Il y’a peu, on est partis à la rencontre de Løyd, un artiste bruxellois à l’univers bien affirmé, aux confins de la musique électroniques conceptuelle et sombre. Après un premier album qui fut salué par la critique en 2019, Løyd revient avec un tout nouvel album dès demain 11 mars. Cela risque d’être prometteur, car dans l’univers de l’artiste tout est calculé, bien pensé et a un lien avec les titres précédents. Accrochez vos ceintures, car, tel un grand-huit, on risque d’osciller entre différentes œuvres qui vont nous en mettre plein les yeux, et plein les oreilles.
Solenn, pour ScenesBelges : Hello Løyd! Alors est-ce que tu peux présenter un peu ton projet pour nos lecteurs qui ne te connaîtraient pas encore ?
Løyd : J’ai un projet de musique électronique assez dystopique, qui envoie un son saturé, et qui est relativement dansant. J’ai beaucoup été influencé par la série « Black Mirror » en fait, et que ce soit dans le cinéma ou la musique, j’aime les choses assumées qui vont dans les extrêmes. Mon univers est très visuel, j’ai essayé de créer une trame scénaristique autour de ma musique avec un déroulement plus ou moins logique.
SB : Il y’a d’ailleurs un logo qui revient souvent dans tes clips, c’est toi qui l’a créé ?
L : J’ai toujours été fasciné par le groupe « Justice » et eux se sont approprié la croix par exemple, ce qui leur a donné une identité visuelle forte. Le fait de construire une marque de fabrique est quelque chose de très reconnaissable, et monolithique aussi dans un sens. Je me suis amusé à dessiner ça, et à l’aide d’un graphiste on l’a finalisé. L’inspiration venait aussi des runes dans les pays scandinaves, et le nom Løyd vient aussi de là.
SB : Il y’a une signification derrière ton nom de scène ?
L : Je voulais à la fois un nom moderne et plutôt « classieux », pas trop long, un peu à la manière de « Flume » (dont j’adore la musique). Quelque chose de monosyllabique. Løyd sonnait bien, puis j’ai barré le o pour avoir un caractère un peu spécial.
SB : Tu as réalisé une collaboration avec OD Temper sur « Boys in Blue », avec qui tu avais déjà collaboré, comment ça s’est passé ?
L : On avait déjà collaboré sur mon premier disque sur « Revolution ». Lors de mes études d’ingé son à l’IAD, et un gars qui était dans la même école s’était occupé de sa mixtape il y’a quelques années m’a mis en contact avec. Moi je cherchais un rappeur avec un accent anglais irréprochable, et quand je suis allé chez OD Temper les choses se sont fait tout naturellement sur mon projet. C’était super organique, et facile de bosser avec lui je dirais. En même pas quelques heures il est capable de te pondre des lignes de texte, où il n’y aura rien à changer. C’était une évidence même de re-collaborer sur ce nouvel album.
SB : J’ai vu quelque part que chaque scène du clip était une « NFT », un terme très en vogue pour le moment mais à la fois assez flou pour beaucoup, peux-tu nous éclairer ?
L : Un NFT c’est l’abréviation de « Non fungible token », jeton non fongible. C’est un terme un peu farfelu mais en gros ça se traduit par un jeton d’une unité, qui est rattaché dans mon cas à une œuvre artistique et qui est non échangeable. Si l’on prend l’inverse, quelque chose de fongible c’est un billet de 5€ ; par exemple là on a échangé notre billet de 5€ contre nos boissons. Là où c’est intéressant pour la scène artistique c’est de dire sur la ‘blockchain ethereum’ – une plateforme où tu peux stocker et transmettre des informations de manière sécurisée sans organe central de contrôle – je stocke mon œuvre artistique qui est rattachée à un jeton qui vaut 1 unité.
SB : Et donc comment on fait le lien avec cette plateforme et les différentes scènes de ton clip ?
L : Le concept du clip était de faire une attraction comme
pirate des Caraïbes à Disney, une balade, sur le thème des violences policières. Ce qui me plaisait c’était le côté cynique et satirique du clip, qui a fortement un lien avec l’album qui arrive demain d’ailleurs : on est là pour s’amuser, mais ce qu’on voit c’est ultra sombre. En faisant le clip en 3D, j’ai tracé un chemin d’attraction avec un manège qui parcourt 6 mini-scènes, et avec mon graphiste on a eu l’idée d’isoler un peu ces 6 éléments pour en faire une sorte de « musée ». Donc on a 6 œuvres indépendantes finalement, qui sont chacune une NFT sur la plateforme.
