Pionnier, increvable et survolté, cela fait plus d’un quart de siècle que le plus furieux des groupes de métal français avale les kilomètres par centaines et écume un nombre impressionnant de scènes pour y répandre, avec conviction, une parole aussi fiévreuse que positive. Les années passent et rien ne semble affaiblir la flamme qui anime MASS HYSTERIA et son public de “furieux”. Les ados de la fin des années nonantes sont aujourd’hui devenus des parents et ils se chargent de passer le flambeau à leurs enfants qui les accompagnent en concert. Musicalement, Mass Hysteria ne se repose pas sur ses acquis et continue à sortir des albums, tous plus puissants les uns que les autres. A l’occasion de la sortie, en deux-temps, du bien-nommé “Tenace”, le groupe était de passage à Bruxelles en ce vendredi 22 mars pour faire suer une AB qui a régulièrement pris des allures de chaudron bien bouillant.
C’est donc dans sa version “grande salle” que l’AB accueille les nombreux fans du groupe. Nous avons en effet rarement vu autant de t-shirts à l’effigie d’un même groupe au mètre carré. Aussi, Mass Hysteria n’a jamais joué devant autant de monde en Belgique (en salle tout du moins), à contre-courant des tendances actuelles, aussi instantanées qu’éphémères et volatiles. Sur scène, on retrouve de part et d’autre les lettres M et H sous forme de structures métalliques, alors qu’à l’arrière plan est érigée une structure semblant représenter une planète qui se fragmente et qui rougeoie. Les 5 gaillards du groupe monte alors sur scène pour entame les hostilités avec “Mass Veritas”, dans un registre aux accents de rap-gangsta bien lourd et dark. Depuis ses débuts, le groupe a en effet toujours navigué quelque part entre riffs métals, sonorités légèrement industrielles et le phrasé de Mouss oscillant entre le chant, le rap et la déclamation.
Comme pour annoncer la couleur et marquer l’état d’esprit qui anime le groupe et la salle ce vendredi soir, Mass Hysteria envoie ensuite le puissant “Positif à bloc” et son refrain qui est hurlé à gorge déployée. Mouss carbure joyeusement à la Jupiler et multiplie les interventions pour maintenir en haleine les furieuses et les furieux mais aussi pour exprimer l’importance de ne pas attiser les haines et au contraire d’amener les gens à rester souder malgré leurs différences et leurs inconnues. Il nomme ainsi régulièrement les Flamands et les Wallons, encourageant tout le monde à s’unir et faire la fête. Au regard de l’impressionnant nombre de gobelet qui jonche le sol, le message semble être bien passé. Ca c’est pour l’ambiance et l’état d’esprit général.
Sur l’ensemble des titres joués ce soir, à peine 4 d’entre eux ne sont pas extraits des 3 derniers albums du groupe (6 titres étant même extraits de l’album “Matière Noire”), preuve de la grosse cure de jouvence que le groupe a connu au cœur des années 2010. Et la force de frappe de ceux-ci prend vie de manière impressionnante en live. C’est donc un set musicalement puissant et énergique que Mass Hysteria déroule ce soir. Puissance et énergie ne signifie pas pour autant brutalité ou violence. Et c’est bien là que se trouve toute la saveur du groupe : derrière les traditionnelles guitares acérées, basse et batterie, on retrouve aussi un ensemble de bande sonores électronisantes et synthétiques bien rugueuses qui viennent compléter une atmosphère d’apocalypse résonnant comme l’effondrement d’un monde en vue d’en proposer une nouvelle mouture se fondant sur des principes portés sur l’humain et l’empathie. Bref, de quoi mener la vie dure à certains clichés trop souvent rattachés au métal. Tout ça est appuyé par un lightshow bien dynamique également.
Au chant, Mouss assure le job comme à son habitude, mais les musiciens ne sont pas en reste, toujours avec Yann à la guitare et Raphael à la batterie, indéboulonnables eux-aussi depuis le milieu des années nonantes. Les titres s’enchainent, toujours avec cet effet d’énorme rouleau-compresseur frontal et dansant à la fois, sans jamais vraiment diminuer la cadence. Dans un registre plus particulier, le titre “L’Enfer des Dieux” (dont le clip a bénéficié d’une esthétique rare), plus mélodiques, mais pas moins puissant et même carrément martial, fait dorénavant partie des incontournables dans les concerts du groupe. Ce soir, en ce 22 mars et à Bruxelles, il résonne encore plus comme un puissant symbole. Le titre, écrit après la vague d’attentat revendiqués par l’Etat islamique au milieu de la décennie passée (Charlie Hebdo, Bataclan, Nice et Bruxelles notamment) fait en effet écho aux fanatismes religieux de tout bord. Alors que nous n’étions pas au courant de l’actualité en cours durant la soirée, le hasard de l’actualité nous renvoie après coup également aux sombres événements de ce vendredi à Moscou.
La partie principale du set s’achève avec l’énorme “Tout est poison” et son final instrumental bien costaud. Le rappel arrive ensuite avec notamment le fédérateur “Tenace” mais aussi avec l’explosif “Contraddiction” et sa petite phrase qui résume parfaitement l’état d’esprit qui anime les concerts de Mass Hysteria : bousculer sans rien casser, éviter les rixes. On vous parlait des enfants en début d’article : ceux-ci sont mis sous les feux des projecteurs en fin de set avec l’increvable “Furia” où une grosse vingtaine d’enfants grimpent sur scène pour sauter dans tous les sens. Mouss en profite pour remercier et féliciter leurs irresponsables parents qui les emmènent avec eux en fosse dans des concerts de métal. Le plus jeune spectateur présent est en effet à peine âgé de 4 ans, accueilli par une généreuse ovation du public. Et pourtant aucune de ces demi-portions ne semble effrayée par la fureur de la scène et de la salle, il n’y a que des sourires sur tous ces visages… bousculer sans rien casser.
Mass Hysteria a acquis l’expérience du temps sans pour autant s’assagir ou lever le pied. Très rarement pris en défaut scénique ou discographique, le groupe réussit logiquement à fédérer une armée de fidèles ambassadeurs aussi nerveux que bienveillants, même au cœur des furieux pogos qui ont agité une bonne moitié de la fosse. La fin de la soirée arrive avec “Plus que du métal”, titre qui porte lui aussi très bien son nom et qui transforme la fosse en joyeux wall of death. Mass Hysteria vient de donner une maitrisée leçon de puissance musicale et d’énergie positive durant une heure quarante-cinq, sans contestation possible et sans le moindre signe d’essoufflement.
SETLIST – Mass Hysteria – AB – 22/03/2024
Mass Veritas – Positif à bloc – Chiens de la casse – Vae soli! – L’inversion des pôles – Notre complot – L’art des tranchées – Nerf de boeuf – Se brûler sûrement – L’émotif impérieux – Faille – Reprendre mes esprits – Arômes Complexes – L’enfer des dieux – Encore sous pression – Tout est poison – Tenace – Le triomphe du réel – Contraddiction – Furia – Plus que du métal