Alors que Donald Trump n’en finit plus d’enchaîner les provocations concernant son voisin canadien, il y en a d’autres qui font le choix de mettre toutes leurs forces dans un projet nord-américain commun. C’est ainsi que ce lundi soir l’ING Arena (ce nom est définitivement d’un mauvais goût absolu) a vu débouler 15000 amateurs de punk-rock à l’occassion de la tournée européenne commune des Américains de The Offspring et des Canadiens de Simple Plan. Voilà la promesse d’un début de semaine agité du coté de l’Atomium. Bon, officiellement The Offspring est la locomotive de cette tournée mais avec une heure de set pour Simple Plan on est sur un schéma qui va au delà de la simple première partie. De quoi ravir un public de trentenaires et de quarantenaires (ou plus encore) qui fut biberonné durant son adolescence aux clips diffusés sur MTV.

On vous avoue avoir d’abord un peu grincé des dents à l’annonce de cette soirée à l’ING Arena. Nous avions en effet dans nos têtes le souvenir d’un concert survolté des Américains dans le bouillonnant chaudron de Forest National en 2023. Soyons clair, sur papier l’ING Arena est une salle moderne et fonctionnelle mais elle manque cruellement d’âme et l’ambiance y est souvent bien plus consensuelle que dans l’arène de Forest qui se prête bien mieux aux concerts labelisés « rock ». Ceux qui ont assisté à la dernière prestation de SUM 41 à l’ING Arena ont pu en faire l’expérience avec une énergie se perdant trop rapidement dans la grandeur du lieu.

Cependant, cela n’a pas refroidi les nombreux fans des deux groupes à l’affiche avec une soirée affichant complet depuis bien longtemps. Soyons honnête sur un autre point : aussi bien Simple Plan que The Offspring vivent aujourd’hui sur les acquis passés de leurs discographies respectives. Et de toute façon le public ne vient pas chercher grand chose en plus que cela. L’exemple le plus frappant vient de la setlist du jour des Américains : seuls deux petits titres issus de « Supercharged », dernier album en date, ont en effet été joués, sans que personne ne s’en soit senti lésé ou contrarié. Le public est en effet venu chercher la bande-son de sa jeunesse passée (sorry, le compteur tourne pour tout le monde) à l’époque où, au coeur des années 90 et 2000, MTV existait encore et… diffusait en boucle des clips musicaux, dont ceux de Simple Plan et The Offspring, certains clips ayant aujourd’hui acquis le statut de marqueur générationnel et d’époque. Nous y reviendrons.

C’est donc tout d’abord Simple Plan qui monte sur la scène de l’ING Arena sur le coup de 19h30. Malgré l’heure précoce et les nombreux embouteillages autour de la salle, le public est déjà présent en nombre dans la fosse et les gradins. Après une intro emmenée par le générique de Star Wars, le groupe fait son entrée sur scène et semble comme à son habitude être monté sur des ressorts. Et de fait : durant une heure, le groupe ne cesse d’aller chercher le public en enchainant ses titres aux mélodies et refrains connus, oscillant constamment entre pop et punk-rock. Les titres « Shut up! », « Jet lag », « I’m just a kid » et l’incontournable « Welcome to my life » font bien entendus l’unanimité. Simple Plan a en effet eu l’intelligence de ne pas rassembler tous ses titres les plus connus en fin de set, préférant les disséminer un peu partout dans la setlist en maintenant ainsi une certaine régularité (sans ennui) dans son set. Comme ses grands frères qui suivront après sur scène, Simple Plan met également une dose de décontraction et d’humour dans son set, avec notamment quelques Scoody Boo venant danser sur scène sur le titre « What’s new Scooby Doo? ». Les fans du groupe sont ravis tandis que les fans de The Offspring (qui ne sont pas forcément les mêmes, l’inverse étant également vrai) apprécient, une bière à la main, une prestation de haut niveau avec une débauche de moyens techniques qui confirme bien cette idée de (quasi) double tête d’affiche pour cette soirée.

