C’est dans une célèbre boulangerie bruxelloise, autour d’une tasse de café, que nous avons rencontré Patrice, à l’occasion de la sortie de The Rising of The Son, son dernier album. Né d’un père sierra-léonais et d’une mère allemande, l’artiste a été bercé dès son plus jeune âge par des influences musicales métissées, de l’inévitable reggae de Bob Marley à la musique folk de Bob Dylan, en passant par le blues, la soul, la pop, ou encore le funk… Il en ressort un style musical bien à lui, véritable carrefour multiculturel. Le regard plein d’humilité, et arborant la “positive attitude” qu’on lui connaît si bien, l’artiste a répondu à nos questions, en toute simplicité.
Scènes Belges : Bonjour Patrice ! Tu termines une tournée peu commune, durant laquelle tu as donné des concerts au lever du soleil, dans de nombreuses grandes villes – telles que Paris, Berlin, New York ou, ce matin, Bruxelles. D’où est venue cette idée de faire une session acoustique aux aurores?
Patrice : J’ai eu cette idée tout d’abord parce que ça collait bien avec le titre de l’album, The Rising of The Son. Je me demandais ce que je pouvais faire dans ce concept-là, qui fonctionne avec l’esprit de l’album. Alors, je me suis dit : pourquoi pas faire des sessions acoustiques le matin, pourquoi toujours faire les concerts le soir? Et on m’a répondu que ça ne marcherait jamais, qu’il n’y aurait personne, que c’était trop tôt. Que peut-être que si on faisait ça à 10h, il y aurait plus de monde. Mais j’ai dit non, je veux vraiment faire ça super tôt, pour qu’on puisse voir le soleil se lever. Et finalement, ça a vraiment bien marché ! Les gens ont aimé cette idée parce que c’est original…
SB : Quel public espérais-tu toucher avec ce concept? Tes fans inconditionnels, prêts à se lever de bonne heure pour venir te voir, ou plutôt “Monsieur Tout Le Monde”, qui ne te connaît pas spécialement, et qui s’arrêterait sur le chemins du boulot le temps d’une chanson?
Patrice : Je n’ai pas vraiment pensé à tout ça… (rire) Je me suis juste dit : laissez-moi essayer ! Mais c’était plutôt pour mon public. Parce qu’on annonce ça sur Facebook, quelques jours à l’avance, on ne fait pas d’affiches… Et je n’aurais jamais imaginé qu’autant de monde serait au rendez-vous !
SB : Musicalement, chacun de tes six albums est très différent. Il y a beaucoup d’évolutions de l’un à l’autre. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau dans The Rising of The Son?
Patrice : Il y a plus de reggae. Parce que quand j’ai sorti mon premier album, tout le monde disait que c’était un album de reggae. Et en fait, je n’ai pas aimé cette étiquette. Alors, je me suis dit : non, je suis plus qu’un chanteur de reggae ! Et je voulais toujours le prouver, donc mes albums ont été une réaction à ça. Et puis, il y avait un grand “hype” de reggae, et je ne voulais pas faire partie d’un “hype”. Je voulais avoir mon truc à moi, qui existe en-dehors, pour lui-même.
SB : Tu as en effet toujours refusé par le passé d’être catégorisé dans un genre musical, mais paradoxalement, aujourd’hui tu as mis un nom de ton invention sur ton style : le “sweggae”. Alors, qu’est-ce que le “sweggae”?
Patrice : C’est une manière de dire que désormais, je peux le faire… Parce qu’aujourd’hui tout le monde sait que je ne suis pas un chanteur de reggae, je suis plus que ça. Et pourquoi pas faire une interprétation du reggae, qui amène de la dub, mais qui modernise cette base ; et pas dans un esprit jamaïcain, dans un autre esprit. Je me sens peut-être plus libre de faire ce que je veux.
Donc, le sweggae, c’est du reggae modernisé, mais dans un esprit classique. J’essaye de garder l’esprit, ça reste engagé, mais c’est plus fun, plus groove. C’est la “swag attitude”, d’un côté, et le reggae de l’autre : ça donne le “sweggae”.
Mais au début, c’était une blague en fait ! J’ai dit : «ouais, je fais du sweggae», parce que j’en avais marre de m’expliquer tout le temps. C’est trop difficile de devoir mettre tout le temps des mots sur ce que je fais, alors j’ai créé ce nom. Mais maintenant, on me demande tout le temps ce que c’est et je dois l’expliquer… (éclat de rire)
SB : Tu as réalisé un cours-métrage en Sierra Leone, à l’occasion de la sortie de ton album. Qu’est-ce qui t’a poussé à troquer ta casquette de chanteur contre celle de cinéaste? Doit-on y voir un hommage à ton père, qui fut le premier réalisateur Sierra Léonais?
Patrice : Oui, peut-être… En fait, je me suis levé un jour, et je me suis dit : pourquoi pas faire un film? (rire) Et j’avais cette histoire de renaissance, celle de l’album, The Rising of The Son, qui est aussi le titre du film. C’est l’histoire de quelqu’un qui fuit ses peurs, et d’un gang de jeunes qui représente ces peurs personnifiées. Et en fuyant, il devient plus fort, mais il finit par mourir et il y a une renaissance. Alors, avec la naïveté de l’enfance, il va vers le gang, vers ses peurs, au lieu de les fuir. Car les enfants sont innocents, ils n’ont pas peur. Et grâce à ça, il grandit. Il devient à nouveau lui-même, et puis il grandit intérieurement. C’est un peu ça l’histoire de The Rising of The Son ; c’est l’innocence adulte, la renaissance du vieux.
SB : Sur ton album, tu as enregistré un morceau, «Faces», avec Selah Sue – une artiste dont on est très fier en Belgique…
Patrice : Moi aussi, je suis très fier d’elle !
SB : …et comme tu seras à l’Ancienne Belgique le 16 novembre, dans le cadre de ta tournée, j’aimerais te demander : peut-on s’attendre à une petite surprise?
Patrice : Elle était déjà sur scène avec moi lors de mon concert à Couleur Café. Et là, elle est super “busy”, donc ça dépend… Mais oui, si elle est dans la région, je suis sûr qu’elle va passer ! (Ndlr : Mademoiselle Sue, si vous nous entendez…) Mais je suis aussi vraiment très fier d’elle et de l’album qu’on a fait.
Merci beaucoup, Patrice. Scènes Belges te souhaite une excellente continuation !
Nous étions à la Sonrise acoustic session de Bruxelles. Notre reportage en cliquant ici !