Son nouvel album vient de sortir, résolument différent, et Cali prend soin d’embrasser tous les gens qui le suivent depuis si longtemps. Embrasser simplement, doucement, intimement. Depuis le 4 novembre, Cali part en tournée. Et, d’habitude inébranlable et exubérant, le chanteur a trouvé la brèche de l’intime et s’y est engouffré, en solitaire avec un piano et une guitare. Cali débarquera le 8 décembre au Wolubilis. Rencontre avec un fugueur magnifique qui nous parle pour la première fois de ce que contient son album.
Interview parue sur Branchés Culture. Vous la retrouverez aussi dans Le journal de Wolubilis de cette fin novembre.
Bonjour Cali, votre dernier single en date s’intitule I want you. Et par les temps qui courent, ça nous rappelle forcément quelqu’un. Un certain Bob Dylan.
Qui sait ? La chanson a peut-être inspiré le jury des Nobel ? (Rires). Je suis ravi, Bob Dylan est un artiste qui m’a énormément touché. C’est un vrai poète qui a désacralisé l’écriture. C’est quelqu’un qui vous remue et il n’a pas eu besoin de faire des tonnes de bouquins de 800 pages. Ce qui me plaît finalement le plus avec Bob Dylan, c’est qu’à 75 ans, il arrive encore à diviser les gens et à créer la polémique. On est tous derrière Dylan mais il divise encore, c’est fou.
C’est une de mes grandes influences, d’autant plus qu’il a inspiré beaucoup de gens que j’aime, les Waterboys, U2, Simple Minds et Springsteen, aussi, dont je suis en train de dévorer l’autobiographie.
Les choses défendues, c’est le titre de votre nouvel album. Mais on ne peut s’empêcher de penser à votre début de carrière.
C’est vrai qu’avec un de mes premiers groupes, Pénétration anale, je n’ai pas beaucoup tourné, je ne sais pas pourquoi. (Rires)
Aujourd’hui, ma priorité, c’est de protéger mes trois enfants. Dont le plus grand qui devient tout doucement adulte. Cet album, c’est aussi l’occasion de revenir sur une fugue amoureuse en Irlande, que j’ai faite à seize ans. Tout le monde m’a cherché, la police a été mobilisée. C’est sûr que ça a fait du mal à mes proches et, quand je suis revenu, je n’ai pas fanfaronné. Mais de cette expérience pendant laquelle j’ai dormi dans des cabines téléphoniques ; de cette balade, je suis sorti grandi, mûri. Il ne faut jamais oublier de croquer dans les choses défendues.
Ce titre, Les choses défendues, comment vous est-il venu ?
Assez vite, je me suis inspiré de ce môme qui a bravé l’interdit pour se construire. Mais aussi d’un ami de l’association Habitat et Citoyenneté, à Nice. Ils mettent à disposition des réfugiés une maison protégée. Ainsi, ils les aident. Quitte même à braver l’interdit et à aller les chercher en Italie, en toute illégalité. Bien sûr, ces bénévoles sont coupables de ça. Mais ne seraient-ils pas plus coupables s’ils ne faisaient rien ?
Et y’a-t-il des choses que vous vous interdisez, aujourd’hui?
Je m’interdis d’être aigre. Dieu sait si la tentation est forte. « Pourquoi lui a-t-il ça? Et pas moi? » Mais je me rassure, j’ai une vie d’aventure, la santé, des enfants magnifiques. Quand j’y pense, hier, j’étais à la maison, avec ma guitare et entouré d’enfants. C’est dingue de se dire que là, à cet instant-là, je travaillais. Quelle chance. Bien sûr, il y a d’autres choses que je m’interdis, comme ne pas faire du mal à autrui, de quelque manière que ce soit. Mais je pense qu’on a qu’une vie et qu’il faut en profiter!
Peut-on dire que ce septième album, est le fruit de l’actualité ?
