Le mois de septembre rime comme chaque année avec la rentrée. Les salles de concerts n’échappent pas à la règle puisque les agendas de celles-ci sont plutôt du genre chargés à cette période de l’année. Nous prenons donc la direction du BOTANIQUE ce jeudi soir pour le concert d’ODEZENNE. Encore ! Il est vrai que nous les avions récemment vus en concert à Lasemo début juillet. Le concert de ce soir et du lendemain, qui sont tous les deux complets, sont en effet particuliers : Odezenne a décidé de redonner au vie au concept des concerts “Unplugged” qui ont marqués les années nonantes grâce à MTV notamment. Vous l’aurez compris, le groupe bordelais qui se distingue depuis quinze ans par son mélange de hip-hop, de chanson française et d’électro vient revisiter à Bruxelles pour deux soirs une partie de sa discographie en version intime, débranchée et épurée.
La première partie du jour, et de toute cette tournée d’Odezenne d’ailleurs, est assurée par JEAN, vainqueur d’un concours organisé par le groupe et dont on retrouvait notamment Rebeka Warrior et Zaho de Sagazan dans le jury. Dans un registre entre rap et chanson, Jean et son comparse placé en fond de scène délivre des titres en français. Ceux-ci retiennent l’attention des spectateurs par leur côté brut et nuancé à la fois, explorant les éternels thèmes du doute et de l’amour. L’attention est totale pour le dernier titre joué avec délicatesse en guitare-voix. Jean n’a pas volé sa victoire.
C’est dans un décor floral, pastel et coloré, au milieu duquel on retrouve des guitares, une batterie et des synthés, que les membres d’ODEZENNE font leur apparition. En fond de scène, on retrouve une toile volontairement et partiellement décrochée où se dessine un ciel bleu parsemé de nuages, rappelant la pochette du dernier album du groupe. Tout ce petit monde s’installe tranquillement sur cette scène parsemée de moulures de plafond brisées et sous les cris des spectateurs.
Le groupe, accompagné d’un batteur et d’un claviériste donc, entame le set avec “Nucélaire”. La première chose qui nous frappe c’est la douceur et la délicatesse du son de chaque instrument. Les mots des textes sont égrenés, un à un, rappelant à quel point chacun d’eux est important et donne du relief à l’ensemble. Ce premier titre s’achève avec des sonorités et un chant incantatoire qui nous rappellent certaines ballades nocturnes de Radiohead et la voix de Thom Yorke. Cette agréable sensation aux airs de berceuses rock alternatives va se répéter plusieurs fois au long de la soirée, notamment sur “Regarde si c’est loin” ou “Hardcore”. La notion d’ unplugged est donc ici finalement assez relative puisqu’on retrouve quand même des sonorités de guitares électriques ainsi que synthétiseurs qui délivrent eux aussi des sons qui n’ont rien de débranchés ou de mécaniques. Mais tout cela se fait en douceur, les arrangements plus électros et bruts des titres du groupe ayant été mis de coté le temps de la soirée.
Cela ne veut pas pour autant dire que le concert prend des airs de berceuses :un des deux chanteurs du groupe, Jacques, bien que posé sur une chaise, gesticule dans tous les sens au rythme des paroles qu’Alix ou lui-même déclament. Le concert se transforme aussi en de grands moments d’euphorie comme sur “Géranium” et ses airs de fanfare, sur la version ensoleillée et rythmée par une guitare sèche de “Bouche à lèvres” ou sur les classiques “Bleu fuschia” et “Souffle le vent” qui transforment le Botanique en chorale survoltée. D’ailleurs ça y est, Jacques est debout et s’en va chercher le public avec ses improbables pas de danses et ses postures de gravure conquérante.
Le concert prend aussi une dimension à cœur ouvert et de mise à nu absolue dans des moments aussi fragiles qu’intenses, presque bouleversants. Odezenne livre ainsi une version à fleur de peau de “Bitch” : le chant d’Alix est tempêtueux et posé à la fois sur fond d’une guitare électrique, grésillante et lumineuse à la fois. Mais cela n’est rien au regard de ce qui suit avec “Caprice” où le groupe pénètre la sphère la plus intime et peut-être la plus douloureuse de l’âme avec ce texte qui vacille entre espoir et combat finalement perdu face à la maladie d’un proche. L’assistance se fait silencieuse, comme un recueillement alors que la voix d’Alix est visiblement empreinte d’émotion. La beauté du mal reste malgré tout quelque chose de précieux et rare. La voix d’Alix se transforme alors en murmure prononcé à l’attention de sa sœur. Le silence est total, nous retenons notre souffle pour ne pas gâcher cet instant qui est suivi d’une énorme ovation.
C’est donc une soirée de haute-voltige qu’ont proposé les gars Odezenne, mettant avantageusement en lumière la richesse de leur répertoire et la finesse brute de leurs textes. Les réarrangements proposés sont variés et riches, offrant une nouvelle lecture de chaque titre. Le public d’Odezenne est ressorti ravi de la salle et ce n’est pas par hasard que toutes les dates de cette tournée acoustique affichent complets depuis longtemps.