier tome de l’auto-biographie du DJ-musicien-producteur le plus zen de l’Amérique. Enfin ça c’est l’image que l’on en a aujourd’hui, sa musique aidant. Parce que zen il ne l’a pas toujours été, loin de là. Moby nous emmène dans cet ouvrage traduit en français (ce qui n’est malheureusement pas le cas du second tome) dans son enfance, son adolescence, son ascension musicale et populaire aussi soudaine que déstabilisante, de ses premiers albums musicalement parfois chaotiques, au succès planétaire de son single « Go », pour finir sur son album « 18 » qui l’a définitivement placé comme référence de la musique électronique. Et il le fait sans détour, avec humour et dérision, notamment lorsqu’il nous parle de ses rencontres avec Jeff Buckley et David Bowie. Il aborde également, sans filtres ni tabous, les périodes sombres et tourmentées de sa vie, son addiction à l’alcool, l’influence de son éducation chrétienne et, dans un registre plus léger, son choix d’être végétarien bien avant que cela ne soit une mode. C’est la période allant de 1976 à 1999 qu’il nous raconte dans ce premier tome. Il ne nous reste plus qu’à perfectionner notre anglais pour nous attaquer au second tome.
« LES 1001 ALBUMS QU’IL FAUT AVOIR ÉCOUTES DANS SA VIE » de Robert Dimery
C’est le genre de briques (plus de 900 pages quand même) aux titres prétentieux et presque arrogant qui, si ils sont pris au pied de la lettre, sont une véritable insulte à la richesse musicale infinie qui s’offre à nous depuis des décennies. Mais rien de tout ça ici, l’auteur (anglophone) s’en défend d’entrée de jeu, avant même qu’on ait eu le temps de commencer à le canarder et le traiter de tous les noms pour ses choix forcément discutables. Sinon où est l’intérêt ? Il assume totalement le fait de présenter SON panel de 1001 albums à écouter, couvrant la période allant des années 50 jusqu’à 2018. C’est avant tout un très riche voyage exploratoire dans le temps et au delà de toutes les frontières des genres musicaux qui s’offre au lecteur et à l’auditeur. Et pour ceux qui ne seraient pas rassasiés après ça, le journaliste français Michka Assayas qui a préfacé l’ouvrage, donne aussi sa liste d’albums incontournables avec une touche plus francophone dès lors. De quoi faire tourner vos enceintes pour un paquet d’heures dans les prochaines années.
Avec comme slogan « L’éditeur qui véhicule le rock! », le message semble assez clair. Avec plus de 450 ouvrages, il n’est pas question de s’intéresser à un seul et unique ouvrage tant la variété et la qualité des contenus proposés ne vous donnera pas assez d’une vie pour tous les parcourir. Et l’avantage, c’est qu’ils ne sont pas sectaires malgré des sujets, des courants musicaux et des groupes très pointus dont leurs ouvrages font l’objet. En vrac : on passe d’Indochine à Rammstein et Bjork, en passant par Depeche Mode, The Hives, Nirvana, The Cure, Kiss et Benjamin Biolay. Le Rock comme mouvement globale et abordé dans toutes ses déclinaisons musicales et sociétales. Certains courants musicaux et thématiques bien spécifiques ont également droit à leur ouvrage prore. Il est ainsi question de Black Métal, de Gringcore, de Festivals, Raves Parties et Free Parties, du Punk, de la Cold Wave, de Musique Industrielle, de Rock Progressif, du mouvement Skinheads, de Musiques Jamaïcaines, etc. Voilà le lien vers le site internet de l’éditeur : http://www.camionblanc.com/index.php . Bonne exploration ! Attention au porte-monnaie malgré tout.
« BORN TO RUN » de Bruce Springsteen
« Le Boss » nous propose son autobiographe, retraçant son parcours depuis son enfance dans le New Jersey jusqu’à la sortie de son album « High Hopes » en 2014. Sans même connaitre sa discographie, lire ce récit c’est faire le choix de plonger dans la racines du rock américain. Mais le rock avec un grand R, celui qui bouillonne, celui qui fait tomber les barrières et qui fait naître une ferveur incomparable chez les musiciens et les amateurs de musique. Bruce Springsteen nous embarque aussi dans une démarche introspective personnelle où il confie ses joies, ses émotions, ses doutes et ses angoisses. Ce livre est, comme son nom l’indique, une course vers la vie pour que chaque instant soit vécu le plus intensément qui soit. Et avec des concerts de 3 heures, malgré les années qui passent, Bruce Springsteen n’a pas encore diminué le rythme et la cadence de cette fabuleuse course.
