Après notre passage par les Lokerse Feesten au début du mois d’août, nous continuons notre visite de la Flandre en prenant la direction de Deurne, dans la périphérie d’Anvers. C’est plus précisément au sein du domaine provincial de Rivierenhof que nous nous rendons. En son sein, se trouve une verdoyant théâtre en plen air (« Openluchttheater » en néerlandais) d’une capacité de 1200 places. Chaque année durant l’été de nombreux concerts s’y déroulent, dans des styles très variés mais offrant toujours une expérience unique et idyllique aux spectateurs, pour autant que la météo se montre clémente, ce qui n’a pas toujours été le cas cette année. Sur l’affiche de cette cuvée 2024, nous retrouvons notamment Channel Zero, Xavier Rudd, Nils Frahm, Explosions In The Sky, Burning Spear, la fanfare de NAFT qui a récemment retourné le Pukkelpop mais aussi PORTLAND, le groupe flamand d’indie-pop aux mélodies lumineuses. C’est donc au son de la musique de ces derniers nommés que nous sommes allés découvrir l’ OLT (pour OpenLuchtTheater) Rivierenhof pour une soirée qui affichait complet depuis bien longtemps.
Après une petite promenade hautement bucolique (avec gangs de canards qui rôdent en bande) dans le domaine de Rivierenhof où nous empruntons des sentiers que seul Google Maps connait, nous finissons par déboucher sur des guirlandes lumineuses qui éclairent un parking vélo déjà bien rempli. Nous ne sommes donc plus très loin de notre destination, et le doute n’est plus permis, nous sommes bien en Flandre. Et de fait, en effectuant quelques dizaines de mètres supplémentaires, nous pénétrons dans ce fameux théâtre en plein air avec son architecture en arc de cercle, bordé d’arbres et dont la fosse est suspendue au dessus d’un petit plan d’eau. Nous allons donc passer la soirée au milieu de la forêt. Nous avons connu pire comme programme. Et le ciel qui pourtant fait grise mine ne semble pas avoir l’intention de gâcher la soirée.
On connait la promptitude des programmateurs et du public néerlandophones à apprécier la langue française. Nous ne sommes donc que peu étonnés d’entendre la voix et les paroles d’ORLANE en première partie, alors que la luminosité décline doucement. C’est dans un flamand parfait qu’Orlane se présente et explique que c’est pour elle un plaisir de pouvoir partager ce moment car elle considère que la musique ne connaît pas les frontières de la langue. Seule sur scène, c’est avec un piano, une guitare, un synthé et un moins habituel saxophone que la Bruxelloise délivre ses chansons pop chargées de mélancolies. Musicalement, on sent que les succès d’Angèle et Pomme de ces dernières années ont inspiré toute une génération de jeunes chanteuses francophones qui petit à petit tracent leur sillon. La preuve, la demoiselle passera par l’AB en 2025.
Place ensuite à PORTLAND dont le deuxième album sorti l’an passé connait le même succès que le premier opus sorti en 2019. Le groupe peut déjà également afficher sur son CV un MIA (équivalent flamand des Victoires de la musique en France) remporté cette année dans la catégorie « alternatif ». Portland est un groupe se construit autour d’un duo de voix masculine et féminine. Cependant, ce duo a évolué entre le premier et le second album, puisque Sara Pepels a quitté le groupe et a été remplacée par une autre voix féminine en la personne de Nina Kortekaas, accompagnant dorénavant Jente Pirronet. La pénombre domine déjà le théâtre de plein air lorsque le concert débute, de quoi rapidement permettre aux jeux de lumières de faire leur effet et de produire des ambiances intimes et lumineuses à la fois, tandis que les arbres sont eux aussi mis en lumière pour un effet « forêt enchantée ».
C’est tout seul mais muni de sa guitare acoustique que Jente monte sur scène pour débuter le set. En quelques notes et vocalises, il se charge de réveiller le fantôme de Jeff Buckley tout en jouant sur de fragiles silences pour ponctuer ce premier titre. Un régal. C’est ensuite en version full band que le concert s’amorce, Nina Kortekaas s’occupant des synthés et donc elle aussi du chant, accompagnée de l’indéboulonnable trio guitare-basse-batterie. Mais dans les faits, c’est bien Jente qui mène la barque, occupant seul l’avant-centre de la scène. De cet ensemble, nous regrettons un mixage du son où les fréquences aigues ont parfois tendances à légèrement crisper nos tympans.
Portand déroule ses titres dans ce registre pop indépendant agrémenté de quelques boucles électroniques assez douces et de refrains qui s’écoulent avec une naturelle facilité, rappelant les ambiances aériennes d’Angus & Julia Stone ou des Cats On Trees. Les très jolis « Sensationnal » et « Killer’s Mind » en étant les parfaites illustrations. Portland s’aventure aussi dans quelques virages plus rock où les chevaux électriques sont alors lâchés au grand galop. On retient aussi un passage plus crépusculaire et rougeoyant, emmené par un chant lancinant aux airs incantatoires, du plus bel effet avec la nuit tombée. Mais là où Portland excelle le plus en live c’est dans les moments où les productions sonores se font minimalistes et où les artifices s effacent pour laisser le champ libre à l’essentiel : une voix, une mélodie et un fond de guitare électrique en tension. Profitant de l’absence de pollution lumineuse du lieu, Portland en profite pour demander aux spectateurs d’éclairer le théâtre à l’aide de leurs smartphones.
Il est 22h30 lorsque Portland quitte définitivement la scène de l’OLT Rivierenhof après une prestation aux visages multiples, nous laissant retourner jusqu’à notre voiture dans l’obscurité totale du domaine provincial et de ses bois. On assiste alors à une dernière scène féérique avec des spectateurs qui se dispersent en s’éclairant des lampes de leurs smartphones, tel un nuage de lucioles qui se répand dans la nuit. Une dernière chose : le concert de ce jeudi soir affichait complet et pourtant nous n’avons jamais eu l’impression d’être à l’étroit durant la soirée, ce qui est trop souvent le cas ailleurs. Bref, nous scruterons avec attention la programmation 2025 de l’OLT Rivierenhof !