Esperanzah, le plus engagé des festivals, nous a offert une formidable deuxième journée de fête et de sensibilisation sur le site somptueux de l’Abbaye de Floreffe. Au programme, des concerts haut en couleurs, mettant l’accent sur la diversité et l’internationalité, de gros coup de coeur devant Gaël Faye, Myd ou encore Suzanne… Et surtout, une organisation mettant les petits plats dans les grands pour offrir à toutes et tous la fête qu’ils méritent, sous les axes de la sécurité, du respect et de la bienveillance.

On vous parlait hier de l’axe de décroissance que le festival entamait à l’occasion de ces 20 ans. Focus aujourd’hui sur les efforts admirables que Esperanzah entreprend pour faire de son événement un lieu safe pour toutes et tous. Difficile d’en parler sans évoquer le plan SACHA (Safe Attitude Contre le Harcèlement et les Agressions) qui a vu le jour lors de l’édition de 2018. Être SACHA, c’est être attentif et attentive aux harcèlement et aux violences sexistes et sexuelles en milieu festif. Ce plan repose sur trois axes : formation, sensibilisation et prise charge. Une trentaine de bénévoles ont été formés en amont du festival. Ces Super SACHA’s sensibilisent à leur tour les festivalier.e.s via des stands et des ateliers en leur transmettant des informations et des outils d’auto-défense verbale. Un grande campagne de prévention prend place dans chaque recoin du site via des affiches aux slogans percutants : “de la cour au jardin, mon cul veut pas de ta main”; “mon corps n’est pas un sujet de débat”; “désolé, mon pote est un peu lourd quand il drague; non, ce n’est pas de la drague, c’est du harcèlement”. Enfin, une ligne de prise en charge des victimes est ouvertes 24h/24 durant toute la durée de l’événement.

Côté accessibilité, un bel effort est fait pour permettre au personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap de profiter du festival malgré les difficultés inhérentes au site de l’Abbaye de Floreffe (rue pavée, dénivelé important, bordures, etc.) : accueil et accompagnement par une équipe de bénévoles bienveillant·es, local de repos, frigo à disposition pour laisser des médicaments, mise à disposition de béquilles et de chaises roulantes, plateformes PMR en face des scènes, etc. On notera cependant un petit bémol : la plateforme PMR de la scène Futuro, désormais placée en-dehors de la muraille qui encadre le parterre et de l’autre côté de la route. Ce qui, des dires des utilisateurs eux-mêmes, génère un sentiment d’être “en-dehors de la fête“.

Enfin, on salue encore la myriade d’initiatives complémentaires permettant à tous de vivre l’événement de la manière la plus confortable possible: point d’eau potable gratuite à côté de chaque bar, urinoirs féminins, espaces chill et repos, point de rendez-vous pour les personnes souhaitant profiter des concerts en sobriété, etc.

Côté musique, un line up multicolore

Pour cette deuxième journée de festival, Esperanzah ! nous a réservé une affiche qui résonne au son de la diversité et de l’engagement. Au programme, des artistes belgo-congolais, roumain, américains, roumains, argentins ou encore rwandais. Des hommes, des femmes, des queers, tous engagés et/ou militant pour un monde meilleurs.La journée commence sur la scène Jardin avec Reinel Bakole, jeune artiste belgo-congolaise de 23 ans. Chanteuse, danseuse, compositrice, performeuse, elle propage de sa voix délicate de vibrations sensibles et poétiques à tendances afro-soul.

On assiste ensuite au concert de Guilt, le projet solo de François Custers. Le français met ses sonorités folks, ses rythmiques post-rock lorgnant vers le jazz et le hip-hop au service de thématiques de fond qui questionnent ses privilèges d’homme blanc européen.

On enchaîne ensuite avec les roumains de Taraf de Caliu qui balance avec talent et virtuosité les musiques populaires et festives de la tradition Rom sur un public encore quelque peu clairsemé en cette fin d’après-midi.

C’est devant une Sara Hebe déchaînée sur la scène Futuro que la foule commence à se densifier. Artiste engagée qui n’hésite pas à évoquer de manière frontale et provocatrice les inégalités sociales de son Argentine natale, Sara Hebe prouve que la résistance peut s’inscrire dans la lutte comme dans la fête. Montée sur ressort, elle nous offre un show résonnant comme un appel incessant à la danse. Un mélange de cumbia, de funk, de rap fusion et de reggaeton assaisonné de riffs rock. Point d’orgue de son concert: sa reprise organisque et magistrale du tube de Magician I follow rivers, lui-même repris de Lykke Li, accompagnée des voix voix de milliers de festivaliers scandant les paroles en choeur.

On remonte ensuite vers la scène Jardin pour le concert de Hercules & Love Affair. Porte-drapeau de la communauté gay et queer new-yorkaise, le collectif emmené par le DJ et chanteur Andy Butler, délivre un savoureux cocktail de bonnes ondes en mêlant leur house colorée à de voix divines venant de la soul. Le public ondule littéralement sous leurs vibes enivrantes.

La française Suzane prend ensuite le relais sur la scène Futuro pour nous conter avec ses mots bien à elle et son electro-pop l’époque dans laquelle on vit. Evoquant le harcèlement de rue, l’homophobie ou les diktats du corps, Suzane mène son combat pour l’émancipation féminine à grand coup de poésie moderne. À l’image du morceau “Pendant 24h”, où elle évoque ce qu’elle ferait si elle était dans la peau d’un homme le temps d’une journée, en duo avec un Grand Corps Malade virtuel projeté en fond de scène. Une performance qu’elle mène en solo, sans musiciens ni DJ, posant sa voix sur une tracklist préenregistrée, mais occupant magistralement bien la scène tant elle déborde d’énergie.

La soirée bat désormais son plein lorsque nous retrouvons le Franco-Rwandais Gaël Faye sur la scène Futuro. Passé par l’abbaye de Floreffe en 2018 pour un show resté dans les annales du festival, Gaël Faye était chaque année au sommet des artistes les plus demandés. Il ne pouvait donc manquer à l’appel pour les 20 ans du festival ! Le rappeur français, qui semble carrément gagner en puissance au fil des années, présentait sur scène son album “Lundi Méchant” en nous faisant chalouper de ses mélodies endiablées et textes profonds et ancrés dans la réalité. Un groove métissé qui se déverse sur le public d’Esperanzah en distribuant des sourires et des câlins à la pelle: une véritable ode à l’amour qu’on n’est pas prêt d’oublier !On redescent alors passer la fin de soirée dans le bas du festival, pour les deux derniers concerts de la soirée à la scène Futuro. Enorme coup de coeur pour l’excentrique Myd dont on découvre les petites perles de house colorée en live. Anti-héros magnifique, le français Quentin Lepoutre nous offre un show ultra festif et dansant, un enchaînement de bangers auxquels il est difficile de de réchapper.

La soirée se termine sur le concert de Zenobia, deux musiciens originaires de Nazareth qui se sont donné comme mission de bousculer la musique arabe à grands coups d’électro moderne et futuriste. Je ne peux mieux les décrire qu’en reprenant les termes sous lesquels Esperanzah lui-même les présente : leur musique est une joyeuse révolution, un printemps arabe de basses et de rythmiques lancinantes.

Encore une magnifique journée passée à Floreffe donc, pour une vingtième édition d’Esperanzah qui affiche jusque là un sans faute. À demain !

Crédit Photos : Pauline Bastin – Julien Peeters – Mathieu Bolly

Please follow and like us:
error
fb-share-icon