Pour ne pas être originaux du tout, c’est une fois encore au Botanique que nous avons passé notre soirée de jeudi, continuant ainsi notre marathon nocturne et musical du printemps dans le cadre du festival LES NUITS BOTANIQUE. Ce jeudi soir, le Chapiteau accueillait notamment une affiche aux sonorités électroniques appuyées. Comme les programmateurs du Botanique font bien les choses et qu’ils possèdent un sens certain du bon goût (bien que tout cela reste profondément subjectif), c’est un trio d’artistes qui se démarquent tous au sein des larges sphères des musiques électroniques qu’ils ont proposé aux festivaliers. Entendez par là que nous avons eu affaire à de véritables créateurs de sons, de mélodies et de rythmes dont émergent des identités et des univers musicaux propres et relevés.
C’est sous une pluie dense que nous pressons le pas pour aller nous abriter sous le Chapiteau des jardins du Botanique. Les festivaliers trouvent aussi refuge dans les serres, seuls moyens d’eviter une météo franchement exécrable. C’est tout d’abord DOROTHY GALE (qui a remporté le Concours Circuit l’année dernière) qui déverse les premières vibrations du jour. Avec un nom de scène emprunté au monde imaginaire du Magicien d’Oz, l’univers artistique de Dorothy Gale semble se rapprocher du destin de ce personnage qui est arraché à sa terre d’origine par une tornade qui l’emporte dans le pays merveilleux et onirique d’Oz. On retrouve autant d’humain et d’âme dans sa musique que de fins arrangements électroniques qui se mettent au service de sa voix mystérieuse.
Avec un petit côté Bjork légèrement étrange, inquiétant et à fleur de peau, Dorothy Gale et ses deux musiciens (guitariste/drum et synthé) captent l’attention des festivaliers. Et puis il y a aussi des accords de guitares parsemés ci et là de manière bien nerveuse et lente à la fois, attirant l’attention des derniers distraits, comme sur son titre “L’orpheline”. Alors que le début de concert était relativement atmosphérique, presque trip-hop par moment, la fin du set se veut plus énergique et rythmée, notamment avec un dernier titre plus punchy, emmené par une boîte à rythme aux relents punk qui tabassent pendant que son guitariste hurle dans le micro… de sa guitare. Notre curiosité de début de soirée a été récompensée.
Autre artiste, autre univers. Avec JACQUES et son impossible look capillaire aux airs de moine, de gourou et de hippie un peu geek, c’est une plongée dans un univers aussi désordonné qu’original que le producteur français propose. De tout ce chaos apparent, il fait émerger des mélodies et des sonorités insoupçonnées et efficaces. Pour son nouveau live, il s’amuse à découper, boucler et mettre en musique des courts extraits de film, de documentaires, de vidéos YouTube ou carrément des vidéos de sa vie de tous les jours. Et sur scène c’est au milieu d’une sorte de drôle de labo mi-vetuste, mi-deglingué (notamment constitué de tuyaux d’évacuation d’air de sèches-linges) qu’il évolue, le tout étant parsemé d’écrans géants et d’objets aussi loufoques qu’un fouet de cuisine et d’une brosse à récurer dont il sample les bruits alors que de gros beats bien nets fracassent le chapiteau. Les scènes improbables de ce style s’enchainent tout au long de son set tandis qu’il ponctue ses titres d’intervention lunaire autour de la vie, mais toujours avec un choix des mots mesuré. Un look de gourou qu’on écrivait ci-dessus.
Et sur les écrans, c’est comme pour le fromage, il y a un peu de tout : de courts extraits filmés à l’arrache et d’une banalité absolue (un robinet qui coule, un chien qui aboie, des chats bien-entendu, il faut toujoursdes videos de chats dans la vie, des bébés qui crient, un marteau-burrin qui casse un mur, etc), des mots clés associés de manière aléatoire qui offrent des combinaisons du style “tout est magnifique” ou “Dieu fustige le pétrole”. Tout ca mis ensemble constitue finalement un truc à l’énergie dansante et festive, Jacques offrant d’ailleurs régulièrement des pas de danse qui ne feront pas l’unanimité dans Danse Avec Les Stars, et partout ailleurs aussi en fait. N’allez pas pour autant croire que tout ca prend des airs de pitrerires clownesques. Il y a chez jacques une vrai maîtrise sonore, aussi rythmique que melodique, qui vous fait decoller le dancefloor au moment où il le décide, simplement car sa musique en est la conséquence, tout en y intégrant quelque chose de très pop. Mais soyons honnêtes, 19h50 n’était pas une heure raisonnable pour faire monter Jacques sur scène. On était pas prêt.
Alors que la pluie continue de tomber, la nuit tombe elle aussi sur les jardins du Botanique lorsque la nouvelle grande prêtresse de la musique électronique made in France monte sur scène pour son tout premier set en Belgique. Avec un troisième album, “Rose Fluo”, sorti en début d’année, IRENE DRESEL confirme son statut de productrice de musiques électroniques devenue incontournable. Il y a dans sa musique autant d’amour, de sensualité, de glamour, d’élégance et de fleurs que d’efficacité dancefloor aux airs de machine de guerre imparable et frontale. Il y a chez elle des effluves de clubs berlinois surchauffés où ça cogne férocement mélangées avec tout un imaginaire néo-classique doucement érotique et spirituel.
C’est accompagnée de son acolyte percussionniste (Sizo Del Givry) qu’Irène Drésel prend possession du Chapiteau et d’une scène aux allures de décor floral hédoniste à base de roses blanches, alors qu’elle est vêtue de voiles blancs légèrement transparents, aussi voluptueux et aux airs de déesse sexy que pudiques. Durant plus d’un heure, le duo va transformer le Chapiteau en véritable église dédiée et dévouée à la musique électronique avec une section rythmique carrément dantesque. Sizo Del Givry assure une performance scénique et physique intense et sans baisse de régime, étant constamment occupé, avec ses baguettes, à percuter différents paddles électroniques. De son coté, Irène Drésel s’active sur ses machines avec une délicatesse et une élégance proportionnelle à la puissance destructrice des beats et samples qu’elle envoie. Et pourtant, chaque titre peut être identifié de manière individuelle grâce à des gimmicks entêtants et mélodiques bien taillés. Le dernier album en date est tout majoritairement interprété ce jeudi soir alors que les festivalier ondulent avec une joie euphorie. Notre coup de cœur va en priorité au titre “Glam” qui ouvre le set : avec ses sonorités de cloches annonciatrices du début de la célébration, Irène semble ensuite bénir les lieux depuis ses machines posées sur un piédestal rayonnant et lui aussi floral. Autre moment fort avec “Thérèse” et ses paroles chuchotées comme une incantation pleine de dévotion pour supplier le ciel de faire tomber une pluie de fleurs.
Irène Drésel unit dans sa musique et son univers visuel la force d’un dancefloor brut et survolté avec quelque chose qui est de l’ordre du sacré. Si la musique d’Irène était une religion c’est avec conviction que nous y adhérerions de manière inconditionnelle. Il pleut toujours dans les jardins du Botanique mais notre imaginaire n’y voit qu’une généreuse ondée florale. Amen.