Nous prenons la direction de L’Orangerie du Botanique ce mardi soir pour le concert de DE AMBASSADE. C’est un peu l’OVNI de l’affiche du festival des Nuits 2021 (bien que l’affiche regorge de projets musicaux singuliers). De Ambassade c’est un projet darkwave chanté en néerlandais. On y retrouve notamment un membre du groupe Dollkraut. Amis de l’ombre et des âmes en errances soyez les bienvenus. Une curiosité qui vaut le détour et que les programmateurs du festivals ont voulu mettre en avant dans une démarche d’ouverture et de défrichement musical.
La soirée commence avec RACHEL SASSI ET VICTOR DE ROO. Le duo “chant-machines” propose une electronica sombre et inquiétante, agrémentée de quelques percussions industrielles. Sur cette musique vienent se greffer des textes descriptifs exprimés avec froideur et une absence totale d’émotion. La voix se fait parfois plus chantantes mais dans des intonations fantomatiques. Les mélodies sont lancinantes et portées par des beats spaciaux et obscurs. Une demi heure durant Rachel Sassi reste le corps figé devant son micro à déclamer ses textes à la poésie désabusée pendant que Victor De Roo s’active derrière ses grosses machines. Lorsque le rythme s’accélère c’est de façon progressive avant de redescendre tout aussi progressivement, sans jamais exploser. L’ensemble est assez captivant et le public se laisse porter par leur musique.
Place ensuite au trio de DE AMBASSADE. Le groupe possède une certaine notoriété dans les milieux avertis puisque l’Orangerie est généreusement remplie ce soir. Et ce sont sous les cris et applaudissements qu’ils montent sur scène où l’on retrouve deux tables bourrées de machines à chaque extrémité, l’espace central étant dédié au bassiste. Finalement cette place centrale prend tout son sens tant cet instrument et ses multiples pédales d’effets occupent une place importante pour créer une rythmique mélodique dans cette ambiance sonore qui ressuscite l’époque de la guerre froide et du rideau de fer, entre post-punk et darkwave. L’ambiance sonore est glaciale, et ce ne sont pas les effets de reverbs mis dans la voix du chanteur qui vont venir réchauffer l’atmosphère. Son chant est perdu dans des échos postindustriels, voir carrément postapocalyptiques. Conséquence de tout ça : on perçoit à peine qu’il chante en Néerlandais. La rythmique est linéaire mais hypnotisante. Les boîtes à rythmes en provenance des années 80 sont avantageusement mises en avant. Au milieu de tout ça, il y a quelques passages plus noises qui semblent s’extirper d’une sombre usine sur le déclin. On aurait envie de dire maudits et loués à la fois soient les inventeurs de ces machines à triturer le son ! L’immersion est totale, et c’est bien cela qu’on est venu chercher.
Ils réussissent aussi a insérer des sons qui sonnent comme un sitar indien, amenant une très légère touche d’exotisme et de chaleur. Mais d’une manière générale, le fantôme de Ian Curtis (Joy Division) est parmi nous ce soir dans l’Orangerie. Distorsions, pianos désaccordés et autres maltraitances sonores viennent compléter cet ensemble où le bassiste n’en finit plus de s’acharner frénétiquement sur sa 4 cordes. Dans le public, l’ambiance est à la célébration lugubre et joyeuse à la fois. Les premiers rangs se mettent à danser comme une armée de zombies qui ne s’est plus réunie depuis bien trop longtemps. Le groupe en profite d’ailleurs pour remercier les spectateurs pour leurs jolis pas de danses sombres. Cela peut paraître paradoxal, mais pourtant l’ambiance générale est festive. Tout cette communion s’achève au bout d’une petite heure dans un long larsen. Un rappel est réclamé par le public, mais le groupe ne remontra pas sur scène. On aurait pourtant bien encore un peu continué notre voyage dans les contrées glaciales de De Ambassade.]]>
