Constituant un véritable bijou sonore et mélodique depuis plus de 20 ans, tout en prenant le temps de laisser le temps à chaque nouvel album d’éclore, le duo français de synthwave de SCRATCH MASSIVE était de passage à La Rotonde du Botanique. Maud Geffray et Sébastien Chenut, tous les deux à la barre d’un élégant vaisseau sonore synthétique, s’appliquent à tracer un lumineux chemin dans l’univers nocturne d’une mégalopole qui ne demande qu’à concrétiser le monde des songes. Le tout se déroulant dans une Amambiance cinématographique. Et cela n’a rien d’étonnant, Scratch Massive sévissant aussi dans le domaine de la composition de musiques de films. « Nox Anima », le cinquième album du duo, sorti en début d’année, a été très favorablement accueilli, avec notamment quelques collaborations notables. Nous y reviendrons. En attendant, nous vous proposons de vous laisser porter comme nous l’avons été ce mercredi soir.

En première partie, on retrouve toutbd’abord le duo féminin d’Azizam qui chante en anglais et en farsi, sur fond d’une musique aux influences brumeuses, entre électro, guitare rock psychédélique nerveuse et musiques orientales. On y entrevoit même quelques sons qui nous rappellent certains passages plus atmosphériques du dernier album en date de Tool. On pense aussi par moments à certains titres de Thylacine avec ce mélange de machines et de sonorités traditionnelles. Les longues montées en tension vocale débouchent régulièrement sur des passages instrus où la guitariste se charge alors d’envoyer des riffs bien inspirés qui suscitent l’enthousiasme dans le public. Sur scène, les deux jeunes femmes se font le plus souvent face de manière directe, créant une énergie de dualité tout à propos. Durant une petite quarantaine de minutes Azizam captive l’attention de La Rotonde, faisant l’unanimité auprès d’une assistance de curieux qui salue la fin du set d’une longue et généreuse ovation. On regrettera juste la trop grande présence à notre goût de bandes pré-enregistrées durant le set. Mais nous savons aussi que tout travail mérite salaire et qu’il n’est pas toujours aisé de pouvoir débloquer des moyens financiers importants lorsque l’on débute une aventure artistique, notamment pour rémunérer des musiciens additionnels.

La luminosité décline ensuite progressivement dans la salle alors qu’un bruit de tonnerre et de pluie forcément nocturne résonne de manière de plus en plus fortement dans les enceintes. Maud Geffray et Sébastien Chenut font alors leur apparation dans une atmosphère bleutée et tamisée, enfumée. Ils prennent place derrière leurs synthés et machines et font naitre la mélodie de « Last Dance », titre majeur de leur discographie. L’atmosphère est immersive, avec un son aussi massif et puissant que clair et lisse à la fois. Les beats sont quant à eux percutants et propres, profonds et incisifs. Ce premier titre peut alors déployer toute sa puissance mélodique et mélancolique dans des conditions parfaites. Le tout étant bercé/envoûté (au choix) par la voix de Maud qui se perd en écho dans la Rotonde. Il en sera de la sorte toute au long du set.

Devant nous, il y a un type avec un t-shirt à l’effigie de Nine Inch Nails. Rapidement on fait le constat qu’il est complètement dans le thème de la soirée avec des sons qui se font par moment plus acérés mais sans la moindre brutalité, privilegiant les mélodies et les effets hypnotiques du son et de la lumière, notamment sur « Waiting for a sign » et « Dancer in the dark ». Ill n’empêche que le traitement du son est carré et sans fioriture superflue. Un vrai job de chirurgien des fréquences, des machines et aussi des mélodies. Souvent associé par défaut (ou par manque d’inspiration descriptive) à la mouvance cold wave, Scratch Massive n’a rien de froid, tout y transpire la chaleur des corps et l’humanité dans leur musique, avec délicatesse et esthétique. De chaque morceau se dégage de nouvelles couleurs et énergies. Scratch Massive ne cherche pas à faite émerger l’énergie du dancefloor, Scratch Massive utilise les rythmes comme pour dicter la vitesse du temps qui passe, le ralentissant et l’accélérant selon l’émotion recherchée. Idem pour le lightshow où nappes colorées en contre-jour et flashs plus stroboscopiques se partagent l’espace. Pas question pour le duo d’être mis de manière dominante dans la lumière, préférant le rôle d’éléments constitutifs d’un ensemble plus grand, toujours plus imaginaire. Et pourtant cela n’empêche pas leur musique d’être entêtante et dansante à souhait dans ce concert aux airs de set électronique où chaque titre succède au précédent avec des transitions progressives.

Ce n’est qu’au bout d’une demi-heure que le duo propose une plongée dans son nouvel album, notamment avec des versions musclées du single « Inner Symphony » et du titre « Signal ». Et puis il y a aussi la parenthèse aérienne et suspendue du titre « I see you up tomorrow » où les sons de synthèses se font plus discrets pour laisser un lent piano et la voix de Maud Geffray éclairer l’obscurité. Ayant fait appel à l’IA pour les clips de ces deux titres, Scratch Massive s’est défendu d’avoir fait un choix poivant etre considéré comme étant celui de la facilité, expliquant que l’IA permettait de pouvoir générer un contenu visuel qu’il n’aurait pas été possible de générer de manière plus traditionnelle et réelle avec les moyens financiers dont le duo dispose. Il en découle des résultats visuellement très bien foutus, mais cela ne nous étonne pas tant ces deux hyperactifs de la création musicale sont toujours le cul entre deux chaises entre le monde de la musique et celui du cinéma. Scratch Massive embarque le public quelque part à la frontière de la science-fiction et d’un imaginaire urbain fantastique où les époques rétro et futuristes se mélangent pour en faire émerger la lumière. Rien d’étonnant à cela quand on sait que Sébastien Chenut vit à Los Angeles depuis de nombreuses années alors que Maud Geffray se nourrit d’une culture électronique française et européenne. Et que l’IA viennent saupoudrer l’ensemble s’inscrit en définitive dans une certaine logique.

Au bout d’une heure, Scratch Massive salue et remercie un public qui réclame un rappel qui ne viendra malheureusement jamais, le duo semblant presque gêné de ne pas pouvoir réenclencher la machine pour quelques minutes supplémentaires face à l’enthousiasme des spectateurs. Et ce sera là le seul bémol de la soirée : pourquoi ne pas jouer plus longtemps alors que la discographie de Scratch Massive regorge de titres aussi singuliers que qualitatifs ? Même si l’ensemble des titres joués ce soir étaient issus des 3 derniers albums, il y avait suffisamment de matière à exploiter. Le virée nocturne aura donc été plus courte qu’espérée par une grande partie du public mais elle aura malgré tout démontrer toute la maîtrise de Scratch Massive à créer un univers sonore et visuel électronique et intemporel, structuré par la rêverie et les émotions. A moins que ça soit le phénomène inverse qui se produise à chaque nouveau concert ? Dans tous les cas, la sensation qui en découle est parfaite et suffira à nous faire oublier cette durée de concert également trop courte à notre goût.

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