Comme chaque année vers la mi-juillet, et depuis 2008, le festival LaSemo propose à ses fidèles festivaliers trois jours où concerts et autres disciplines artistiques se côtoient et se rencontrent avec l’ambition de toucher un public dont la tranche d’âge va de la petite enfance jusqu’à la sagesse des anciens. On y croise ainsi autant de familles au grand complet que de bandes de potes venus passer un week-end festif et musical. Autre élément essentiel qui constitue un des éléments clés du festival : le principe de durabilité et de responsabilité sociétale. Honnêtement, pendant longtemps nous avons regardé LaSemo avec un œil extérieur sceptique et plein d’aprioris écolo-moralisateurs. Et puis, au hasard d’affiches dont certains noms ont attiré notre attention, nous avons mis de coté nos idées reçues et nous sommes partis à la rencontre de ce festival qui est maintenant bien installé dans le paysage estival belge. Résultat des opérations : LaSemo trouve aussi dorénavant chaque année une place privilégiée dans nos agendas, l’accueil du public permettant à tout moment de pouvoir profiter des concerts dans une atmosphère détendue et confortable. Oui on se fait vieux nous aussi.
Après une première soirée de prestige emmenée notamment par IAM, Ibrahim Maalouf et Henri PFR (venu remplacer au pied levé Parov Stelar qui est resté bloqué à l’aéroport de Vienne) mais aussi avec les Belges de Jean-Paul Groove, nous vous entrainons avec nous au fil la deuxième journée du festival qui se déroule dans le cadre bucolique du Parc du Château d’Enghien. Les locomotives musicales du jour sont les suivantes : Mentissa, Chinese Man, Zaho de Zagazan et Loïc Nottet. Mais avant ça, une question s’impose : pieds nus, bottes, tongues et sandales, baskets ou bottines ? L’odieuse météo de la semaine écoulée n’aura échappé à personne et il convient donc de faire un choix stratégique quand à la meilleure manière de faire vivre un moment agréable à nos pieds pour les deux prochains jours.
Ce choix étant fait, il est maintenant temps de nous plonger dans la programmation musicale du jour. Après avoir annoncé prendre une pause à l’été 2022, les folkeux Namurois de WINTER WOODS sont finalement déjà de retour sur scène. Après un premier album qui a rencontré un large public, le groupe a lâché quelques titres sur les plateformes de streaming ces derniers mois. Et c’est devant une Guinguette déjà bien garnie et un ciel encore très menaçant que le quintet monte sur scène pour 45 minutes. Le banjo et le violon font toujours leur effet pour venir enjoliver l’habillage sonore des mélodies parfois intimes, parfois dansantes du groupe. En définitive c’est ce qu’on peut appeler un retour gagnant pour Winter Woods. Et le doigt cassé de son chanteur-guitariste n’est pas non plus venu gâcher la fête. Leur petit medley de covers (Destiny’s Child, Britney Spears, Aqua, Christophe Maé, Gerald Palmas, Euryrhmics) fait également toujours positivement recette. On apprécie aussi tout particulièrement un des derniers titre du set, plus électrique et aux relents de blues transpirant. Et c est en douceur que tout cela s’achève avec la reprise de Take me home, Country Roads de James Denver mashupée avec « Mrs Robinson » de Simon & Garfunkell.
Dans la catégorie « je fais de la pop pour parler de trucs un peu tordus », nous retrouvons RORI sur la Scène du Chateau. La chanteuse originaire de la région liégeoise continue à creuser son sillon avec ses airs de grandes sœurs un peu borderline tout en trouvant son public puisque c’est là aussi la grande foule qui vient s’amasser devant la scène, les pieds dans la boue collante et séchante, à des années lumières du champ de patates des Ardentes. Tout ça pour dire que derrière son côté rien à foutre de rien, Rori réussit à captiver le public de LaSemo avec des refrains qui tournent vite en boucle dans la tête, tout en étant servis sur un plateau où batterie et guitare font cracher les décibels.
Suite aux commentaires des festivaliers récoltés l’année passée, LaSemo a réorganisé la disposition du site et en a notamment sensiblement augmenté la surface. Résultat des comptes : passer d’une scène à l’autre prend des airs de trek. La promenade revêt un caractère bucolique indéniable mais par contre la situation génère des goulots d’étranglement importants. Autrement dit : le moment n’est pas agréable et nous n’arriverons tout bonnement jamais à atteindre et même entrevoir la Scène de La Prairie pour le concert de MENTISSA. Nous l’avons entendue de loin et cela s’arrête malheureusement. Difficile dans ces conditions de nous faire une opinion à son sujet. Les festivaliers sont d’ailleurs nombreux à rebrousser chemin. Dans ces conditions, le risque est grand de voir la réputation de l’accueil qualitatif des festivaliers être durement mise à mal. Les festivaliers en jugeront par eux-mêmes dans le futur.
