Après 3 ans d’abstinence (relative), l’heure était aux grandes retrouvailles pour les aficionados du plus familial des festivals durables : LaSemo. Nous étions bien sûr au rendez-vous et nous avons retrouvé le Parc d’Enghien… comme si nous ne l’avions jamais quitté !
Après deux éditions concepts (Ceci n’est pas LaSemo et Ceci n’est toujours pas LaSemo) ayant permis à la grande famille de LaSemo de ne pas trop se perdre de vue, le festival Enghiennois fêtait les 8, 9 et 10 juillet son grand retour.
Quel véritable bonheur de glisser à nouveau les orteils entre les brins d’herbe du sublime Parc d’Enghien pour une parenthèse enchantée hors du temps. Car c’est véritablement cela que nous offre LaSemo : une bulle d’oxygène au sein de laquelle chacun trouvera de quoi épancher sa soif et s’évader le temps d’un weekend de son train-train quotidien.
Pour bien comprendre ce qu’est LaSemo, il faut le vivre. Car LaSemo n’est pas un festival de musique. LaSemo est bien plus que ça. LaSemo est un monde à part entière, un univers au doux parfum d’utopie qui emmène nos cinq sens en voyage. Fondé sur les valeurs de durabilité, LaSemo propose une multitude d’activités tels que (bien sûr) des concerts en plein air, mais aussi des spectacles d’art de rue, des conférences, des animations pédagogiques et ludiques pour tous les âges.
LaSemo, on y va un peu comme à une grande fête dans le jardin de ses meilleurs amis. Jamais aucun festival n’a réussi à créer un cadre dans lequel on se sent autant chez soi. On y arrive sans aucun programme et on se laisse déambuler au gré de nos envies là nous emporte le vent. Un des aspects primordiaux qui permettent de vivre le festival comme une expérience douce et rafraichissante est sans aucun doute la taille du site et sa faible démographie relative en terme de public. Même à pleine capacité, on n’est jamais oppressé par la foule, on peut s’assoir dans l’herbe à dix mètres de la scène pour regarder les concerts, retrouver ses amis avec une facilité déconcertante sans envoyer les 25 traditionnels “T’es où?” par SMS, faire un aller-retour au camping pour prendre un pull sans rater la moitié de son concert, décider de faire une sieste dans un des nombreux hamacs disséminés sur le site, aller au bar ou aux toilettes sans subir d’interminables files. À LaSemo, tout est proche et facile (sauf peut-être les douches du camping festif… ^^). Et c’est sans doute grâce à cela que l’on s’y sent si bien : on peut s’y laisser vivre au gré de nos envies, sans rien planifier, laisser l’ambiance nous prendre par la main et déambuler au gré des nombreux Mondes dont LaSemo regorge avec une fluidité déconcertante.
Les Mondes de Lasemo
On ne pouvait pas vous présenter LaSemo sans vous emmener faire un petit tour du propriétaire. Outre les deux grandes scènes qui accueillent les têtes d’affiche musicales du weekend (la Scène de la Tour et la Scène du Château, qui s’étale majestueusement au pied du superbe Château d’Enghien), LaSemo regorgent d’espaces aux ambiances, thématiques et univers visuels riches et variés.
Point de ralliement préféré des festivaliers, la Guinguette abrite un petite scène festive et le plus formidable bar à bières artisanales que j’ai connu en festival. Installé dans une ancienne fontaine géante perdue au milieu des bois, l’espace se transforme le temps d’un verre (ou six…) en véritable lieu de rencontre et de découvertes sous les lampions. On y commence nos journées, on y termine nos soirées et on y revient lors de chaque temps-mort.
En famille, on se dirigera naturellement vers Le Pays des Merveilles et L’Amusoir. Si le Pays des Merveilles se veut être un petit coin de paradis créé pour et par les enfants, l’Amusoir offre quant à lui de quoi se sustenter en activités pour tous les âges, de 7 à 77 ans. Imaginez un monde rempli de jeux en bois, de pommes d’amour, d’une ambiance des années 30. On ira également se laisser emporter par l’Epopée de Gilgamesh et autres histoires enchanteresses à la Tour des Contes.