« ELECTROCHOC – L’INTEGRALE 1987-2013 » de Laurent Garnier et David Brun-Lambert
Ils sont peu nombreux les survivants qui ont vécu et participé à l’émergence de la house, et plus globalement de la techno et l’électro au sens large. Le DJ français Laurent Garnier, accompagné de son ami journaliste David Brun-Lambert nous racontent cette histoire tout au long des plus de 400 pages de ce bouquin. Tout y est abordé : des prémices de la house à Detroit, aux « raves » anglaises, en passant par les free parties hors de tout contrôle qui en ont découlé, en passant par le dur combat pour faire connaitre et reconnaître ce mouvement musical en France et ailleurs. Laurent Garnier se pose à la fois comme acteur, témoin, sociologue et presque comme un scientifique bienveillant de la musique électronique dans ce qu’elle a de plus noble et novateur. Malgré un enthousiasme et une passion jamais démentis, il dézingue aussi là où cela lui semble nécessaire (autorités politiques frileuses, managers, maisons de disques et labels, artistes et DJ eux mêmes dans certaines dérives du métier). Il ne se pose pourtant jamais comme porteur d’une seule et unique bonne parole qui serait la sienne, reconnaissant aussi bien le talent et l’apport essentiel à la musique électronique d’artistes aussi éloignes les uns les autres que Jeff Mills, David Guetta, Manu Le Malin ou les iconiques Daft Punk. Laurent Garnier confie ses doutes, ses remises en questions et ses erreurs sur la manière d’aborder ce métier aussi particulier que mystérieux de DJ. Mais au travers de 4 décennies, de deux siècles et millénaires, il revendique son obsession à ce que la musique techno soit un vecteur d’émotions, d’énergies et de partage dans une recherche de la nouveauté et du défi exploratoire jamais achevée.
« AB. UNE SALLE DE LEGENDE » de Johan Ral
L’Ancienne Belgique : salle de concert incontournable dans le paysage musicale national, européen, voir mondial. Les artistes de tous styles et de tous horizons s’y bousculent pour s’y produire. Il en découle un agenda riche de près de 300 concerts par an (enfin ça c’était avant le COVID hein). Dotée d’une acoustique que seul un mauvais ingénieur du son peut sciemment décider de mettre à mal, la salle située à quelques pas de la Grand-Place fait partie du patrimoine de la Belgique. Cela valait bien la peine de lui consacrer un livre entier. Il est notamment agrémenté de plusieurs délicieux et sulfureux commentaires de Salvatore Adamo et d’Arno notamment. Idem pour les photos qui viennent illustrer ce livre. On l’ignore souvent, mais l’AB a connu une histoire très riche et mouvementée avant de devenir l’institution culturelle de la Communauté Flamande qu’elle est aujourd’hui. On y découvre notamment le coup de poker-menteur réalisé par cette dernière pour l’acquérir, au nez et à la barbe de la Communauté Française qui convoitait également le lieu sans le dire ouvertement. Mais la Communauté Française donnera une autre version des faits au travers de l’acquisition du Botanique. A vous de voir ce que vous en pensez. En attendant que le public puisse à nouveau se presser avec enthousiasme dans les murs de cette institution, on peut se (re)plonger dans sa riche histoire, plus mouvementée qu’on peut le croire.
« SHAKA PONK – MONKEY DIARY » de Laurent Julliand
Le groupe de rock français le plus massif et furieux de ces dernières années nous emmène dans les coulisses de la tournée triomphale de plus d’un an et demi qui suivit la sortie de l’album « The Geeks and the Jerkin’ Socks ». Le succès phénoménale que personne n’avait vu venir va mener le groupe jusque dans tous les zéniths de France, en tête d’affiche de tous les festivals majeurs et finalement se clôturer, comme une consécration, à Paris-Bercy le 5 janvier 2013. Composés de nombreux témoignages et photos prises aussi bien en backstage, dans le tour-bus, sur scène et dans le public, ce livre retranscrit toute la ferveur et l’énergie dévastatrice qui a balayé l’hexagone et les pays limitrophes durant cette tournée. Tournée qui aura vu s’écouler des litres de sueurs et de bières comme rarement, laissant des fosses en forme de champs de batailles apocalyptiques. La fureur aura été telle que le chanteur et leader du groupe y aura aussi laissé un genoux, à force de passer la moitié de chaque concert dans le public, forçant le groupe a annulé plusieurs dates. Ce livre retranscrit tout ça, et plus encore.
Ce livre ne va pas vous raconter une fois encore le tragique destin du membre iconique des Beatles. Il s’agit d’un roman où l’auteur s’autorise avec humilité à donner son interprétation et sa vision de l’histoire des Beatles au travers de la vie de John Lennon. Et pour la raconter et la décrire il le fait en se mettant à la place de l’intéressé qui s’exprimerait lors de séances de psychanalyses. Il en découle une histoire passionnante qui nous fait (re)découvrir cette période qui a tant marqué l’industrie du disque mais aussi la société anglaise, et finalement le monde entier. Les fans de la première heure y trouveront sûrement à redire mais pour les non-initiés, ce livre peut être une très bonne manière de pénétrer l’univers et l’époque liée aux Beatles, pour ensuite se pencher plus en détails sur leur discographie.
Bonne lecture… et bonne écoute aussi !