SB : Mais donc ça s’achète ?
L : C’est ça. L’intérêt pour moi c’est de dire que l’on a une œuvre artistique, en l’occurrence 6 vidéos avec des beats dédiés que à ça. Le NFT existe qu’en un seul exemplaire, donc la personne qui l’acquiert est le seul possesseur. Les beats et les visuels de ces NFT ne peuvent donc pas être utilisés en dehors de ce système-là. Pour les acheteurs, c’est une façon de miser sur des artistes en développement car bien évidemment, ces œuvres uniques peuvent prendre de la valeur et donc cela devient un bon investissement (rires) ! Dans le contrat lié à mes propres NFT, j’ai mis des royalties de 15% : donc à chaque fois que mon NFT est revendu entre plusieurs acquéreurs, je prends ce pourcentage. D’un point de vue technologique c’est intéressant car ça ne demande aucun intermédiaire ‘humain’. Ici ce qu’on a fait aussi c’est que 10% des revenus vont directement à la « Legacy of war fundation », une association luttant contre les violences policières.
SB : Ça me fait penser à l’épisode Black Museum dans Black Mirror, où chaque œuvre est bien distincte et unique dans le musée mais à la fois toutes liées entre elles !
L : Oui carrément ! Et ce qui est à la fois fascinant et effrayant, c’est que mon premier album est un album d’anticipation à la Black Mirror justement, et que des thèmes que j’aborde dans ma musique sont complètement devenus réels.
SB : Tu as été le premier artiste belge à te produire dans le metavers, encore une fois, peux-tu nous en dire plus là-dessus ?
L : Avec tout ce qui est NFT, comme c’est une technologie assez récente, y’a plein de créateurs qui ont de bonnes intentions et qui veulent un peu reconstruire internet, et tout ça passe par l’application Discord. Sur cette appli j’ai partagé la vidéo de mon concert à l’AB en novembre et y’a des personnes qui ont adorés et m’ont proposé de jouer dans Decentraland. Y’avait évidemment beaucoup de boulot technique, de boîtes virtuelles etc, donc je me suis bien entouré pour y parvenir !
SB : Donc tu as un deuxième album qui sort demain, est-ce plus ou moins la suite du premier ou tu pars dans un truc totalement différent ?
L : La pochette du premier album c’est une caméra de surveillance avec un ciel étoilé car je voulais vraiment faire un truc ‘dreamy’ (rêveur) et industriel, et sur le deuxième album, c’est plutôt le côté industriel qui a pris le pas. L’album qui arrive là est plus volcanique, plus abrasif que le premier et il tournera autour du parc d’attraction en lui-même. Tout prendra sens une fois sorti, et même en live tout a été réfléchi dans cette thématique avec plein de rappels et références à mes clips.
SB : Visuellement tout est lié en fait !
L : Oui totalement, d’ailleurs le premier album a un univers noir et blanc, et pour le second album les visuels seront noir, blanc, et rouge. Le troisième album sera noir, blanc, et une autre couleur. Je suis un peu maniaque là-dessus et un peu acharné du travail (rires), mais pour moi il faut que tout ait une certaine continuité logique.
SB : Après cette sortie d’album, c’est quoi la suite pour toi alors ?
L : C’est vrai que niveau concerts, les deux années précédentes c’était pas évident, mais j’ai un mental d’acier donc j’ai gardé le cap et bossé d’arrache-pied. Là les concerts reprennent doucement, donc j’ai quelques dates de prévues, et aussi j’ai prévu une version festival de mon live où la structure sera bien plus grande. J’espère que tout ça va se concrétiser et que le show enverra du lourd.
Retrouvez dès demain sur toutes les plateformes « Joypark », le tout nouvel album de Løyd. Ce second chapitre s’avèrera tout aussi dystopique que le premier, avec des synthétiseurs fous, mouvementés, et électroniques, qui vous feront perdre les pédales dans cette attraction sans début ni fin.
Retrouvez également Løyd en concert :
18/03/2022 à l’Entrepôt (Arlon)
24/03/2022 au Reflektor (Liège)
25/03/2022 au Prince Club (Rosières)
02/04/2022 au Belvédère (Namur)
