C’est une soirée placée sous le signe de la jeunesse qui monte que le Botanique a proposé ce vendredi soir dans l’Orangerie. La tête d’affiche du jour est occupée par le bruxellois DIEGO qui trouve sa voix en s’inspirant de ses ainés (Lomepal et Orelsan notamment) ayant ouverts la voie d’un rap francophone où le chant devient légitime et où les textes sont écrits à cœur ouvert. Le jeune homme s’est déjà offert il y a quelques mois, et sans crier gare, une Rotonde qui affichait complet. Soirée où son énergie scénique n’avait pas mit longtemps à convaincre une assistance probablement déjà acquise à ses mélodies et ses mots. Il a en effet suffit d’un premier EP (“Entre ciel et terre”) sorti l’an passé, et accompagné d’une communication éfficace sur les réseaux sociaux, pour que ses titres se mettent à tourner en boucle sur les plateformes de streaming musical du public issu de sa génération.

C’est donc maintenant dans une Orangerie qui affiche presque complet que nous le retrouvons. A l’heure où beaucoup d’artistes font le choix délibéré ou malheureusement contraint (pour des raisons de coûts) de privilégier des bandes sonores pour les accompagner en live, c’est avec toujours autant de plaisir que nous découvrons la présence sur la scène d’une batterie, d’un synthé et d’une guitare, garantie d’un set plus vivant et authentique. Et lorsque les lumières s’éteignent, nous nous rappelons n’avoir que rarement connu une foule de 500 personnes faire autant de bruit au Botanique. C’est avec son titre “J’vous aime” qu’il entame son set, comme un retour de sentiments envers son public. Public qu’il trompe tout d’abord visuellement en laissant croire qu’il chante depuis le plafond de la salle avant d’apparaitre au même moment sur scène. Le tour de passe-passe fait son effet et débouche sur un premier pogo au niveau des premiers rangs.

Cela fait maintenant un bon paquet d’années que les pogos, autrefois réservés aux concerts dits rock, animent les fosses des concerts de hip-hop. Mais dans le cas de Diego ce constat doit être nuancé : avec son batteur qui martèle rageusement son instrument et son guitare qui envoie des riffs bien vénères, on peut se demander si nous assistons à un concert de rap et de hip-hop traditionnel (ce dernier adjectif ne voulant rien et tout dire à la fois, on vous l’accorde). Diego affirme donc le caractère vivant de sa prestation scénique tandis qu’un gros son de synthétiseur sursaturé se charge de grossir efficacement la masse sonore qui s’extirpe des enceintes de l’Orangerie. Tout le concert va bénéficier de ce traitement musical alors que les premières notes des titres joués ce soir sont à chaque fois accueillis par les cris d’un public qui connait tout par cœur et couvre régulièrement la voix de Diego. Diego dont le débit de paroles syncopé et en montagne russe nous maintient en haleine. Il alterne les moments de chant avec les moments où sa voix se transforme en mitraillette à mots, sans jamais fourcher. C’est finalement un peu le même constat que nous faisions après le concert d’Eloi le week-end passé dans le cadre de ces mêmes Nuits du Botanique : le hip-hop et le rap deviennent rock et offrent des prestations lives badass.

La présence scénique du jeune homme est pleine d’assurance et sans prétention, le rendant aussi sympathique que convaincant, comme lorsqu’il s’en va chanter en fond de fosse ou qu’il se jette lui aussi dans le pogo sur le dernier titre du concert. Diego propose aussi une régulière mise en lumières de ses musiciens avec des solos de guitares qui viennent souvent conclure les morceaux. Ses deux musiciens remplacent d’une certaine manière les habituels beatmakers pour devenir les métronomes du set. Cela permet aussi de proposer quelques titres plus posés et pop et de pouvoir les achever dans de gros riffs électriques rageux, comme sur l’inédit “Merci”. Le titre “Félin” et sa peine de cœur est lui aussi bien costaud et rugueux. Avec le titre “Bad Trip”, Diego propose le titre qui se rapproche peut-être le plus de l’univers de Lomepal : sombre, torturé et rythmé par une batterie aux accents de drum’n’bass avant un final là aussi encore bien rock et tempêtueux.

En fin de set, Diego invite Antoine du duo Colt pour un titre au piano qui met en avant là aussi ses textes, en lien avec les doutes de sa génération et de son époque. Il est ensuite temps d’attaquer le sprint final avec “Sur mon navire” et ses synthés qui sonnent comme un orgue seventies. Un dernier titre très dance nous renvoie vers les sonorités des années 90 et du début des années 2000. L’Orangerie transpire, signe que le concert qui vient de s’achever était à la hauteur des attentes du public. En ce qui nous concerne, c’est avec un regard curieux que nous avions pris la direction du Botanique ce vendredi soir et nous sommes ressortis de là convaincus avec la certitude qu’il faudra suivre de près le parcours de Diego dans les prochains mois. Comme pour beaucoup d’artistes de sa génération, il n’attendra pas les labels et maisons de disques (et leur tendance à vouloir faire rentrer les artistes dans des cases commerciales) pour de toute façon tracer sa route aux frontières du rap et du rock.

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