Cependant, The Offspring occupe bien le haut de l’affiche de cette soirée, tout simplement de par le statut et la longévité du groupe. Pionniers du renouveau punk-rock à la fin du siècle passé, ils explosèrent littéralement en 1994 avec l’album « Smash » et ses 11 millions d’exemplaires vendus. Du groupe originel de 1984, il ne reste que Docteur Dexter Holland (chant, guitare et piano) et Noddles (guitare). En effet, comme plusieurs de ses collègues punk-rockers, le front man du groupe possède un doctorat en biologie moléculaire, d’où l’utilisation du titre de Docteur. De quoi foutre en l’air l’idée que le punk est une musique faite pour les crétins et composée par d’autres crétins. Par contre, l’idée selon laquelle les Américains ne peuvent pas s’empêcher d’envisager tout chose comme un moyen de faire chauffer les cartes de banques ne risque pas d’être démentie par The Offspring. Avec un changement de plateau où, durant 20 minutes, des clips publicitaires à l’effigie du groupe et des concours divers sont diffusés sur les écrans géants, le groupe confirme le sens du business presque instinctif de ces gens. Mais à coté de ça, nous avons également droit à un drone (oh tiens, ça faisait longtemps) en forme de zeppelin qui balance des goodies dans la fosse, un type déguisé en gorille qui arpente les gradins en allant titiller les spectateurs et une volée de « kiss cam » et de plus atypiques mais très à-propos « fuck you cam », « boots cam » et « headbang cam » sur fond d’ABBA et du « Seven nation army » de The Whites Stripes. Tout un concept à la fois divertissant et hilarant avec un public de grands adolescents qui se bousculent devant la caméra pour montrer leurs plus beaux majeurs. Du business donc mais aussi de l’entertainment made in USA, et ils sont plutôt doué pour ça.

Le concert commence réellement avec un décompte s’affichant sur écran géant tandis qu’un titre d’AC/DC donne le tempo. S’ensuit une intro dont le son est aussi puissant que clair, jusqu’à ce que le groupe monte sur scène et envoie les premiers accords de « Come out and play ». Effet assuré sur le public qui réagit au quart de tour. Puisque nous parlons du son : The Offspring a souvent eu la réputation d’avoir un mixage sonore brouillon et un peu crado en concert. Ce lundi soir, il n’en était rien. Dès lors, jamais contents que nous sommes, cette clarté sonore a eu pour conséquence de mettre en avant le chant parfois un peu fébrile et en manque de justesse de Dexter Holland, là où nous avons été habitué à ce que sa voix soit un peu diluée dans l’ensemble. Mais après tout, si les artistes punk-rock étaient reconnus pour leurs talents vocaux, ça serait tout l’ADN de la mouvance qui serait mis à mal. On ne va pas à un concert de ce type pour se délecter de performance vocale inspirée par Mariah Carrey (attention d’ailleurs, Noel n’a jamais été aussi proche qu’aujourd’hui, et la situation sera encore plus critique demain).

Malgré ces petites imperfections qui rendent finalement le concert plus autenthique, The Offspring offre un début de concert de haut niveau avec un groupe en forme et visiblement content d’être là. Écrans géants, confettis, serpentins, pyrotechnie, structures gonflables géantes aux airs de squelette humain et drone confirme que le groupe n’est pas venu pour faire les choses en mode mineur. On passera sur les traditionnels et prévisibles messages adressés à l’assistance où le but du jeu consiste à déclarer sa préférence pour le public de la ville où le groupe pose ses amplis et à s’éblouir d’une soirée complètement amaaaaaaazing jamais rencontrée jusque là. Personne n’y croit, n’y le public, ni le groupe mais tout le monde joue le jeu parce que ça ne coûte rien d’être rassemblé dans un esprit festif. La seule chose spontanée et sincère dans tout ça, c’est lorsque Noddles s’adresse au public dans un long et vocal Fuuuuuuuuck you Brussels. La plus jolie déclaration d’amour qu’il puisse faire au public de l’ING Arena.

