En ce mardi soir de juillet, nous avons pris la direction de la ville porturaire flamande et son féérique théâtre de plein air de l’OLT Rivierenhof où le reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly était de passage. Comme chaque été, les programmateurs de ce qui s’apparente à un long festival qui s’étend du mois de juin jusqu’au mois de septembre ont concocté une jolie brochette de soirées et de concerts de qualité, entre découvertes et artistes confirmés, qu’ils soient de notorités locales ou internationales. Pas de chichis non plus sur la direction artistique, ça va là aussi dans tous les sens pour former un ensemble varié où se cotoient, parmi des artistes issus de la Communauté flamande, aussi bien Ben Harper que The Kills, The Libertines, Wardruna, Gabriel Rios, Kiasmos ou encore Dermot Kennedy et Public Enemy, soit une cinquantaine de concerts au total. Ce lieu reste l’un des secrets les mieux gardé du pays pour les amateurs de musique et de concerts. Preuve de l’ouverture artistique de la chose, c’est une concert emmené par un artiste qui chante en français qui est proposé ce soir, le tout sous une météo plutôt clémente.

En première partie, c’est un autre adepte du reggae, King Sillah & Heartwash, né en Gambie mais installé depuis longtemps en Belgique, qui vient doucement réchauffer l’atmosphère. Avec son groupe, il délivre des titres dansants et tranquilles, mélanges de reggae, de sons africains et de quelques effluves de soul. Accompagné de ses cinq musiciens et de sa choriste, le garçon, vêtu de sa tunique colorée, y va gaiement avec ses pas de danse et ses vocalises chaudes et puissantes, enjouées aussi. C’est bien un véritable band qui ondule et chaloupe sur scène, le guitariste ayant droit aussi à de réguliers solos qui font monter l’ambiance. Le groupe offre une prestation aux parfums de carte postale de la belle et enjouée Afrique de l’Ouest. D’ailleurs, pour compléter l’ensemble, le ciel gris a fait place à de belles éclaircies à l’heure de la golden hour.

La luminosité décline doucement mais sûrement lorsque Tiken Jah Fakoly monte sur scène peu après 21h. Il est en accompagné de musiciens traditionnels issus d’Afrique de l’Ouest, histoire de célébrer avec authenticité et conviction une carrière de plus d’un quart de siècle. Le public, très hétéroclite, ne s’y est pas trompé et s’est déplacé massivement ce soir. N’ayons pas peur d’être dans le cliché en rappelant que les amateurs de reggae constituent une tribu super cool et relax qui a le pas de danse libre et aisé, offrant une vue d’ensemble joyeuse et colorée, voir carrément bouillante par moment. Rien que cette atmosphère comble notre plaisir d’être présent ce soir.

C’est dans un décor sobre et boisé que Tiken Jah Fakoly déroule son set, lui aussi vêtu d’une tunique traditionnelle. Il est accompagné de 6 musiciens et de 2 choristes. Derrière pas mal d’instruments traditionnels (percussions principalement), on retrouve aussi un piano, une batterie, une guitare et une basse. C’est avec « Africain à Paris », adaptation du titre « Englishman in New-York » de Sting, que Tiken Jah Fakoly entame le concert. Le public est ravi et donne de la voix pour reprendre les paroles de ce premier titre. Plus qu’un concert, la soirée prend des airs de communion entre l’artiste et son public, comme sur « Plus rien ne m’étonne » quasi-incantatoire, entre cris du public et moments de silence et de tension, tandis que le chanteur égrène ses paroles.

Derrière cette soirée aux airs de célébration, il y a toujours un message et un engagement où Tiken Jah Fakoly décrit une Afrique riche de ressources mais où paradoxalement les habitants vivent dans la pauvreté. Il répète l’importance que les peuples d’Afrique s’unissent pour se prendre en main, dénonçant notamment l’emprise de l’occident et l’héritage colonial qui y est toujours très influent. Il va même plus loin, en s’adressant directement aux différentes diasporas africaines basées en Belgique et ailleurs, défendant l’idée que le futur de l’Afrique passera par un retour de ces communautés sur le continent. Tiken Jah Fakoly chante ces espoirs et ces dénonciations dans des titres comme « Ca va faire mal », « Le prix du paradis » ou « Love Africa.  

Bien que chantant principalement en français, certains titres ou passages sont interprétés dans le dialecte du chanteur et c’est en anglais qu’il s’exprime majoritairement entre chaque titre, rappelant la notoriété internationale du garçon, allant bien au delà de la francophonie.

La soirée avance et le rythme s’accélère progressivement, quittant petit à petit la sphère d’un reggae posé (au sens où Bob Marley l’a popularisé) pour devenir plus dansant. Avec ses musiciens et ses choristes, Tiken Jah Fakoly plonge petit à petit les spectateurs dans une ambiance fièvreuse : celle de cette Afrique noire aux paysages luxuriants et dont l’énergie et l’enthousiasme de ses peuples semblent inépuisables, prêts à s’embarquer pour des nuits de fêtes à l’heure où la chaleur offre un bref répit. Les sonorités et mélodies se font plus enjouées et colorées, les tambours occupent le devant de la scène pour imprimer le rythme et faire basculer dans l’euphorie et la danse les Européens que nous sommes, y compris les plus introvertis d’entre nous. Les choristes offrent aussi de fougueux pas de danse traditionnels qui font hurler le public alors que Tiken Jah Fakoly harpente la scène en sautillant et multipliant lui aussi les pas de danse.

C’est dans cette ambiance de grand chaudron en ébullition que la soirée s’achève dans une dernière battle entre le percusionniste, accompagné de son tambour traditionnel, et le public qui réagit au quart de tour. Durant une grosse heure et demi, Tiken Jah Fakoly nous a offert un voyage au coeur de l’Afrique pour nous en faire découvrir ses trésors et son increvable euphorie communicative.

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