Mais LaSemo, c’est aussi la volonté de nous emmener dans cette envie de changer les codes, pour aller vers plus de durabilité. Entre grands enjeux sociaux et environnementaux et petites actions qui changeront le monde, le festival nous invite à La Papoterie pour échanger avec des personnalités inspirantes telles que l’écoféministe Vandana Shiva, le cycloexplorateur François Loncke ou le docteur en philosophie Josef Schovanec. On se laissera également porter par une balade musicale à l’ombre des arbres ou par l’un des innombrables spectacles d’arts de rue et de cirque qui jalonnent la programmation.
Et si parmi tout cela, vous ne trouvez pas encore votre bonheur, vous pourrez toujours vous offrir une sieste à l’Espace Zen ou aller jouer au pilier de comptoir toute la journée au légendaire Troquet. Car si LaSemo réserve certains de ses espaces aux enfants, le Troquet, quant a lui, cumule (savoureusement) assez de mauvais goût, de huitième degré et d’absence de tabous pour que les enfants n’y soient pas les bienvenus ! Une fois passées les portes – bien cachées dans les bois – du Troquet, son tenancier moustachu aura vite fait de vous servir dans un grand verre son pastis préféré ou une cruche d’Urine boraine (coeur avec les doigts pour cette bière). On y trouve un savant mélange de chanson française ringarde, de stand up à l’humour gras et piquant, de speed dating malaisant et de karaoké angoissant. Aucun tabou, beaucoup d’humour et des jeux qui ne se prennent pas au sérieux. Mention spéciale pour le concert de Johnny Cadillac (élu meilleur sosie de Johnny) qui clôturait cette année le festival !
Ouais mais… Et la musique dans tout ça?
“C’est vrai quoi? Scenes Belges, ça cause de musique, nan?” Oui. Mais si nous n’avons volontairement pas entamé cette review par la progra musical, c’est parce que ce n’est pas là que réside le coeur et l’identité de LaSemo. En tout cas, ce n’est clairement pas elle qui justifie l’achat de mon ticket chaque année. Mais si l’on ne peut s’empêcher parfois un léger sentiment de redondance d’années en années à la vue de certains noms, LaSemo nous a cependant à nouveau offert cette année de grands moments de musique live !
Mon weekend a débuté avec le concert envoûtant de la détonante Alice Phoebe Lou, dont l’indie folk teinté de jazz et de blues et le dynamisme étincelant n’ont laissé personne indifférent. C’est ensuite avec un Girls in Hawaii fidèle à lui-même que nous avions rendez-vous. Comme à son habitude, le groupe brabançon nous a déversé son indie-pop cotonneuse et murmurante avec une précision enveloppante. Un set techniquement irréprochable qui manquait cependant d’un peu de pêche et de communication. Pour notre dose quotidienne de musique festive, c’est du côté de l’afro-pop de Fùgù Mango et de l’endiablée electro-swing jazzy de Alice Francis que nous nous sommes tournés ce vendredi soir.
C’est probablement la journée de samedi qui nous a offert le line up le plus excitant (de mon point de vue objectivement très subjectif, bien entendu). D’abord pour le réconfort d’avoir retrouvé le Barcella libre, audacieux et moderne que l’on avait adoré découvrir sur la même scène trois ans plus tôt. Ensuite pour la surprise émotionnelle procurée par le concert de Tim Dup, débordant d’énergie. Tantôt claire, douce et reposante, tantôt débordante, tranchante et explosive. Toujours sincère.
