GLAUQUE ! Avec un nom pareil on pourrait avoir envie de passer son chemin en détournant le regard et l’oreille. Mais cela aurait été une grave erreur pleine de préjugés ! Ce n’est pas par hasard que les 5 namurois sont arrivés en final du Concours-Circuit en 2018, bousculant avec fougue et conviction les codes musicaux en place : du rap, de l’électro, du rock, et même quelques intrusions dans le post-rock bien rageur. Depuis les concerts se sont enchaînés, les dates de festivals aussi (Nuits Bota, Ardentes, Dour, Francofolies, Esperanzah, Ronquières, BSF, etc.), et cela bien au delà des frontières du Royaume, comme une implacable montée en puissance. C’est avec beaucoup d’impatience que le leur premier EP (maxi) était attendu par un public toujours plus important. Il en résulte 6 titres de très haute volée. Si vous avez l’impression que plus rien d’intéressant n’émerge au niveau musical, il est grand temps de revoir votre point de vue et d’aller écouter attentivement ce que Glauque a à envoyer dans une urgence sincère et brute, sans tricher ! Le hasard a fait que la sortie de cette galette s’est faite en plein confinement. Une fois n’est pas coutume, et faute de concert, c’est par vidéoconférence qu’on a été à la rencontre d’Aaron et Louis, les deux chanteurs du groupe.
Scènes Belges : Vous êtes finalement un très jeune groupe, est-ce que vous pouvez nous expliquer la genèse du projet “Glauque” ?
Glauque : Ça va faire 3 ans que Glauque existe. Louis écrivait des textes et il cherchait quelqu’un pour y apporter un habillage musical. Il avait demandé à son frère Lucas, qui venait de finir le conservatoire mais qui n’avait pas le temps. Il l’a mit en contact avec un pote à lui, Aadriejan. Ils ont commencé à deux. Quelques mois après on a eu l’occasion de faire un concert via les kots-à-projet à Namur. Et là on s’est dit que ça serait cool d’avoir une formation “live” et pas juste un rappeur avec un mec qui envoie du son derrière. Donc finalement, mon frère Lucas et son colocataire Baptiste sont venus nous rejoindre pour l’instru, et Aaron aussi pour faire la deuxième voix. Il a aussi fallu régler le problème du nom qu’on avait toujours pas trouvé deux-trois jours avant le concert. On s’est inspiré d’un livre où on a découvert que Glauque était une couleur à la base, il y avait un double sens qui nous plaisait. Ça n’était pas plus réfléchi que ça.
Scènes Belges : Musicalement vous venez d’où ?
Glauque : On a a tous une approche et une connaissance de la musique différente au sein du groupe. Chacun écoute des choses très différentes. C’est ça aussi qui peut laisser penser à Odezenne comme étant une de nos grandes influences. Ça a été le premier groupe francophone à réussir à faire une véritable hybridation entre l’électro et le rap. Comme les trois musiciens n’écoutaient pas de rap français avant le début du projet, alors qu’Aaron et moi oui, il a fallut qu’on trouve un carrefour commun entre nos différentes influences. Il n’y a quasi aucun groupe ou artiste que nous avons en commun à ce niveau là, où alors le consensus se fait sur un morceau en particulier, sauf pour Radiohead qu’on aime tous.
Scènes Belges : Et qu’est-ce que vous pensez de la comparaison qui est parfois faite avec Fauve concernant vos textes ?
Glauque : Autant la comparaison avec Odezenne on la comprend, autant avec Fauve ça nous semble plus flou. Ils ont le mérite d’avoir assumé de faire de la musique presque uniquement pour l’émotion qu’elle suscite. Et dans cette démarche là on peut comprendre qu’on nous rapproche d’eux, même si la forme finale est très différente. Le seul point commun qu’on voit c’est l’urgence et le coté brut des émotions, même si c’est dit d’une manière différente effectivement.
Scènes Belges : Vous êtes souvent dans une approche assez brute et frontale, voir parfois très pessimiste des choses. Qu’est-ce qui vous pousse dans cette direction ?
Glauque : C’est un processus cathartique d’écrire de manière complètement assumée, mais jamais réfléchie. Encore moins à l’époque des premiers titres qu’on a écrit il y a presque 3 ans maintenant. On laissait juste parler la petite voix sombre qu’on a tous dans nos têtes, en l’assumant pleinement. Ça soulage et ça fait du bien.
Scènes Belges : Hasard du calendrier et du confinement lié à la propagation du Covid-19, vous répétez inlassablement On est tous voué à vivre dans le titre “Vivre” justement. Il faut l’interpréter comment ?
Glauque : C’est plus de l’ordre du constat, que de la révolte ou du désespoir. On pourrait résumer ça de la manière suivante : on a une vie, on a pas choisi de la vivre, mais qu’est-ce qu’on en fait ? Dans le contexte actuel on le prend en se demandant ce qu’on peut faire pour tirer quelque chose de positif de la situation.
Scènes Belges : Le Concours-Circuit en 2018, dont vous avez été finaliste, ça a été le coup d’accélérateur nécessaire pour votre carrière ?
