Le petit malin qui a réussi à programmer dans une même soirée un groupe qui s’appelle SPRINTS avec un autre qui répond au nom de MARATHON vient d’obtenir tout notre respect, surtout en cette fin d’année olympique. Mais avec ces deux groupes, il n’est pas question de faire danser la Garde Républicaine sur du Aya Nakamura ou de se lancer dans la féline démarche d’Angèle qui éclipserait à peu près tout le reste. Par contre, c’est à une soirée à l’énergie garage et punk-rock débridée et indomptée que nous avons assistée dans l’Orangerie du Botanique ce jeudi soir.

Ce sont donc tout d’abord les Néerlandais de MARATHON qui entament un set aux allures de… sprint. On vous l’accorde elle était (trop) facile. Avec une réputation live déjà bien construite chez nos voisins du Nord, les cinq membres du groupe ont la solide ambition d’étendre leur force de frappe au delà de leurs frontières natales. Entre la brutalité et la rage post-punk et un shoegaze plus rêveur (bien que ce second aspect soit plus discret), Marathon mélange ces énergies pour en faire un bon gros brûlot chaud bouillant emmené par trois guitares, forcément en mode surrégime. Une basse vrombissante et abrasive dont on a coupé le système de freinage déboule quant à elle sans ménagement pour tout défoncer sur son passage. Inutile de préciser que la batterie rythme l’ensemble en essayant d’en dompter l’énergie. Le chant n’est qu’anectodite tant la musique, les riffs saturés et la cadence imposée se suffisent à eux-memes. Seuls quelques passages plus melodiques permettent d’en reprendre le contrôle. C’est brut et énergique et le quintet envoie les salves sans en demander l’accord préalable. On apprécie.

SPRINTS contribue généreusement à alimenter la vague de groupes, tous plus nerveux et rugueux les uns que les autres, en provenance des pluvieuses contrées irlandaises. Avec des groupes comme Fontaines DC et Gurriers, ils semblent tous bien décidés à mettre une grosse raclée sonore à leur voisin british. Ce dernier n’est pas en reste non plus cependant, proposant lui aussi une jolie poignée des groupes aux gênes survitaminées et abreuvées de décharges électriques. Plus près de chez nous, on rappelle aussi que les Flamands d’Equal Idiots nous ont sorti cette année un troisième album en forme de jolie bombe sonore garage-rock. Bref, en 2024 le rock se fait plus frontal et sans concession, se détachant allègrement des contraintes qu’imposeraient les formats et standards actuels. Le cadre étant posé, l’entrée marathonienne digérée, il est l’heure de passer au copieux plat principal.

Et c’est avec un joli contre-pied que Sprints entame le concert puisque c’est avec douceur et délicatesse que Karla Chubb (chant-guitare) et ses trois acolytes interprètent « To The Bone », sur un fond de guitare acoustique. La voix de Karla est chaude et sombre, habitée, rappelant par moment certaines prestations mystiques de la grande prêtresse Patti Smith. Elle est ensuite rapidement rejointe par des nappes de guitares électriques lancinantes aux airs de signal d’alarme. La montée en pression est progressive mais inéluctable alors que la batterie rentre à son tour dans le jeu. Ce premier titre démontre que le groupe qui est face à nous n’est pas juste là pour balancer un rock puissant, survolté et hors de contrôle. C’est même l’impression contraire qui se dégage de la scène tant l’ensemble est maîtrisé, construit et percutant là et quand il faut.

Le seul souci dans tout ça c’est que le son ne va pas assez fort selon nous. Non ce n’est pas notre ouïe qui se dégrade, un récent contrôle chez un ORL ayant confirmé que tout va bien à ce niveau. Résultat des comptes : certains morceaux aux refrains explosifs et potentiellement dantesques ont un peu moins d’impact en live que nous l’espérions. Pas de quoi gâcher la fête non plus pour le groupe qui arrive doucement à la fin d’une tournée… marathon (oui elle était facile aussi celle-là) de plus de 100 dates, rien que pour l’année 2024.

Les quelques titres aux airs de ballades, sans jamais non plus trop calmer l’affaire, démontrent toute la capacité qu’ à Sprints à composer des mélodies qui peuvent trouver un écho dans les oreilles d’un public plus large que celles des fous-furieux près à faire décoller le pogo à tout moment. Les premiers rangs s’agitent d’ailleurs assez joyeusement avant que le groupe ne les incite à se lancer dans un intense circle-pit, marquant le retour de la grosse machinerie sonore plus noisy et nerveuse. Cette capacité à trouver le point d’équilibre entre mélodie et énergie brute s’incarne aussi dans les différentes textures vocales de Karla Chubb, passant aussi bien d’interprétations sensuelles à des éructations rocailleuses qui nous rappellent Courtney Love ou Brody Dalle de The Distillers. Musicalement, on se fait projeter dans tous les sens entre garage, post-punk et rock plus traditionnel, avec un son légèrement et agréablement crado et rugeueux. Quelques titres plus légers et aux mélodies plus festives (tout est relatif) retiennent par contre moins notre attention.

En cours de set, Sprints profite également de l’occasion pour envoyer quelques (très bons) titres inédits, permettant donc au concert de gagner en longueur, sans que cette durée ne soit du remplissage peu qualitatif. Au contraire. Durant près d’une heure et demie, Sprints a en effet maintenu une atmosphère bouillonnante et incandescente dans l’Orangerie du Botanique, bien catalysée par la présence scénique de sa frontwoman. A l’heure du dernier titre de la soirée, après une longue intro aux airs d’étrange trip rock sous acide, le groupe s’élance dans un dernier round musicalement costaud et massif avant d’achever les hostilités directement dans la fosse, porté par les bras des spectateurs. Sprints fait donc partie de ses groupes dont, aussi bien les productions studios que les prestations lives, sont à surveiller de très près pour le futur. L’Orangerie n’était pas loin d’afficher complet et les absents ont comme souvent eu tort.

Setlist – SPRINTS – Botanique – 12/12/2024

To the bone – Shadow of a doubt – Adore Adore Adore – Feast – Heavy – Band – Shaking their hands – Can’t get enough of it – Better – Somethings gonna happen – Up and comer – Cathedral – New one – Letter to self – The cheek – How does the story go ? – Literaly mind – Little fix

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