Troisième et déjà dernier jour pour cette édition 2024 de LaSemo. En ce dimanche, les programmateurs ont frappé un grand coup en faisant venir Patti Smith, la grande prêtresse du rock devenue culte dès les années 70. Le reste de l’affiche du jour n’est pas pour autant là pour faire de la figuration et remplir l’affiche : Pomme, Dionysos, Babylon Circus, Deluxe, Saule mais aussi Cedric et les Gervy (le plus punk des chanteurs pop à tendance grinçante et humoristique). Bref, de quoi investir judicieusement notre temps en ce dimanche à la météo clémente et qu’on oserait presque qualifiée d’agréable pour un mois de juillet.

Lorsque nous arrivons sur le site sur le coup de 14h, c’est pour prendre la direction de la scène du Château où SAULE est déjà en train de s’affairer avec ses musiciens. Comme à son habitude, le chanteur ne peut pas s’empêcher de donner un virage rock à ses compositions plutôt pop au premier abord. Et cela n’est pas pour nous déplaire. Saule, c’est en concert que nous l’apprécions le plus. Et nous ne sommes pas les seuls semblerait-il, au regard de cette foule qui reprend en cœur chacun de ses titres et qui n’hésite pas a joyeusement pogoter dans la boue. Saule le rappelle aussi, mais cela fait 20 ans qu’il est présent sur scène et que rien ne semble l’essouffler. Même pas son poignet plâtré.

Ambiance intrigante ensuite du coté de La Prairie avec la fanfare de KERMESZ À L’EST. La joyeuse ribambelle de musiciens aux looks d’étranges métalleux propose un melting-pot de styles avec comme chef d’orchestre un beau chien blanc qui se promène sur scène tout au long du set en aboyant un peu partout. Les amateurs du genre sont ravis alors que les styles musicaux s’enchainent et s’entremêlent petit à petit sur fond d’influences balkaniques. Mention spéciale à l’effrayant chat empaillé qui trône sur l’avant-scène.

Première grosse tête d’affiche du jour ensuite avec POMME sur la Scène du Château. C’est toujours avec son décor de forêt enchantée et enchampignonnée que la chanteuse française se présente à Lasemo en cette fin d’après-midi. Son précédent passage en Belgique remonte au mois de novembre dernier à Forest National où elle était pour l’occasion accompagnée d’un orchestre à cordes. Ce dimanche, c’est en version traditionnelle que Pomme vient proposer un set d’une grosse heure qui comble les très nombreux fans de la chanteuse présents dans les premiers rangs. Certains ont même gentiment empalé des pommes sur des branches d’arbre qu’ils brandissent en l’air tandis qu’une licorne perchée sur un mât fait des bulles avec son arrière-train. Ce qui a le don d’amuser Pomme. Le public se montre d’ailleurs extrêmement attentif et respectueux au regard des compositions parfois très minimalistes et intimistes qui sont proposées. Minimalistes mais pas que : les touches électroniques sont parsemée ci et là tandis que quelques passages plus rock et sombrement électriques viennent donner à Pomme l’image d’une queen du rock comme d’autres avant elle, dont Patti Smith qui jouera sur la même scène dans quelques heures. Ce n’est pas par hasard si ses musiciennes abordent des t-shirts “More women on stage”. Parfait !

Ensuite, nous faisons un tour du coté de La Guinguette pour le concert du déjanté CEDRIC ET LES GERVY. Déjanté mais sarcastique car le gaillard en a fait sa spécialité de détourner des chansons connues pour y plaquer des textes aussi humoristiques que vitriolés sur l’actualité. C’est donc tout logiquement qu’il entame son concert avec le générique de la légendaire émission “Strip-Tease”.

C’est aussi la grosse foule et la toute grosse ambiance du coté de La Prairie avec BABYLON CIRCUS qui est ce soir à LaSemo dans le cadre de sa tournée d’adieu. La troupe mène un set sur un régime du type pied au plancher pour une énorme teuf où ska-punk et chanson française pogottent gaiement sans temps morts, à coups de guitares électriques, de cuivres et d’une batterie survitaminée et bien rentre-dedans. Et lorsque le jeu se calme ce n’est que pour mieux répartir ensuite de manière explosive. C’est à ce moment là que la pluie de ces derniers jours permet d’éviter que la plaine ne se transforme en énorme nuage de poussière tant la foule semble montée sur un énorme ressort.

Retour vers la grande scène pour LE concert le plus attendu de la journée, et même de l’ensemble du festival : la prestation de Madame PATTI SMITH. Du haut de ses septante-sept ans, la chanteuse américaine est attendue par une foule dense où toutes les générations se retrouvent. La longévité de la carrière de celle que l’on surnomme La Marraine du Punk et de tout ce qu’elle incarne, notamment concernant l’émancipation des femmes, trouve en effet un écho très actuel chez la jeune génération qui s’est ainsi engouffrée avec admiration dans l’ensemble de son œuvre artistique.

