Avant toute chose et parce que le calendrier nous le permet encore : BONNE ANNEE ! Après la traditionnelle trève de fin d’année et une première quinzaine de janvier toujours très calme dans les salles de concerts, il est temps de reprendre du service. Nous avons donc pris la direction du Botanique et de son orangerie ce jeudi soir pour une soirée emmenée par le duo darkwave anglo-suisse de LEBANON HANOVER, promesse d’un voyage nocturne forcément tourmenté. Ce nom ne vous dit rien ? Il n’est jamais trop tard pour vous faire pardonner et rejoindre les fidèles et assidus fans du genre et du groupe.
La première partie est assurée par le trio lyonnais de EAT GIRLS qui vient présenter son premier album récemment sorti. Chacun de leurs morceaux se construit petit à petit jusqu’à devenir une masse sonore absorbante et hypnotique à base de boîtes à rythmes, de lignes de basses et de guitares sombres mais aussi de sonorités torturées et d’un chant féminin faussement enjoué car en provenance des frontières de l’ombre. Tout ça prend des airs d’Alice Aux Pays Des Merveilles dans une version dark et encore plus chelou que sa version originale. Après une première partie de set relativement calme et presque mélodique, Eat Girls durcit ensuite le ton et renforce le penchant électronique de ses compositions, pour le plus grand plaisir et enthousiasme des spectateurs.
Nous l’avons déjà écrit tant de fois mais il est toujours intéressant de constater que dès que le Botanique propose une soirée à la programmation tournée vers les musiques synthétiques des ombres (dark, cold, new wave et post punk entre autres), le public qui arpente la salle et les serres se fait beaucoup plus international et néerlandophone qu’à l’accoutumée. La venue de LEBANON HANOVER n’échappe pas à la règle. Exit l’habituelle faune bruxelloise, place à la communauté des ombres. Le concert de ce jeudi soir affiche par ailleurs complet depuis bien longtemps. En activité depuis près de 15 ans et sans réelle actualité discographie récente (le dernier album étant sorti en 2020), si ce n’est quelques singles isolés, Lebanon Hanover n’a jamais réellement arrêté de se produire en live des deux côtés de l’Atlantique.
Sur scène, on retrouve deux pieds de micro et une console électronique au centre de celle-ci. Dans la pénombre on aperçoit quelques guitares et basses, rien de plus. Larissa Iceglass et William Maybellin font dans le minimalisme. Profitons-en pour d’ailleurs tout de suite aborder ce qui constitue notre seule petite déception de la soirée : cette console centrale joue à la fois le rôle de boite à rythme (rien d’anormal puisque cela fait partie des gènes de ce genre musical) mais aussi de bandes sonores préenregistrées pour tout ce qui n’est pas des guitares, des basses et des voix. Nous le regrettons car cela fait perdre au set un peu de sa saveur live et humaine, le duo semblant parfois enchainer les titres en appuyant sur play, comme si il s’agissait d’appliquer une procédure stricte et rigide. Cette situation est regrettable car l’univers sonore proposé par Lebanon Hanover possède une potentiel immersif très intéressant, tout cherchant à conserver une certaine sobriété minimaliste. On comprend que le duo souhaite transposer cette idée de binôme à la scène mais un musicien additionnel qui évoluerait en retrait rendrait l’ensemble plus authentique, sans dénaturer l’identité du projet.
Lebanon Hanover propose donc aux spectateurs du Botanique une plongée en eaux troubles et troublées, aux relents d’ambiance de guerre froide et d’âmes confrontée à un laborieux désespoir existentiel et romantique. Les voix sont fantomatiques et plaintives, légèrement dissonantes. Malgré tout, aussi bien Larissa que William génèrent quelque chose de profondément romantique et mélodique lorsqu’ils chantent. La voix de Larissa est douce, lancinante et mélancolique alors que celle de William est par contre beaucoup plus vive et nerveuse, presque frénétique et habitée de rage. Ce dernier agrémente d’ailleurs de temps à autre sa prestation vocale de pas de danse dans la plus grande tradition new/dark wave, à s’en déboiter les membres et la nuque, enflammant alors l’Orangerie du Botanique. Tout ça avec l’allure d’un Quentin Tarantino pas loin du pétage de plomb. Cette énergie débridée est contrebalancée par la présence scénique plus posée et énigmatique que dégage Larissa. L’ensemble n’en reste pas moins très élégant.
Alors que le duo s’échangeait régulièrement basses et guitares depuis le début du concert, offrant un bel échantillon sonore en provenance de l’âge d’or des différentes waves des années 80 (on pense notamment à cette sonorité de basse rendue populaire par le titre « A forest » The Cure), à base de notes répétées jusqu’à en devenir hypnotique, l’ambiance se fait ensuite plus digitale. Avec l’un ou l’autre titre où les cordes sont délaissées, la console et la boite à rythme imposent alors le tempo et les couches sonores synthétiques aux sonorités métalliques, le duo prenant pour l’occasion la main et le contrôle des machines. Le dancefloor du botanique se met alors directement à s’agiter. Dans un autre registre mais constituant une curiosité, on retient l’utilisation d’une guitare acoustique sur laquelle une série d’effets sonores sont appliqués pour que celle-ci sonne en définitive comme un synthé avec un son à la couleur originale.
La fin du concert pointe doucement avec le rappel qui voit débouler un premier titre qui nous fait penser à certains brulots d’un autre duo, Belge celui-là, qui excelle dans les musiques des ombres : Ultra Sunn. Et c’est typiquement à ce moment là que nous maudissons ces bandes sonores qui contraignent le déroulement du concert alors qu’on aurait aimé que le duo puisse prolonger le plaisir et l’efficacité du titre. Pour clôturer le set, Lebanon Hanover embarque le Botanique dans un étrange voyage légèrement expérimental avec le titre « Come Kali Come » : véritable plongée exploratoire et torturée, sans retour possible où les riffs de la guitare acérée de Larissa répondent aux chuchotements et aux cris de rage de William. La tension est permanente et maintient le public en apnée jusqu’à ce que le son s’estompe définitivement. Atypique mais indispensable. Lebanon Hanover vient d’achever une prestation aussi sombre et synthétique qu’élégante et touchante, aux airs d’heureuse célébration pour ses fervents fidèles capables de reconnaitre n’importe quel morceau du groupe et de s’enthousiasmer en deux kicks de boite à rythmes.
SETLIST – Lebanon Hanover – Botanique – 23/01/2025
Die World II – Die World – Saddest Smile – Kyiv – Better Than Going Under – Kiss Me Until My Lips Fall Off – Albatross – No One Holds Hands – I Have a Crack – Gallowdance – Du Scrollst – Totally Tot – The Last Thing – Babes of the 80s – Come Kali Come