Chaque opus n’a été que la rouille de ce qu’il s’est passé dans ma vie à ce moment-là. Ici, il y a « Tout va recommencer« . Si elle ne contient que des mots d’amours, elle résonne aussi par les attentats récents. L’idée est de dire que même au cœur de cette saloperie, on va recommencer à s’aimer, à vivre. C’est très positif, mais j’ai besoin d’aller chercher ça pour ne pas sombrer.
Naturellement, des enfants, il en est toujours autant question. Notamment avec Seuls les enfants savent aimer.
En écrivant cette chanson, je me suis imaginé dans la peau d’un enfant qui, au petit matin, regarde par sa fenêtre la neige tomber. Ça lui fait chaud au cœur, il n’a pas école et il va pouvoir aller sauter dans la neige. Rien d’autre ne lui importe que cette belle neige, blanche, pas encore grisée et piétinée. C’est, pour moi, le symbole de la pureté, d’un cœur qui ne s’est pas encore prostitué.
Autre titre de votre album, cette évocation d’Annie Girardot.
Je la cite, c’est vrai. Ce n’est pas spécialement une chanson centrée sur elle. Mais je pense qu’elle nous entoure autant que nous sommes autour d’elle. Sa carrière fut extrêmement riche. Elle ne contient pas que des paillettes, il y a eu des moments plus rudes. C’est une vraie vie !
Pour tout dire, il y a une scène qui m’a profondément marqué : la fin d’Un homme qui lui plaît de Lelouch et avec Belmondo, ce plan-séquence de trois minutes dans lequel le personnage d’Annie Girardot est dans une gare et attend que son chéri descende du train. Il n’en descend jamais. Dans ces trois minutes-là, il y a tout ce qui fait la vie, les rires, les pleurs, le reste.
Sur scène, cette fois, le public vous retrouvera seul !
Oui, je pense à ça depuis un petit moment. Une tournée avec des musiciens, ça se construit. Ici, je ne sais absolument pas comment ça va se passer. Et quelle va bien pouvoir être la réaction du public. J’aimerais qu’il se retrouve dans la chambre d’un jeune musicien. C’est l’automne, voire l’hiver, il est 17h, il y a de la lumière et notre hôte s’applique sur sa guitare.
Et si mon répertoire possède pas mal de chansons, il y en a beaucoup que je n’ai jamais publiées et que je vais faire découvrir au public. Des chansons, des poésies, mes premiers pas avec le groupe Pénétration anale aussi. Quant à celles que le public connaît bien, elles seront forcément revues, dépouillées, désossées en guitare-voix ou en piano-voix. J’arrive avec le squelette de mes chansons pour retracer les périodes de ma vie. Le but ? Comprendre comment, moi, j’en suis arrivé là.
Naturellement, si vous partez en tournée solo, il va vous falloir canaliser votre énergie, non ? A priori, pas question de slammer sur le public ou d’escalader un théâtre de balcon en balcon.
(Il rit) C’est vrai, les gens connaissent mon histoire, mon répertoire. Et je pense que mon public se divise en deux catégories. Ceux qui viennent pour certaines chansons qui les ont touchés et les autres qui viennent pour Cali le showman, celui qui est capable de tout sur scène. Bon, je l’ai cherché.
Avec cette tournée, je ne serai sans doute pas dans ce registre. Quoique, tout peut se passer, je pourrais très bien péter un câble. Cela dit, j’aurais l’air ridicule en sautant dans le public alors que la musique s’est arrêtée et que plus personne ne m’accompagne. Ce projet scénique, c’est avant tout une manière de redécouvrir mes textes.
Sur Facebook, où vous êtes assez actif, vous avez publié dernièrement une photo de… Bono!
