Le 6 novembre, c’était la troisième fois que je me rendais à l’Ancienne Belgique pour rencontrer les géants du métal progressif : un concert-évènement qui, tel un puissant aimant, nous attire à chaque reprise.

Si le cérémonial envoutant d’Opeth est bien connu de l’Ancienne Belgique, il en va tout autrement pour The Vintage Caravan qui assure la première partie. Actifs depuis 2006, ce n’est qu’à la sortie du deuxième album (2012) que leur talent tend progressivement à recueillir l’unanimité méritée. Tout droit venus de la porte des Enfers, les Islandais arpentent nos contrées pour (re)promouvoir leur dernier opus : Gateways (2018). C’est une totale découverte pour moi, mais vraisemblablement pas pour la foule qui s’agglutine dans la grande salle.

Dès 19h15, se frayer un chemin devient difficile ; malgré tout, je parviens tant bien que mal à me fondre dans cette masse opethienne. Le trio nous offre un show sans fioritures : une  batterie, une basse, une guitare ; que leur vaut donc cette réputation de véritables show-men ? La réponse à cette question est très vite formulée. Alors qu’Óskar et sa bande occupent une maigre partie de la scène (comparativement aux zigotos qui performeront ensuite), ils parviennent tout de même à ramener des catacombes la quintessence des sixties/seventies. C’est avec une fougue volcanique qu’ils dessinent des volutes zeppeliniennes et vaporisent un doux parfum psychédélique. Les solos de guitare qui ponctuent le set rappellent cette terre de feu et de glace de laquelle ils sont originaires.

Une très jolie découverte qui trouve sa place dans ma jarre à friandises aux côtés de Kadavar, Dead Meadow ou encore Goodbye June.

Tout à coup, après une brève interruption : le noir complet.

Si tu n’as jamais entendu parler d’Opeth, il est peut-être bon d’évoquer les thaumaturges qu’ils sont. Dotés du don d’ubiquité, les Suédois peuvent, en effet, être partout à la fois ; à peine parviens-tu à les suivre qu’ils t’assènent un coup dans le dos. C’est un pouvoir qu’ils mettent en œuvre depuis près de trente ans au travers de leur discographie et cela s’en ressent également du point de vue de la performance live. Cette dernière consiste en l’établissement d’un microclimat particulier, chancelant sans précautions entre tempête et éclaircie.

L’obscurité dans laquelle est plongée la salle confère une sensation de vide que des voix liturgiques viennent inopinément combler. L’entrée sur scène du quintette est révélée par la cohue et le brandissement des poings. Une fois installé, il demeure immobile jusqu’à la dernière seconde du précieux « Garden of Earthly Delights » (ou « Livets Trädgård », pour toi qui parles couramment le suédois), orfèvrerie sonore.

Ce choix est attendu mais légitime ; par ce titre, Opeth installe une tension palpable et nous invite à attacher notre ceinture infra-dimensionnelle. Le temps, brièvement suspendu autour de cet instant, est à la fois électrique et d’une étrange sérénité. L’initiale du groupe, qui jusque-là éclairait à elle seule une salle pleine à craquer de son halo lumineux, éclate. Elle cède alors sa place à une obscurité rapidement saccagée par les premières notes de « Svekets Prins ». Les Suédois occupent tout l’espace malgré leur statisme habituel. Les guitares se confrontent devant des visuels magistraux qui ne font qu’accentuer ma sensation de vivre un rêve éveillé.

Mikael Åkerfeldt, avec son charisme naturel, prend la parole durant les quelques courts entractes. Le contact est spontané et sincère ; on se fend la poire pour détendre l’atmosphère entre deux claques magistrales. Les alchimistes ne sont jamais là où on les attend et changent sans cesse de cape. Ils nous rappellent la brutalité mélancolique des débuts et soulignent leur accession définitive au nec plus ultra du prog avec Heritage. Comme à chaque fois, on prend des nappes de Mellotron, des arpèges virevoltants et de la voix cristalline plein la tronche. Dans ce pandémonium, l’équilibre instrumental n’a rien d’orgiaque, mais est ciselé religieusement. J’aurais cependant aimé redécouvrir plus profondément la discographie du groupe. Il faut dire que mon esprit est resté médusé depuis Sorceress et ses ocelles pénétrants, lesquels ne sont réapparus que furtivement au travers d’un riff de basse entêtant. Ce set de moins de deux heures (durée néanmoins tout à fait acceptable) avait tout d’un supplice de Tantale. D’ailleurs, j’ai connu les fidèles opethiens plus appliqués. Peut-être que ma place laisse à désirer, mais mon attention est souvent perturbée par les allées venues de quelques indifférents. Malgré tout, le show reste total, intense et beau. La redescente n’en est que plus brutale ; les ceintures se détachent et nous revenons dans le présent. À peine le temps de me remettre de « Deliverance » que la bande s’est évaporée dans un ultime au revoir.

Opeth Setlist Ancienne Belgique, Brussels, Belgium 2019, In Cauda Venenum

C’est, une fois de plus, les neurones totalement grillés que je quitte l’Ancienne Belgique. J’attends la prochaine fois avec impatience.

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