Incourt accueillait ce dimanche en tête d’affiche le rappeur français, Disiz. Celui qui est sans doute un des noms les plus emblématiques de la scène hip-hop actuelle, démarrait sa tournée des festivals.
Une belle opportunité pour Scènes belges d’aborder avec l’artiste la sortie de son nouvel album mais également de disserter sur son statut d’artiste et sur sa soif de création.
Une très belle rencontre sans langue de bois avec un homme lucide et honnête.
Scènes belges : Disiz, on vous présente souvent comme LE rappeur atypique, celui qui est cultivé, intello. Personnellement, je
Disiz : Le problème ne France est qu’on a une tendance à mettre les gens dans des cadres. Le spectre du rap s’arrête à un milieu social (les quartiers populaires), à des situations problématique. Venir de ce milieu et avoir d’autres références culturelles, est suspect, on ne le comprend pas et on va essayer de m’extraire. Il y a une contradiction dans le traitement, dire nous sommes tous des enfants de l’école de la République et ne pas estimer qu’un rappeur peut avoir une belle culture littéraire est incohérent. Avant, je me battais, maintenant je ne le fais plus. Je suis qui je suis, je fais ce que j’ai à faire.
Mon public me suit, les salles se remplissent, les disques se vendent, le partage est là.
SB : Tu viens d’évoquer le fait que l’on est tous des enfants de la République, une phrase très politique. Tu étais engagé politiquement auprès de Ségolène Royal, où en es-tu aujourd’hui ?
D : J’ai perdu ma candeur de l’époque. Se mettre aux côtés d’une personnalité politique c’est accepter le calcul qui veut dire qu’être avec un rappeur c’est avoir le vote des banlieues ou des jeunes. J’étais naïf à l’époque.
Aujourd’hui, je pense que je corresponds à la relation générale des quartiers populaires à la politique. Lors des dernières élections, le grand gagnant c’était le non vote.
Personnellement, je ne vote plus, je me cultive par moi-même, je m’engage dans des projets que j’estime être importants, des programmes en milieu carcéral.
SB : Tu es un créatif boulimique, tu écris des romans, tu fais de la musique, tu as joué au cinéma, tu es investi dans des actions citoyennes. Qu’est-ce qui te pousse à être en mouvement perpétuel ?
D : M’impliquer dans des projets « sociaux », c’est cohérent pour moi. Je ne peux pas écrire et interpréter ce que j’interprète sans aller là-bas.
Pour la création, je suis fasciné par les mots, par la manière dont un mot se transforme en émotion, en idée politique, en force. Après qu’on le décline dans un livre, une chanson ou un film cela reste toujours de l’émotion.
J’aime aussi l’idée de me mettre en danger. Là, je sors d’un projet théâtral (Ndlr : Othello). Le théâtre c’est pour moi quelque chose de très compliqué. On doit aller chercher au plus profond de l’intime, c’est troublant. Il y a une espèce d’appel à la névrose, on devient l’outil pour jouer le rôle. Je n’ai aucune formation classique en théâtre, je dois aller chercher des choses que j’ai enterrées. Othello est un rôle incroyable, quelqu’un qui passe par les extrêmes, du calme à la violence. Il est aussi un personnage qui est dans le métissage et qui n’est jamais à sa place. Il est à la fois celui dont on a besoin car il est un fin stratège et il n’est pas accepté dans le Venise de sa bien-aimée Desdémone. On en revient à ce dont on parlait en début d’interview, ne pas être là où les bien-pensants t’attendent. Un rappeur banlieusard au théâtre dans une pièce classique c’était hors des sentiers battus. Cette aventure de théâtre est arrivée par les ateliers de dramaturgie que je donnais au théâtre de l’Odéon. Le directeur m’a mis en contact avec la metteur en scène.
SB : L’album est sorti, il est bien accueilli. Tu peux nous en parler ?
D : On boucle la trilogie, je suis revenu alors que j’avais abandonné. Entre temps, j’ai beaucoup lu, j’ai trouvé une autre grille de lecture, j’ai perdu un peu de ma candeur, j’ai trouvé un juste milieu. On est à la première date d’une longue série de festivals, j’en suis ravi, on va faire de belles dates et j’en suis ravi. Retrouver le public, partager avec lui.
Retrouver le public, c’est ce que Disiz a fait ce soir avec brio. Une énergie époustouflante qui a réchauffé le public pour ce dernier concert de ce qui fut une très belle journée de musique urbaine.
Entouré de ses musiciens, le français a réussi à embarquer le public tant au travers de ses classiques que de nouveaux morceaux. Sautant, s’accroupissant, les spectateurs suivent Disiz dans sa musique reprenant en chœur les morceaux emblématiques.
Des lights incroyables, une belle connivence entre les musiciens, une belle interprétation, beaucoup de communication avec le public, voilà la recette que le rappeur avait préparée pour cette première date de sa tournée des festivals.
Rien à dire, l’équilibre est parfait, le plaisir au rendez-vous. Disiz aura été la cerise sur le gâteau de cette dernière journée de la dixième édition de l’Inc’Rock.