C’est un petit délire, cette photo date de 2013, le jour où Bono fut fait Commandeur de l’ordre des arts et des lettres. Bono est le cofondateur de l’association One dont je m’occupe en France et qui lutte contre la pauvreté et les maladies évitables. Mais, le partage sur Facebook n’a rien à voir avec ça. On m’a souvent dit que j’étais un piètre publicitaire pour mes albums. Alors j’ai repris cette photo et imaginé un dialogue où Bono me demanderait: « Hey Dude, tu m’enverras ton album? » « Lequel ? Celui qui sort le 25 novembre? » « Oui, les autres, je les ai déjà. » J’ai signé Cali publicitaire et ça fera une autre pub pourrie. (il se marre)
Autres photos, les visuels de cet album. On vous sent fugitif, présent mais déjà ailleurs.
C’est Yann Orhan qui a réalisé cette pochette. Il avait déjà réalisée la précédente. On s’est balladé en ville, on a pris beaucoup de photos en plusieurs lieux. Puis, on est arrivés près du lac. Je me suis trempé dans l’eau, ai mouillé mes cheveux et on a pris les photos. Yann était convaincu que ça ne donnerait rien. Et au final, ça a donné quelque chose de fort.
Et les coups de pinceau de Yann qui ont « saccagé » cette photo ont réveillé ce qui est en moi. La chanson, la pop, le rock, mais aussi le punk. Tout se rallie à ce visuel qui est un mélange de tout ça: mes fanzines de gamin, l’album War de U2… Et le fait d’avoir une très belle photo qu’on abîme avec de la couleur, c’est défendu, il ne faut pas le faire.
Vous qui vous êtes engagé politiquement à un moment donné, quel regard portez-vous sur l’actualité bouillante française?
Je pense qu’il faut de toute façon s’engager, quoi qu’il en soit. Dans l’associatif, votre village…Après, ces derniers temps, je suis ému dans le mauvais sens. Je suis très touché par la mauvaise image que toute cette classe politique donne à la jeunesse. C’est terrible. Aujourd’hui, on va se retrouver avec des primaires dont les jeunes n’ont rien à faire, autant à gauche qu’à droite. Parce que les médias ne montrent que des politiques qui piquent dans les caisses, des truands, des voleurs. Et pourquoi la jeunesse voterait-elle pour des voleurs?
Puis, cette classe politique ne se renouvelle pas. Ce sont des anciennes têtes partout, tout le temps, portant des projets datés. Et quand je regarde au niveau mondial, on n’est plus à deux doigts d’avoir un Trump, on l’a, on est proche d’avoir une Le Pen en France, on a déjà un Poutine en Russie et ne parlons pas de la Chine! Quand je regarde la carte du monde, on a quand même de quoi être inquiets.
Terminons en douceur, alors. Dans ce nouvel album, il y a Sweetie. Vous nous en dites plus ?
Encore une fois, c’est une chanson à deux facettes. Elle représente un ado qui court avec les larmes aux yeux et le sourire. Il court sans s’arrêter. Il tient par la main sa chérie, Sweetie, et ils courent tous les deux. Ils vont quelque part.
Si on l’approfondit, dans ce que j’essaie d’y mettre quand je la chante, ça pourrait être deux amoureux qui ne peuvent plus vivre dans leur pays, un pays en guerre, en difficulté en tout cas, et qui s’enfuient. Peut-être prendront-ils un bateau pour trouver un monde meilleur pour accueillir leur amour ?
N’est-ce pas un peu un miroir de votre aventure irlandaise quand vous étiez ado ?
C’est marrant, je n’y avais pas pensé. Mais oui. Et, en même temps, ce sont deux ados qui s’enfuient quelque chose de défendu.
On vous souhaite beaucoup d’amour et de choses défendues, dans ce cas.
Cali passera en Belgique le 8 décembre au Wolubilis, le 9 décembre au centre culturel de Seraing, le 10 décembre de Theux, le 11 décembre au centre culturel de Tournai, le 17 mars au Théâtre de Namur, le 19 mars au Théâtre Royal de Mons.
Nouvel album de Cali, Les choses défendues, sortie le 25 novembre chez Columbia et contient 14 chansons.