Patrice avait la lourde tâche d’entamer la soirée sur la Scène du Château. Un concert auquel je me suis rendu avec un peu d’appréhension, tant l’artiste germano-sierra-léonais a rythmé mon adolescence et tant sa carrière fut marquée par une évolution stylistique aussi exaltante que (parfois) déroutante – particulièrement ses dernières années. Mais mes doutes furent rapidement balayés par un concert résonnant comme un véritable retour aux sources. L’artiste piochant les éléments de sa set list dans l’ensemble de son répertoire tout en laissant la part belle aux morceaux emblématiques de ses premiers albums. Le tout devant un public qui connait les paroles par coeur – et même DANS le public, puisqu’il s’offrira comme à son habitude en fin de concert une performance ragga, débitant un nombre impressionnant de mots à la seconde, au coeur de la foule, perché sur les épaules d’un de ses acolytes et accompagné de sa caravane de percussionnistes.
Nous allons ensuite choisir (difficilement tant le choix est grand) un délicieux repas parmi les dizaines de foodtrucks qui constituent la Caravane des Saveurs. Un moment gourmand au coucher du soleil devant les vibes néo-orientales, nonchalamment ensoleillées, de Johan Papaconstantino.
C’est juste après cela, une fois la nuit tombée sur LaSemo, que nous avons reçu la plus grosse claque du weekend, avec l’incroyable show de Thylacine. Notre coup de coeur de cette édition 2022, sans aucun doute ! Véritable chantre d’une electro française qui invite au voyage, Thylacine est un artiste complet. Son spectacle nous transporte aux rythmes des voyages qui ont vu naître ses oeuvres musicales. Le light set audacieux et flamboyant, chorégraphié pour ne faire qu’un avec la musique, permet au public de se plonger littéralement dans l’expérience “transsibérienne” que nous offre l’artiste. On a l’impression de toucher du bout des doigts les flux sonores qui nous submergent. Accompagné sur scène par le piano à queue de son ami Bravin, Thylacine nourrit constamment ses beats de riffs de baglama, de notes de saxophones, de bruits de trains ou encore de samples de musique classique. Surprise après surprise, il offre au public une expérience véritablement transcendantale, qui ne nous laisse aucun répit et nous emporte avec elle, très loin au-dessus du sol. J’ai clairement vécu ce concert de Thylacine comme une de mes expériences electro les plus incroyables de ses dernières années, sans doute à égalité avec la performance de Mezerg il y a un an à Esperanzah. Il nous faudra ensuite de longues minutes (et une pause désaltérante au bar!) pour reprendre nos esprits et nous mettre en route vers la Guinguette où nous terminerons la soirée sur les basses exotiques du crew de DJ féminin Tropical Djipsies.
Après un tel samedi soir, on regrettera une progra de dimanche qui, tout aussi qualitative soit-elle, nous baignera un peu trop tôt dans une ambiance de fin du weekend. Le festival fermant ses portes à une heure très (trop) raisonnable n’y étant pas étranger. La journée nous offrira cependant encore quelques merveilleux moments scéniques, notamment avec le concert touchant d’énergie et de paroles justes d’un Ben Mazué occupant admirablement bien la scène du Château. Ou encore grâce à l’immanquable rendez-vous annuel avec celui dont on ne sait plus si il est le parrain ou la mascotte du festival: Cédric Gervy. Un délicieux moment de nostalgie, d’humour et de chaleur humaine, comme à chaque fois.
On retiendra plus particulièrement de cette dernière journée nos deux belles découvertes du jour. La première avec la cumbia (musique traditionnelle colombienne) revisitée à la sauce punk de Chico Trujillo. La seconde avec le swing jazzy de Klischée, qui nous emmène faire la fête à Pékin, prendre des petits-déjeuners nocturnes à Berlin ou toucher du bouts des oreilles le faste de grands hôtels de luxe à Cuba.
Et c’est bien entendu au Troquet qu’on vivra la fin de cette belle aventure de trois jours, tout naturellement (ou lamentablement?) affalé au bar, sous les QUUUEEE JE T’AIIIMMEUHHH de Johnny Cadillac, en se demandant comment ça a pu passer si vite et en faisant des grandes claques dans le dos de tout le monde… “À l’année prochaine, hein, fieu !”
