Après deux premières journées de festival emmenées le vendredi par PLK et ses 39 degrés de fièvre mais aussi par l’élégante ferveur de PHOENIX, et le samedi par les deux frangins BIGFLO & OLI à la manœuvre pour ramener la toute grande foule, la dernière journée du festival hennuyer a vu les riffs électriques prendre le contrôle du haut de l’affiche avec notamment les concerts des PIXIES, de SHAKA PONK, de GHINZU et de BRUTUS. Un joli marathon en perspective. Comme toujours, Ronquières a fait dans la diversité. La musique électronique n’était donc pas non plus en reste avec notamment ETIENNE DE CRECY et FRENCH79. Impossible de passer non plus sous silence les inclassables FUN LOVIN’ CRIMINALS ainsi que quelques noms plus tournés vers le rap. Retour sur le troisième acte de l’édition 2024 d’un festival qui avait à cœur de reconquérir celui de ses sympathiques festivaliers.

Le premier constat nous le faisons avant même d’arriver sur le site avec un plan de mobilité profondément repensé pour favoriser une meilleure répartition des flux de festivaliers. Les grosses averses du samedi soir ont cependant rendus plusieurs parkings boueux, ça glisse, ça patine et ça se termine parfois à la poussette mais personne ne reste planté au milieu de la prairie. Le festival propose aussi des alternatives réalistes pour rejoindre le plan incliné. On pense notamment au grand parking vélo avec casiers. Une très bonne idée à l’heure où le vélo électrique permet de se déplacer sans nécessiter une très actuelle condition physique de type olympique. Une fois arrivés sur le site, nous retrouvons nos habitudes prises l’année passée avec la Scène de la Colline, la Scène Tribord (redevenue scène principale) et le Bâbord Club pour les amateurs de beats et de boucles électroniques. La boue est présente mais pas de là à entraver sérieusement le bon déroulement des festivités où à se retrouver les pieds noyés dans plusieurs centimètres brunâtres.

Après que les furieuses guitares de CRIMINAL ANIMAL et le blues-rock bien bouillant de THOMAS FRANK HOPPER aient ouvert les hostilités et réveillé sans ménagement les festivaliers et les campeurs, ce sont les rappeurs SWING et PEET qui viennent bercer ceux-ci avec leurs mots et leurs grosses basses. Les amateurs du genre sont aux anges alors que les fans de Brutus, de Pixies et de Shaka Ponk regardent ça d’un œil perplexe. A l’autre bout site, GLOBUL fait déjà le plein dans le Bâbord Club avec son électro aux saveurs tropicales.

C’est ensuite sur le coup de 16 heures que FUN LOVIN’ CRIMINALS prend possession de la Scène Tribord. Avec les chemises à fleurs et les dégaines de maffieux de ses membres, le groupe porte particulièrement bien son nom. Musicalement on se promène quelque part du coté d’une plage de Los Angeles où Cypress Hill aurait débarqué pour les vacances, à la cool mais pas trop quand même. On ne s’étonne donc pas de les entendre rendre hommage à Barry White le temps d’un titre plutôt sexy et sensuel. Entre gros riffs de guitares , flow hip-hop nerveux et groove funky, nous avons là la transition idéale pour basculer dans la suite de la programmation électrique du jour. On retrouve ce petit coté nineties dont la saveur hip-hop n’a que rarement été égalée par la suite. Et tout ça se joue en live avec guitares, batterie, trompette et synthés. Un plaisir pour les oreilles alors que le soleil se montre lui aussi généreux.

Nous prenons ensuite la direction de la Colline pour le set sous haute tension des Louvaniste de BRUTUS que l’on retrouve à l’affiche d’un impressionnant nombre de festivals cet été, aussi bien en Belgique qu’à l’étranger. Emmené par la puissante et impressionnante chanteuse-batteuse Stefanie Mannaerts, le trio délivre une musique à haute-connotation dramatique et apocalyptique, quelque part au milieu d’un tumultueux carrefour où s’entrechoquent post-rock/métal et shoegaze. Force de frappe sonore et mélodie sont donc les maitres mots de leur set. On reste toujours scotché par la performance vocale et physique de Stefanie qui hurle dans son micro avec sa voix agréablement et légèrement cassée tout en malmenant sérieusement ses fûts et ses cymbales. Ses deux acolytes bassistes et guitaristes enchainent quant à eux les rafales électriques acérées. En plongeant dans nos souvenirs de festivaliers, nous n’avons pas le souvenir d’avoir connu une pareille tempête électrique à Ronquières. Programmer Brutus était un pari, tant le groupe s’inscrit dans un univers alternatif. Au final, la sauce a fameusement pris avec un public nombreux, attentif mais aussi démonstratif et enthousiaste. Brutus vient alors de donner la première grosse claque du jour à Ronquieres et ses festivaliers.

