Discrétion, humilité et sobriété. Voici trois qualificatifs qui pourraient être utilisés pour décrire les membres de ROSCOE et leur musique. Mais ne se limiter qu’à ça serait d’une injustice totale au regard de la qualité de leur discographie. Avec un troisième album, Fold, tout fraîchement sorti vendredi passé, le groupe a confirmé sa capacité à composer et arranger des titres sophistiqués et accessibles à la fois, dans un univers parfois qualifié de indie-pop atmosphérique. Non, vous ne trouverez pas des tubes en puissance dans leur discographie, mais par contre les morceaux à la beauté mélodique et sonore sont légions. Ce n’est pas par hasard si deux des membres du groupe ont œuvré à la composition du splendide titre “City Lights” qui avait emmené Blanche au pied du podium de l’Eurovision en 2017. Après la parenthèse du Covid, et tout en ayant pris le temps qui leur était nécessaire, les membres de Roscoe reviennent donc aux affaires avec ce nouvel album qu’ils sont venus présenter ce jeudi soir à La Rotonde du Botanique.

La première partie est assurée par CLOUDIE, jeune chanteuse liégeoise qui a notamment participé à The Voice Belgique et sorti un premier EP, “Alter Ego”. De la même génération qu’Angèle et Doria D, c’est avec sa guitare acoustique, un synthé et un ordinateur que la jeune femme se présente sur scène. Elle va interpréter ses compositions, parfois en anglais mais le plus souvent en français. Elle y parle de ses questionnements de jeune adulte sur des rythmes assez tranquilles (un petit peu trop à notre goût). Une petite demi-heure et une reprise de “Papaoutai” plus tard, les lumières se rallument et c’est sous les applaudissements que Cloudie quitte la scène.

C’est donc six ans après la sortie de leur précédent album, que le groupe liégeois revient sur scène. Six ans, c’est une éternité dans le monde de la musique actuelle mais le public a répondu présent ce soir. On croise même quelques têtes connues de la RTBF dans la salle. Le groupe entame son set avec “When I’m Alone”, le titre d’ouverture de ce nouvel album. Presque intimiste dans sa première partie, ce titre prend une ampleur sonore imposante par la suite, grâce à l’appui de synthés qui jouent pleinement leur rôle pour créer une ambiance sonore globale. Dès ce premier titre, on se rend compte que le groupe n’a pas fait les choses à moitié avec un lightshow à l’image de leur musique : élégant, travaillé et immersif. Même constat sur “Lights”, le second titre de la soirée. Il s’achève au rythme d’une batterie galopante, de synthés tournoyants et d’une ambiance visuelle doucement sauvage et étincelante à la fois. L’univers global de Roscoe se situe quelque part entre Mumford and Sons, Grizzly Bear, Girls In Hawaii et Ykons. Pour Ykons, la comparaison se fait principalement sur base de pas mal de titres de leur premier album aux couleurs plus indies, aériennes et contemplatives.

C’est un public attentif qui assiste au set du groupe, celui-ci attendant la dernière note de chaque morceau pour applaudir longuement le groupe. On observe avec surprise et bonheur le silence absolu de la salle lorsqu’un des morceaux interprété ce soir comporte lui-même un instant d’arrêt silencieux. On se retient de respirer pour ne pas gâcher la fragilité de cet instant. Roscoe réussit à retranscrire en live toute l’intimité de ses morceaux mais pas que. En effet, les guitares électriques qui s’entremêlent aux synthés sont le plus souvent douces et claires. Et puis de temps à autre, le groupe s’embarque dans de belles tornades bien nerveuses aux airs d’un post-rock des grands espaces sauvages. Et c’est toujours avec de beaux tableaux lumineux que cela se passe.

Au bout d’une petite demi-heure de set, Pierre Dumoulin (chanteur et guitariste du groupe) se déleste de sa guitare pour aller se pencher lui aussi sur des synthés. Le set prend alors une autre tournure, plus dense, plus chargée en décibels et en ondes incitant à secouer la tête. Et lorsque le synthés devient un piano, c’est pour nous servir une ambiance sonore que les Anglais d’Editors n’auraient pas renié. Les titres du dernier album bénéficient d’un joli traitement électronique tout en finesse. Grâce à l’acoustique de la salle, ceux-ci voient leur profondeur être renforcée au cours du concert, au regard des versions dites “studios”. Cet aspect confirme une fois encore la sensation immersive des sons et mélodies de Roscoe.

Un peu plus loin dans le set, c’est dans le public que Pierre Dumoulin s’en va chanter et danser, tout en négociant un verre de bière contre quelques “check check check” à chanter dans son micro. Pour le rappel, le groupe revient avec les titres “All I Do” et “So Far So Long”, les deux premiers singles du dernier album. Là aussi, ceux-ci prennent une tournure plus percutante et accrocheuse que sur CD.

Parfois qualifiée de pop atmosphérique, la musique de Roscoe n’est pas de celle qui va aller taper de manière frontale dans l’oreille de l’auditeur pour devenir entêtante. Les musiciens du groupe proposent toujours une musique subtile et réfléchie, sans tomber dans l’alternance automatique couplet-refrain, mais sans tomber non plus dans une approche prise de tête de la musique. De la pop au sens noble du terme en somme. Le dernier album et le concert de ce jeudi soir ont confirmé tout le bien que l’on pensait déjà de Roscoe. La relative confidentialité qui entoure la sortie de ce troisième album nous semble dès lors d’autant plus injuste. On aimerait voir Roscoe remplir de belles salles comme le Cirque Royal ou le Forum de Liège par exemple. Leur musique y aurait pleinement sa place. A qui la faute ? Les médias qui n’investissent plus/pas assez sur les groupes locaux malgré la qualité de leurs productions, au bénéfice des artistes plus “mainstream” et vendeurs ? Le public qui ne s’inscrit pas dans une démarche de recherche plus proactive à l’heure où le streaming le permet à moindre coût ? Une démarche volontaire des groupes et des labels ? La question reste ouverte et les réponses sont forcément multiples. Mais chez Scènes Belges nous ne pouvons que vous conseiller d’aller écouter et voir Roscoe en concert, un des groupes les plus intéressant et captivant du paysage sonore belge actuel.

SETLIST – ROSCOE – Botanique – 24 mars 2022
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