Ce n’est pas une mais deux soirées, étant chacune complète depuis longtemps, que l’auteur-compositeur-interprète australien RY X a proposé à l’Ancienne Belgique ce dimanche et lundi. Derrière cet énigmatique pseudonyme, qui pourrait s’apparenter à un loufoque prénom qu’Elon Musk donnerait à l’un de ses nombreux enfants, se cache Ry Cuming, âgé de 36 ans. Depuis une grosse dizaine d’années, il propose une musique indie-folk élégante, sublimée par des arrangements électroniques délicats et sa voix aussi claire que pure. Il pourrait être facile, mais trompeur, de le comparer à son compatriote Xavier Rudd. Leurs registres d’influences et de sonorités sont en effet très différents. Là où Xavier Rudd propose une sorte de carte postale roots de l’Australie, Ry X se détache complètement de ce registre, n’hésitant pas à faire appel à l’électronique et à des instruments classiques. Il est parfois aussi comparé à Bon Iver ou James Blake, dans leur approche musicale épurée.
Laissant chaque album arriver à maturité avant de le lâcher dans la nature, RY X se présente ce dimanche sans nouvel album à défendre, le dernier opus datant de 2022. Cela ne l’a cependant pas empêché de sortir quelques titres isolés l’année dernière. Mais avant cela, c’est le Barcelonais ALEX SERRA et son acolyte TOTIDUB qui montent sur la scène de l’AB. Le premier nommé se concentre sur sa guitare et le chant tandis que le second se charge d’en enregistrer des séquences et d’y appliquer différents arrangements éléctroniques et filtres sonores. Tout ça prend une forme originale où se mêlent influences reggae, dub et hispaniques. Le public, d’abord curieux mais attentif, se laisse prendre au jeu de ces deux là. Nous n’échappons pas à la règle et la demi-heure qui leur est accordée file sans que nous nous en rendions compte.
Il est ensuite 21h lorsque les lumières s’éteignent à nouveau dans l’Ancienne Belgique. Une légère lumière jaunâtre émerge alors du fond de la scène pour laisser deviner la présence d’une violoniste qui, avec son instrument, entame le set sur le titre « Sweat ». Celle-ci est ensuite rejointe par un batteur et un claviériste-guitariste. RY X prend finalement place sur scène au centre, armé de sa guitare acoustique (qu’il échangera régulièrement durant le set avec sa version électrique) et de son énigmatique chapeau qui ne le quitte jamais. De sa guitare, il égrène délicatemment les notes avant d’y poser sa voix aérienne. Tout ça se déroule dans un contre-jour lumineux de faible intensité aux airs de crépuscule, en plein bush australien. L’AB retient son souffle tout au long de ce titre où chaque note et chaque son prennent une dimension indispensable et indissociable les uns des autres. Lorsque ce premier titre s’achève, le public exulte avec enthousiasme. Il va en être ainsi tout au long du set. Une fois encore, l’acoustique de l’Ancienne Belgique fait des merveilles et permet de distinguer sans effort chaque nuance et couche sonore.
Durant une petite heure trente, c’est dans cette ambiance intimiste mais hautement immersive que RY X va enchainer les titres. Bien que se déroulant avec une scénographie relativement figée, le concert proposé ce soir offre quelques jolis tableaux visuels avec notamment un savant jeu d’ombres et de lumières où les silhouettes des musiciens se dessinent en fond de scène. Nous apprécions particulièrement cette ambiance nocturne, presque secrète. Et lorsque le rythme se fait un peu plus soutenu, avec quelques sonorités deep-house, ce sont des lumières chaudes et tournoyantes qui viennent illuminer la scène et la salle. Il y a quelques semaines, le duo Kiasmos, venu des hautes lattitudes de l’émisphère nord, offrait un élégant concert électronique au Cirque Royal. RY X possède également ce petit truc raffiné dont le dosage est millimétré et qui permet d’allier mélodie, efficacité et minimalisme avec beaucoup de délicatesse. Le tout en provenant de l’autre émisphère.
L’intimiste titre « Berlin » et ses 250 millions de streams fait le bonheur des spectateurs, et ce dès ses deux premières notes. RY X prend également le temps d’interpréter quelques nouveaux titres et, lorsqu’en fin de set, il propose quelques titres plus tournés vers le dancefloor, il s’agit là encore de quelque chose de très doux, au parfum d’une chaude nuit d’été, à l’heure où le soleil se couche ou se lève (au choix). Des lentes basses profondes viennent ainsi bercer un beat mesuré et claire qui résonne en sourdine alors que des couches de synthés viennent faire monter une pression détachée de toute notion de stress. L’affaire devient carrément magique lorsque le violon s’en mêle pour agrémenter l’ensemble de ce petit quelque chose d’organique. RY X a d’ailleurs déjà plusieurs fois proposé des concerts en collaboration avec des orchestres classiques, notamment dans cette même Ancienne Belgique. En rappel, RY X propose un premier titre en duo avec Alex Serra avant d’achever la soirée en solo avec sa guitare sur le titre « Only ». L’AB se recueille une dernière fois avant d’exploser. Par ses concerts, RY X fait la démonstration qu’il est encore possible, sans artifice excessif, de proposer une expérience live élégante aux contours presque mystique, comme une paranthèse suspendue dans le tumulte du monde.
SETLIST – Ancienne Belgique – 16 mars 2025
Sweat – Salt – Tell Me – All I Have – You – Bound – Oceans – Berlin – Shortline – The Water – Lençóis (Love Me) – Howling – Love Like This (en duo avec Alex Serra) – Only