Glauque : Oui très clairement. Il y a eu un avant et un après. On est passé de rien à tout. En une soirée on a été “booké” au double de concerts que ce qu’on avait pu faire avant. Ça a vraiment été le point de départ pour professionnaliser et structurer le projet.
Scènes Belges : Vous avez sorti individuellement plusieurs titres : “Robot”, “Plane”, “ID8” et maintenant “Vivre”, sur une période de plus d’un an. Tout ça pour constituer ce premier EP. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Glauque : Notre entourage professionnel nous avait conseillé de surfer sur la vague du Concours-Circuit. Mais à l’époque on avait pas du tout prévu de faire un EP. On trouvait le format peu intéressant par rapport à ce qu’on voulait dire et faire passer. On voulait partir directement sur un album. Avec les concerts et la sortie de “Plane” à l’été on s’est rendu-compte qu’on avait pas le temps en fait. On a donc revu le format en scindant ça en deux parties, avec un EP qui regroupait les premiers morceaux du groupe, et ensuite un album qui viendra plus tard. Les premiers morceaux étaient hyper instinctifs dans leur création, même si ils ont été très fortement retravaillés ensuite. Mais il fallait directement les jouer en live car on avait pas assez de morceaux pour tenir la durée d’un set en concert. On aurait pu faire les choses autrement pour que la sauce prenne plus vite d’un point de vue commercial, mais on a quand même voulu se laisser le temps de faire ce qu’on voulait, vraiment. Ça sera pareil pour l’album, on le veut cohérent et compact, comme si c’était le seul truc qu’on allait faire dans notre vie.
Scènes Belges : Vous n’avez pas eu l’impression d’être pris de court à un moment ?
Glauque : Si. On avait du contenu mais pour la partie live il a fallut qu’on fasse d’énormes progrès rapidement pour proposer quelque chose de qualité. La finale du Concours-Circuit c’était notre cinquième ou sixième concert seulement. Faire du live c’est un vrai métier à part entière, surtout quand on a jamais fait de concert avant dans sa vie. La pression s’est plus faite sur le live où on devait être à la hauteur. On était programmé à Dour, au Cabaret Vert, aux Ardentes, aux Francos, à Esperanzah!, sans avoir vraiment d’expérience du live.
https://www.youtube.com/watch?v=egpDMjgvJ-A&t=314s
Scènes Belges : Vous avez ressenti quoi à ce moment là en enchaînant tous les festivals ?
Glauque : On a pas eu le temps d’y rêver ou de l’imaginer que c’était déjà là. A la base quand on s’est inscrit au Concours-Circuit, l’ambition c’était d’aller en finale, de jouer au Botanique. Ce qui était déjà une sorte de consécration à notre échelle. Et puis tout s’est enchaîné sans qu’on ait le temps de le conscientiser. C’est peut-être même un peu dommage parce qu’on a pas eu le temps d’avoir cette envie la et de la fantasmer. Mais on ne va clairement pas s’en plaindre. On a un parcours ultra-chanceux au niveau du live.
Scènes Belges : Il y a quelques semaines vous avez gagné le Décibel Music Award de la “révélation de l’année”.
Glauque : C’était inattendu. On ne comprend pas comment ça se fait qu’on l’ait eu. Pour nous c’était Lous and The Yakuza qui aurait du l’avoir, très clairement. Tout le monde rêve d’un jour passer à la télé en gagnant un prix et de dire “j’avais rien prévu”. Pour le coup on avait réellement rien prévu et c’était un peu bizarre, même si c’est certain que ça fait plaisir.
Scènes Belges : Si tout va bien, et en fonction de l’évolution de la situation actuelle, vous jouerez aux Nuits du Botanique en octobre, avec un set spécialement préparé pour cette occasion. Ça pourrait prendre quelle forme ?
Glauque : Oui, on croise les doigts effectivement. L’avantage c’est que ça nous donne plus de temps pour le préparer. Mais ça faisait longtemps qu’on avait envie de faire quelque chose de beaucoup plus acoustique, tout en gardant une légère touche électro, beaucoup plus minimaliste, avec un piano à queue, quelques boites à rythmes et des synthés modulaires. La formule n’est pas encore définie précisément, mais pourquoi ne pas aussi inviter quelques musiciens classiques ? Dans le groupe on a deux musiciens qui ont des Masters en Piano, il serait peut-être temps que ça serve (rire) !
Scènes Belges : Un petit coup de cœur musical à mettre en lumière comme les gens ont du temps avec le confinement ?
Glauque : Oui ! Pour l’instant avec le confinement on se rend compte qu’il y a plein de gens exécrables, alors on pense à notre voisin qui vole des caddies pour pouvoir aller faire ses courses quand il veut. C’est vraiment une “belle personne” en ces temps difficiles. Et toutes ces choses sont une source d’inspiration incroyable pendant cette période. Donc on va dire un petit Klub des Loosers.
Pour commander l’EP de Glauque en CD ou vinyle ça se passe par LA et pour l’écouter en ligne c’est ci-dessous.