Comme un ouragan d’énergie positive et de bonne humeur, la bande à Mathias Malzieu n’a pas manqué son rendez-vous bruxellois, au coeur du Cirque Royal qui porte décidément bien son nom. Pendant un peu plus d’une heure trente rythmée entre les chansons connues et celles, plus introspectives, du dernier album, tel un vampire d’Amour, dans la Nuit Bota, Dionysos nous a sucé l’entièreté de notre morosité pour faire place à un grand bonheur.
Dionysos pour les Nuits Botanique, quel sacré cadeau. Et alors que la rumeur voulait que les places partaient mal, loin s’en fallait, la salle était comble, prête à sauter, à danser et à se parer des ardeurs poétiques d’un groupe qui a toujours transformé en or tout ce qu’il a touché. Mais avant toute chose, c’est au tempérament joueur de Françoiz Breut que le public a pu se frotter. Certains ont eu du mal à la suivre dans ses divagations lyriques et ses “insolites mélopées” (comme l’indique sa page Facebook) pourtant il faut reconnaître toute la force créative et envoûtante de la chanteuse de Cherbourg qui pour le coup n’a pas sorti les parapluies mais les grandes envolées, à sa manière et entourée de musiciens hors-pair. Un très chouette moment, inclassable.
Évadé de cette parenthèse, le temps est maintenant venu de goûter à l’ivresse et au sourire revenu. Car il est vrai que, peut-être encore un peu plus que sur les précédents albums, il y a une histoire derrière le dernier né de Dionysos. Pendant des mois, Mathias Malzieu, le charmant leader, a été cloué par une maladie orpheline. De quoi voir défiler sa vie et prendre du recul. Pour mieux replonge vers le public. Car oui, le chanteur va mieux et ça se fête. Dans une ambiance enveloppée par les sonorités d’un bon vieux western. Ça pue à plein nez le règlement de compte… avec les démons d’hier et les projets de demain. D’ailleurs, Mathias ne se ménage pas et alors qu’on l’attend sur scène aux-côtés des quatre autres membres du groupe qui ont déjà commencé à jouer. Mais où est-il? Derrière vous, par tous les dieux (et surtout celui du vin)! Car en effet, c’est par l’entrée principale, comme un simple spectateur de dernière minute que le vampire (au chapeau bien reconnaissable) le plus attachant de l’histoire de la musique fait son entrée. De manière tonitruante, poussant le son d’un gueulophone. L’homme est en très grande forme.
L’aller-retour entre l’impro et la maîtrise
Les premiers mots que dégaine “l’homme des hautes plaintes” sont de Verlaine, le temps est à la poésie et elle ne quittera pas d’une semelle le spectacle. Le fantôme de chair et de sang s’est remplumé et prend à partie la tête d’un malheureux (mais plutôt heureux finalement) spectateur du premier rang pour la faire tournoyer. Les fans et les femmes ne se sentent plus après une chanson seulement. “Mathias, on t’aime”. L’intéressé répond: “J’aime ce que vous êtes comme public. À l’image de cette femme faisant du 90B qui me crie qu’elle m’aime en secouant doucement les épaules.” Avant de se raviser devant la spectatrice qui continue: “En fait, c’est relou après 50 secondes, l’amour”. Hilarité générale avant de repartir… ou d’essayer de repartir en chanson. Car sur les premiers accords de guitare, le public demande une chanson bien spécifique. Du tac au tac, Mathias répond. “Ah non, pas du tout. Note qu’on peut le faire… après.” Le ton est résolument à l’humour et l’Hospital blues se profile.
S’ensuivent un moment tendre et rock’n’roll (une voix d’enfant qui crie “à poil Mathias”) et quelques avances à Babet, la pétillante multi-instrumentiste. Au fil du concert, le groupe construit une vraie relation avec le public. L’univers qui s’installe entre les chansons n’est qu’improvisation, le groupe maîtrise rien et tout à la fois. Et sur Song for jedi (un peu le Papa was a rolling stone du groupe, chacun ses références, et on perçoit bien celles du groupe, notamment sur une reprise démente du smells like teen spirit de Nirvana), Mathias s’essaie au solo dantesque de guitare avant de réaliser le plus “slow” slam de l’histoire du rock. La foule est là en nombre pour soutenir le chanteur dans son périple.
For always, Heroes
Peu à peu le concert touche à sa fin et en guise de faux-rappel, le groupe emprunte, avec la manière, une autre grande chanson d’un artiste qui nous manque tant. Heroes de Bowie, à l’état brut, dans un surplus d’énergie et cette envie de tout ébranler d’une violence positive, faite de chœurs à l’unisson et de corps qui dansent, enfiévrés, vivants plus que jamais sous la puissance d’un gourou formidable. Le calme revient et le groupe termine en version unplugged, acoustique. Le moment est intense. Les applaudissements redoublent, triplent de volume, personne ne veut laisser partir ces dieux du rock qui pressent le bonheur et sont encore bien loin d’en atteindre la lie. L’émotion est bien présente dans les yeux, les attitudes des cinq musiciens. Ça fait longtemps qu’on le sait, mais on ne peut que le réaffirmer: Dionysos a bien trouvé la mécanique des coeurs, celle qui les rend heureux! Un concert étincelant dont on se souviendra dans les coups de mou pour retrouver le peps et la folie de vivre plus intensément encore.