NICOLA TESTA c’est un EP sorti en 2011, un premier album sorti quant à lui en 2015 (« No More Rainbows »), pas mal de titres qui ont tournés dans les playlists des radios du pays, et parmi beaucoup d’autres, un concert à l’Ancienne Belgique en 2016. Depuis le garçon s’était fait discret sur le plan musical. C’est avec un concept rare et précieux que l’artiste revient et investit la Rotonde du Botanique dans le cadre des Nuits 2020 pour présenter ses nouvelles compositions. Sobrement intitulée « One to One », l’idée est d’offrir à un seul spectateur à la fois « une rencontre, une expérience, la création d’un moment unique qui sera partagé entre vous et l’artiste ». Sans filtre, sans barrière, sans smartphone, juste l’artiste et le spectateur.

C’est un moment d’intimité musicale que Nicola Testa propose au public. Intimité qui peut cependant être aussi intimidante : lorsque j’ai parlé de ce concept autour de moi, plusieurs personnes m’ont répondu que l’idée de se retrouver de manière directe en face de l’artiste était quelque chose de presque effrayant pour eux. Cette mise en situation où le spectateur n’est plus un anonyme dans la masse plongée dans le noir de la salle mais qu’il se retrouve lui aussi sous le feu des projecteurs, au même titre que l’artiste, à quelque chose d’effectivement inhabituel et pouvant être effectivement émotionnellement déstabilisant. Bref, ce soir je sors de ma zone de confort.

C’est donc seul et dans un silence absolu que je pénètre dans la Rotonde, prenant soin de fermer délicatement la porte de celle-ci. J’aperçois alors Nicola Testa assis derrière un long piano à queue, éclairé par le halo de quelques spots discrets. Il me salue avec un grand sourire aux lèvres et me souhaite la bienvenue. Il m’invite ensuite à monter sur scène avec lui et à m’installer sur l’un des confortables fauteuils rouges prévu à cet effet. C’est un sentiment très étrange et de privilège qui émerge alors : seul en face-à-face sur scène avec lui, seul dans cette salle qui les soirs de grande affluence déborde de spectateurs de toute part. Seuls dans une bulle (et elle n’est pas sociale celle-là pour une fois) hermétique à toutes les interférences possibles. Il m’explique alors qu’il va m’interpréter deux titres inédits. Le premier se nomme « Cœur Chaos ». D’où je suis, je peux le voir poser ses mains sur les touches de son piano, je peux entendre de manière directe le timbre de sa voix, malgré le baffle amplificateur présent sur scène qui nous isole un peu plus encore. Pour la première fois de sa carrière, il chante en français, et lorsque nos regards se croisent, c’est comme si il chantait le texte pour moi, comme si il me l’adressait personnellement. Au delà de la satisfaction de mon égo, je reçois surtout en pleine face toute l’intensité émotionnelle de son texte, des notes de son piano, de sa voix, de l’expression de son visage et de son corps qui se tend et se détend doucement selon la mélodie du morceau.

Nous échangeons quelques mots à la fin de ce premier morceau et je le remercie pour ce premier moment musical. Il m’annonce ensuite qu’il va jouer un second morceau nommé « I Love You ». Et il me dit ces quelques mots en me regardant droit dans les yeux… Je ne l’ai pas vu arrivée celle-là ! Ça y est je suis déstabilisé, sans pour autant qu’un malaise ne s’installe. Ce deuxième titre est également caractérisé par un texte en français et une intensité de son interprétation que rien ne vient perturber ou atténuer : l’intimité fragile et la passion tempétueuse de son texte, de son chant et de ses notes se mêlent dans le reflet d’un halo de lumière sur ce magnifique piano. Nous échangeons ensuite encore quelques mots sur nos vécus et ressentis respectifs de ces instants passés hors du monde et hors du temps. Au cours de cette discussion, je ne me suis jamais senti embarqué dans un rapport humain déséquilibré, que ce soit d’un coté ou de l’autre.

 

Message laissé dans le livre d’or mis à disposition à la sortie de la salle

Pour résumer cette expérience, je vais reprendre une célèbre citation de Bruce Springsteen :  » Tous les soirs, quelle que soit la ville, dans la salle, il y a un ado qui a dépensé toutes ses économies pour acheter sa place, et il attend ce show depuis six mois, et il en rêve la nuit, il a arraché à ses parents la permission d’aller au concert, il mise toute sa vie émotionnelle sur ces trois heures de rock. Qu’il ait tort ou raison, c’est un fait : il mise tout sur toi. Si tu le déçois, tu brises quelque chose d’important. Alors, quand tu montes sur scène, il faut jouer pour lui, et pour lui seul. Et, quand le concert est fini, cet ado doit être encore plus épuisé que toi « .

Cet ado, c’est vous, c’est moi, c’est chaque spectateur qui débarque au concert avec ses attentes, ses émotions, sa passion et son énergie de l’instant présent. L’artiste le sait, même si dans la « masse » plongée dans l’obscurité il ne peut pas l’identifier. Il ne peut pas lire la satisfaction, l’émotion, la rage fiévreuse ou le mécontentement de chacun. Alors que là ce fut le cas, chacun sous le feu des projecteurs de l’autre. Je suis venu assister à une prestation artistique sans artifice particulier. Nicola Testa quant à lui attendait que je lui confie mes impressions (qu’elles soient bonnes ou mauvaises), sans détours et sans faux-semblants, d’égal à égal, avec humilité. On appelle ça aussi « La magie des rencontres » je crois.

 

Après une première session qui a affiché complet, Nicola Testa réitère l’expérience ce samedi 10 octobre, également au Botanique. Il nous a aussi confier son envie d’aller explorer d’autres lieux avec ce même concept… Affaire à suivre, qu’on vous encourage vivement à aller découvrir.

 

 

 

 


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