Et c’est avec un grand sourire aux lèvres que Patti Smith fait son entrée sur scène. L’ovation qui s’élève de la plaine est intense. La chanteuse est en fait devenue prêtresse. La scène se répète régulièrement tout au long du concert, les festivaliers se mettant à applaudir longuement la chanteuse entre chacun de titres interprétés. Titres qui font d’ailleurs la part belle aux hommages et aux reprises : Bob Dylan et Jimi Hendrix mais aussi Lana Del Rey (“Summertime Sadness”) et Nirvana pour une version flamboyante et bien vénère de “Smells Like Teen Spirit”. Patti Smith réussit à faire oublier qu’elle a près de 80 ans dont plus de 50 ans de carrière au compteur. Elle a conservé sa candeur juvénile ainsi que l’énergie incandescente et la vigueur des seventies, couplés à l’élégance et la sagesse (relative) du temps qui passe et qu’elle semble accepter sereinement. Et même si elle doit parfois reprendre son souffle à la fin d’un titre ou l’autre, c’est un véritable régal de la voir poser un pied sur l’ampli posé au sol et enchainer les postures conquérantes ainsi que les pas de danse avec une certaine grâce et légèreté. Patti Smith pourrait être notre grand-mère et elle serait probablement la plus cool des grands-mères de tout l’univers ! Patti Smith est aussi une mère super-cool puisque c’est son fils qui est avec elle sur scène comme guitariste. Les moments de complicité entre les deux sont d’ailleurs touchants à observer.

Patti Smith évoque aussi son attachement à Bruxelles où elle confie avoir rencontré les kids les plus beaux et les plus sauvages qui soient. Elle rend aussi hommage aux poètes qui y ont vécu, dont les incontournables Baudelaire et Verlaine. Une énième ovation s’en suit. Autre moment fort du concert avec “Because The Night” repris en cœur par une plaine toujours aussi noire de monde tandis qu’elle lève le poing et les bras vers le ciel avec vigueur. Le final prend des airs de véritable feu d’artifice électrique qu’elle achève le concert avec un “Gloria” qu’elle prend plaisir à tirer en longueur pour permettre aux festivaliers de pouvoir hurler avec elle les paroles de ce classique du rock. Et c’est dans un bon gros crachat bien rock’n’roll sur le plancher de la scène que Patti Smith achève tout ça. Nous n’étions même pas nés à l’époque où elle sortait son premier album et pourtant sa prestation nous a profondément marqués de part la célébration du rock qu’elle a offerte et par l’enthousiasme et l’émerveillement qui l’animent. Patti Smith confiait son plaisir de se produire dans un cadre aussi verdoyant que celui de LaSemo et nous souhaitait de profiter au maximum du festival et de la musique mais la simple présence de l’une des personnalités les plus importantes du rock et de la musique de ces cinquante dernières années a suffit à nous combler.

Nous retournons ensuite vers La Prairie pour le concert des Français de DIONYSOS qui sont en tournée anniversaire pour leurs vingt-cinq ans d’existence. Mathias Malzieu, l’hyperactif leader du groupe, qui s’était cassé la jambe au bout d’une minute trente lors du premier concert de la tournée en début d’année n’est pas encore complètement rétabli, quoique… Arrivant sur scène dans sa chaise roulante bodybuildée avec un fantastique Giant Jack, il n’y reste pas bien longtemps. On le retrouve ainsi régulièrement sur l’avancée pour aller chercher un public de toute façon déjà bien chaud et connaissant toutes les paroles des titres joués. Nous retrouvons donc un Mathias Malzieu en presque pleine possession de ses moyens physiques, sa voix légèrement cassée lui jouant malgré tout quelques tours. Les médecins ne l’ayant pas encore autorisé à slammer, il fait monter un festivalier sur scène sur “Song for a Jedi” et lui offre un slam jusqu’à la tour du son, avec la complicité des autres spectateurs. On apprécie aussi toujours la voix chantante de Babet et ses coups de violons bien rock’n’roll. Miky Biky assure lui aussi fougueusement le job à la guitare électrique, avec un sourire non-dissimulé. Rien ne semble altérer l’énergie rock et la tornade Dionysos qui sévit depuis un quart de siècle maintenant.

C’est au son et sur les rythmes effrénés et le groove de DELUXE (le groupe de la moustache) que les festivaliers ont achevé en beauté cette édition de LaSemo qui aura accueilli 47500 spectateurs sur trois jours. Trois jours sans trop d’encombres malgré les conditions météos plus qu’humides du vendredi en matinée et des parkings ayant du être fermés pour cause d’inondation. Nous avons cependant noté quelques goulots d’étranglement dans certaines parties du site mais le public de LaSemo étant plutôt du genre cool et bienveillant cela n’a pas vraiment eu d’impact négatif. Rien de bien terrible en somme. Chaque année, nous faisons le constat qu’il n’est tout simplement pas possible de tout faire, tout voir et tout entendre à LaSemo et que le verdoyant site recèle une multitude de surprises et de lieux intimes plus ou moins dissimulés. Enfin, une fois encore, les programmateurs ont réussi à composer une affiche très équilibrée : enfants, parents (sans enfants), familles, groupes d’amis jeunes et moins jeunes trouvent de quoi rassasier leurs yeux et leurs oreilles sur les différentes scènes, dans un mélange des genres complémentaires. Une dernière chose : les dates de l’édition 2025 sont déjà connues. Cela se passera du 11 au 13 juillet 2025.

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