Le génie ne s’explique pas, il se vit.

L’émotion que suscite le décès de David Bowie en ce début d’année, démontre, si cela était encore utile, que l’artiste était entré dans l’histoire de chacun d’entre nous.

Cinquante ans de carrière, vingt-cinq albums, des rôles inoubliables au cinéma ont transformé Bowie en légende bien avant sa mort. Et la sortie de « Black Star », quelques jours avant son départ confirme l’incontournable présence que le britannique avait.

Bowie, grand collectionneur d’art, avait une vision très particulière sur le monde qui l’entourait. Peut-être que son emblématique regard lui permettait de déceler ce que l’œil nu ne voyait pas. Bowie n’a rien inventé, il a toujours fait émerger ce qui se tramait de meilleur dans la société qui l’entourait. Fin limier des tendances en devenir, il mettait la lumière sur ces détails, parfois enfouis underground, qui explosaient quelques temps plus tard.

David Bowie était un artiste, se souciant peu du succès commercial, il était auréolé d’une infinie confiance qu’il puisait dans son public fidèle. On n’aime pas Bowie, on le vit.

Une voix caméléon. Entendre David Bowie en interview, c’est aussi prendre conscience du travail qu’il effectuait sur l’interprétation jusque dans la moindre fibre de ses cordes vocales. La musicalité de Bowie passe par sa manière de poser sa voix sur des mélodies intemporelles de modernité. David Bowie avait ce phrasé particulier qui le rendait identifiable à la première syllabe.

Bowie était beau, très beau, d’une beauté dérangeante de ne pas être identifiable selon les codes admis de tous. Androgyne, modulable, n’appartenant jamais vraiment à un genre, Bowie a ouvert la voix à l’acceptation de la différence des corps et aux références de la masculinité. Un physique atypique, loin des clichés des beaux gosses qui vivait avec une des plus belles femmes du monde. Un homme au charisme irrésistible, icône absolue de désir.

David Bowie a tout fait, a tout essayé. Il a connu pas mal de dérives et de chemins de traverse qui le nourrissaient aussi. Mais chaque geste qu’il posait était esthétique. Il avait une classe indéfinissable qui en faisait une star au sens noble du terme. David Bowie représentait quelque chose, pour chaque personne il symbolisait tantôt l’audace, tantôt la modernité, tantôt tout ça à la fois. A l’image des Monroe ou Dean, il existait dans un inconscient collectif même auprès de ceux qui n’avaient jamais écouté un seul de ces disques.

Avec « Black Star », Bowie a livré un dernier bijou. Atypique dans la structure (7 morceaux relativement longs), cet album renvoie à l’essentiel, aux abysses musicaux, aux rythmes fondateurs. Un univers onirique, proche du visuel de Lynch ou de Munch où terreur et beauté se mêlent pour faire naître une couleur indéfinissable. Baigné d’une lumière crue, cette ultime proposition scelle définitivement l’histoire Bowie. A l’image de cet homme enveloppé d’une chemise trop grande et chiffonnée qui, presque titubant, entre dans une armoire dont il referme la porte sans bruit dans son dernier clip « Lazarus », Bowie tire sa révérence sans fracas, avec l’intimité et la discrétion qui sous-tendaient son rapport à l’autre. Bowie n’est plus mais il respire encore, en chacun de nous.

Photo: Fresque de l’artiste liégeois “Noir artiste”

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