C’est ensuite du coté de la Scène du Château que nous nous dirigeons pour le très attendu concert de ZAHO DE SAGAZAN. Après notamment un passage par les Nuits du Bota et un autre à Ronquières en 2023, Zaho de Sagazan débarque aujourd’hui à LaSemo avec le statut de véritable tête d’affiche. Après avoir atomisé les Victoires de la Musique en début d’année, la chanteuse nazairienne (c’est ainsi que sont nommés les habitants de Saint-Nazaire) semble être aspirée dans une interminable tornade ascendante. C’est là encore face à une plaine très richement garnie que la chanteuse et ses 4 musiciens/machinistes dans un décor blanchâtre et métallique. On note la présence d’un piano bodybuldé faisant penser au cybertruck d’Elon Musk. C’est avec sa simplicité habituelle que Zaho emmène les festivaliers dans son univers pop et électroniques hérité du meilleur de la new wave alternative des années 80. Son phrasé est atypique, ses textes et ses mots sont simples mais délicatement mis dans un ordre qui leur donne une force de frappe indéniable. On apprécie autant ses ballades intimes (le magnifique « La symphonie des éclairs ») ou aux airs de complaintes amoureuses que ses brûlots taillés pour le dancefloor, sentant à tout moment que cette pop accessible peut basculer dans un tumulte alternatif à haut voltage. On retient enfin un inébranlable sourire et la sympathie de cette artiste qui trouve à parler autant aux jeunes enfants qu’à leurs parents, mais aussi à un public plus pointu dans ses goûts musicaux. Apres une fin de concert très electro avec « Danse » et sa reprise de « Modern Love « de David Bowie, le public réclame un rappel qui ne viendra malheureusement pas. Nous connaissions la réputation de la jeune femme et elle a amplement répondu aux attentes.
Nous arrivons ensuite à l’heure où les food-trucks sont pris d’assaut. Nous en profitons pour aller nous perdre dans la forêt où nous tombons sur l’improbable scène du Troquet, faite de bric et de broc et où, et là est le plus important, un sosie de Joe Dassin interprète les tubes de l’iconique chanteur, face à un public qui connait absolument toutes les paroles par cœur. Inutile de préciser que tout ça vire à l’hystérie générale lorsqu’il interprète « Émilie ».
Annoncé comme blockbuster du jour, LOIC NOTTET se présente ce samedi soir à LaSemo avec un show dont il applique la recette toujours de la même efficace manière : prestation vocale puissante, danseurs aux déhanchés aussi démonstratifs que millimétrés, et enfin du gros son bien électrisé. Ses fans sont aux anges, les curieux se laissent quant à eux captiver par l’ensemble de la prestation scénique et par la setlist majoritairement composée de titres en français. La scène est relativement épurée mais il n’y a pas besoin d’artifice supplémentaire. Loïc Nottet reste un artiste entier et authentique qui fait le job avec le souci du détail et le professionnalisme qu’on lui connait. Il comble les festivaliers mais la prestation de Zaho de Sagazan, un peu plutôt dans la soirée, a fait chaviré notre cœur en faveur de cette dernière.
Avec le soleil qui s’en va et la température qui dégringole de manière vertigineuse (presque 10 degrés en moins de deux heures), c’est aussi une partie du public de LaSemo qui s’en retourne. Nous arrivons finalement a accéder à la Scène de la Prairie pour le set électro-percu-organique des Marseillais de MAKOTO SAN. Avec un nom pareil, c’est assez logiquement que le quatuor propose un set au parfum du pays du soleil levant, les machines venant côtoyer les troncs de bambous et autres bois à venir percuter. En plus d’être musicalement intéressant, varié et bien équilibré, leur set est visuellement dynamique et démonstratif, alternant entre le travail et le jeu de percussionniste et celui de beatmaker sur le pc et les paddles. Esthétiquement l’affaire est vraiment bien ficelée, notamment avec des masques énigmatiques porté par l’ensemble des membres du groupe. Une très bonne découverte à l heure où la nuit est tombée sur LaSemo, agrémentée en bonus d’une démonstration visuelle du légendaire kamehameha de Sangoku dans Dragon Ball.
Changement de scène pour la fin de la soirée avec CHINESE MAN qui sévit du coté du Château. Nous restons donc sur le continent asiatique. Véritables maitres de l’hybridation sonore entre hip-hop, dub et melting-pop électro, le collectif embarque les festivaliers pour un set d’une heure trente. Avec une carrière qui affiche 20 années au compteur et pas moins de dix albums, les faiseurs de sons de Chinese Man savent y faire pour remuer la foule. Et pour l’occasion, c’est avec un dispositif scénique imposant que Chinese Man débarque : écrans géants, 3 tables de mixage, dispositifs lumineux mouvants, trois charmantes trompettistes et saxophonistes mais aussi deux MC pour des séquences de hip-hop old school tout simplement délicieuses. Bien loin d’un fumeux dj-set low-cost devant servir à gentiment ramener les festivaliers vers la sortie. Bien au contraire, la foule est dense. Les projections visuelles font quant à elle la part belle à l’esthétique et au détail. Cette grande classe est servie par une sonorisation aussi percutante que magistrale et puissante. Un grand kiff nocturne pour achever la journée. Clap de fin pour cette journée et cette soirée du samedi où il fut difficile de départager les têtes d’affiche du jour au regard de la qualité des prestations offertes aussi bien par Zaho de Sagazan que Loïc Nottet et Chinese Man.