WARHAUS monte ensuite sur la Scène Tribord pour délivrer un set rock aux accents psychédéliques, se rapprochant de l’univers sonore de Eels. Le concert de Warhaus s’écoule comme la bande originale d’un film policier torturé se déroulant dans une torpeur forcément nocturne. La présence d’un violon contribue à l’originalité de l’ensemble. C’est aussi l’heure pour nous d’aller nous ravitailler auprès d’un des nombreux food-trucks. Au menu du jour pour nous, ça sera mitraillette mexicano sauce brasil.

Premier gros nom électro du jour, FRENCH79 est présent à Ronquières pour présenter son troisième album, s’inscrivant dans la continuité de ses deux précédents opus. Le producteur français se distingue du reste de l’infinie et mouvante scène électronique en proposant une musique où les beats semblent se mettre au service de mélodies oniriques, solaires et sensuelles. On s’étonne de le voir être pris en sandwich sur la scène de la Colline entre Brutus et Shaka Ponk. C’est aussi ça le charme de Ronquières. French 79 propose un monde sonore finalement assez proche de ceux de M83, Kid Francescoli et The Blaze. C’est avec méthode et vigueur que les morceaux sont construits un à un. French79 est à la manœuvre à tous les niveaux : machines, percussions mais aussi le chant. Bien qu’un peu tout seul sur scène, French 79 joue au créneau horaire de la golden hour, là où le soleil se rapproche tout doucement de l’horizon et offre des lumières chaudes et brillantes. Tout à propos au regard de la musique du bonhomme. Bref, ça ondule de toute part sur la plaine de Ronquières et ce n’est pas la chute d’un ampli sur la scène qui viendra contrarier l’ambiance de dancefloor estival et euphorique. Gros coup de cœur à sa version aussi sexy que ronronnante de “Diamons veins” où les lignes de basses traversent la plaine avec autant de délicatesse que d’efficacité. Il achève son set avec le très joli et nostalgique “Teenagers”.

Il est maintenant temps d’attaquer le premier gros morceau de la soirée avec le concert de GHINZU. Cela fait près de 15 ans que le groupe n’a plus rien proposé de nouveau au niveau discographique mais l’enthousiasme et l’intérêt du public n’ont pas été ébranlés par les années. Preuve en est avec la série de concerts donnés par le groupe au mois de juin à l’AB, tous complets en quelques minutes. Le concert de ce dimanche constitue le seul concert en festivals de cet été pour la bande à John Stargasm. La simple présence du groupe à l’affiche du festival constitue déjà un événement à part entière. Ghinzu semble surfer sur la corde sensible de la nostalgie. Soyons honnête, et sans être dupe, nous y trouvons aussi un plaisir certain à nous replonger dans l’indéboulonnable fougue et insouciance de l’époque de nos 20 ans (#lancien).

Tout commence avec John et son pantalon trop blanc pour avoir été sur la plaine, lunettes de soleil et assis derrière son piano avec son éternelle attitude de dandy. Il entame les 9 minutes de plaisir de “Blow”. Sur la gauche on retrouve le fougueux Greg Rémi qui torture ses guitares dont plusieurs ont les sangles qui tiennent avec du gros scotch. Il est d’ailleurs torse nu dès “Jet sex”, second titre joué, à la mélancolie vaporeuse. “Cockpit inferno” et son rythme étourdissant s’y greffe tout naturellement dans la foulée. Place ensuite à “Cold love”, carrément explosif. “Dragster wave” est plus apaisé, bien que son tournoyant piano ne fait qu’annoncer la charge électrique qui suit pour nous emmener vers un final épique. Mais en fait ce soir avec Ghinzu tout est épique. “Do you read me” déboule ensuite en version rock’n’roll et sauvage tandis que la plaine part en pogo. Le package qui suit côtoie la perfection avec le très joli “Mother allegra” enchaîné avec “Mirror mirror” et “The dream maker” qui prennent des airs de mur du son, appuyés par un gros lightshow ! La claque est permanente et tout est excitant. Ghinzu achève son set avec le furieux “Mine”. Il n’y a pas de nostalgie ici, juste un putain de groupe qui donne une tout aussi putain de leçon de rock made in belgium. Rien n’est à jeter ! Ghinzu donne la seconde claque du jour aux festivaliers.