En milieu de set, l’affaire devient un peu plus laborieuse avec beaucoup de moments que nous pourrions qualifiés de plats, Dexter Holland et Noddles discutant sur scène, s’adressant aussi au public et entrecoupant ces échanges d’extraits de reprises (voir setlist plus bas). Bien que toutes plutôt inspirées mais sans former un réel bloc de cohérence et de densité capable de maintenir la bonne énergie générée par le début du concert. Bref, tout ça tourne un peu en rond pendant une bonne grosse vingtaine de minutes et c’est bien dommage car le groupe possède dans sa discographie assez de titres capables de ravir les fans et le grand public sans avoir besoin de combler l’espace-temps de cette manière trop décousue. Cependant, saluons quand même l’audace du groupe de reprendre de manière assez surprenante « Hey Jude » des Beatles, commencé en piano-voix et s’achevant en full band électrique.

Après cette surprenante reprise, la dernière partie du concert prend des airs de machines à tubes avec notamment l’enchainement « Why don’t you get a job ? », « Pretty fly (for a white guy) » et « The kids aren’t alright ». Tous ces titres sont issus de l’album « Americana », autre pierre angulaire de la carrière et la discographie du groupe au début des années 2000. Cette période est notamment symbolisée par un personnage aussi tête-à-claques que décapant. Petite cure de rappel pour ceux qui l’auraient oublié :

Et lorsque le son en façade tombe en rade durant une quinzaine de seconde sur le titre « Why don’t you get a job ? », le public de l’ING Arena se charge d’assurer le chant avec un niveau sonore plus qu’intéressant. Le rappel est dans la continuité de ce qui a précédé avec le très rythmé « You’re gonna go far, kid » et l’increvable « Self Esteem » qui fait hurler et jumper la fosse et les gradins. Les images aériennes de la fosse diffusée sur les écrans géants nous montrant des dizaines de pogotteurs en action, ayant fait tombés les t-shirts gorgés de sueurs et de bières renversées. Il est 22h30 et au bout d’un set d’une grosse heure et demi, The Offspring salue le public qui le lui rend bien. Soyons honnête, nos inquiétudes concernant l’ambiance générale liée à la configuration de la salle ont en partie été déconstruites, le flottement ambiant et temporaire ayant plutôt été engendré par la setlist un peu déséquilibrée proposée par The Offspring.

En conclusion, nous pouvons donc écrire que nous avons passé une très bonne soirée avec deux groupes s’étant donnés les moyens de dynamiter les salles de cette tournée tout en faisant le bonheur de leurs fans. Ceux-ci s’en sont retournés plus ou moins bien sagement reprendre le cours de leur vie d’adulte après cet épisode au parfum moite et suant de leur fougueuse jeunesse qu’ils n’ont finalement jamais vraiment rangée au placard des souvenirs. Au contrainte de la maison mère de MTV qui a décidé de ne plus diffuser des clips musicaux qui avaient déjà de toute façon déjà quasiment quitté les grilles de programme de la chaîne depuis un bout de temps. MTV tire sa révérence tandis que le rock continue à ne pas mourir.

SETLIST – The Offsrping – ING Arena – 3/11/25

Come out and play – All I Want – Want you bad – Looking out for #1 – Staring at the sun – Hit that – Original prankster – Hammerhead – Make it all right – Bad habit – Paranoid (Black Sabbath cover) – Crazy Train (Ozzy Osbourne cover) – In the hall of the mountain king (Edvard Grieg cover) – I wanna be sedated (Ramones cover) – Gotta get away – Hey Jude (The Beatles cover) – Why don’t you get a job ? – Pretty fly (for a white guy) – The kids aren’t alright – You’re gonna go far, kid – Self Esteem

SETLIST – Simple Plan – ING Arena – 3/11/25

I’d do anything – Shut up! – Jump – Jet lag – Addicted – Your love is a lie – Nothing changes – Welcome to my life – Summer paradise – Can’t keep my hands off you – What’s new Scooby Doo? – Where I belongg – I’m just a kid – Perfect

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