Après un concert annulé l’an passé, véritable crève-cœur pour les hordes de fans du groupe, une rumeur de revanche semble ensuite provenir de la scène de la Colline où SHAKA PONK s’apprête à écrire un des derniers chapitre de sa carrière scénique. Le groupe a en effet décidé d’arrêter les tournées et les concerts afin d’être en accord avec les convictions écologiques défendues par ses membres. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour assister à une prestation volcanique et survoltée. Ce n’est donc pas par hasard que nous assistons à une impressionnante transhumance des festivaliers en direction de la Colline. Shaka Ponk n’a pas fait les choses à moitié avec une scénographie massive entre décors de Poudlard et Donkey Kong, tout en étant accompagné d’une vingtaine de choristes/danseurs gospel. Le set est explosif et bénéficie d’une sonorisation aussi puissante que claire que percutante (ce qui n’a pas toujours été le cas avec Shaka Ponk où le son prenait parfois des airs de grande soupe difforme). Frah passe, comme à son habitude, la moitié du concert dans la foule tandis que le reste du groupe fait un gros boulot bien énergique pour expluser ce son electro-rock et métallique devenu leur marque de fabrique. La plaine semble trop étroite pour contenir tous les festivaliers, nous rappelant par moment l’affluence record du concert d’Indochine de l’année passée. Shaka Ponk offre donc une très grosse prestation au public belge ce dimanche soir à Ronquières. Troisième claque

Avant de se produire ce lundi au festival des Lokerse Feesten, les Américains de PIXIES, l’emblématique groupe de Franck Black, a posé ses guitares au pied du plan incliné et de son interminable tour de bêton, illuminée à l’occasion du festival. Les membres du groupe n’ont jamais eu la réputation d’être des bêtes de scène, privilégiant un jeu de scène figé où la musique et le chant catalysent l’attention. Mais l’air de rien, cela fait 40 ans qu’ils occupent le terrain, leur discographie étant malgré tout trop souvent éclipsé par “Where is my mynd”, leur tube intemporel. Le public se compose majoritairement de quinquas et quadras qui connaissent absolument tous les titres joués alors que les plus jeunes découvrent avec curiosité ce groupe présenté comme incontournable. Par contre pour la partie convivialité avec le public, il faudra repasser, Pixies enchaine les titres sans s’adresser à celui-ci. Peu importe, les guitares crachent des notes rugueuses et grésillantes tanique que Franck Black hurle à gorge déployée. Pas de grande surprise donc mais une riche setlist de 28 titres quand même. Le rock à définitivement gagné la partie ce dimanche à Ronquières. Cependant, ces groupes ayant rameuté les festivaliers par milliers comptent tous au minimum 20 ans d’existence. Le milieu du rock continue donc de foisonner de toute part mais on attend encore la relève. Il parait que tout est question de cycles.

La soirée touche doucement à sa fin et c’est au Français ETIENNE DE CRECY que revient l’honneur de faire résonner les derniers décibels de cette édition du coté Bâbord Club. Issu de la French Touch des années 90 et 2000, c’est en capitaine expérimenté que le producteur mène sa barque pour faire danser les festivaliers.

L’édition 2024 du festival Ronquièrois s’achève en ayant accueilli 67 000 festivaliers tout en en ayant réussi à faire oublier presque tous les déboires de l’année passée. Nous avons notamment constaté que le nouveau plan de mobilité a relativement bien fonctionné, notamment aux niveaux des nombreuses navettes aperçues et malgré les quelques traditionnels légers embourbements liés aux conditions météos. Seul bémol, le départ massif des festivaliers samedi après le concert de Bigflo & Oli cumulé à une voiture échouée dans un fossé, bloquant la sortie d’un des parkings durant une heure. Le rendez-vous est cependant déjà pris pour 2025, du 1er au 3 août.

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