Petit retour en arrière : nous sommes en 2011 : une jeune chanteuse de 15 ans sort un premier album éponyme composé de reprises et porté par le single “Skinny Love” de Bon Iver. Le succès commercial est immédiat et conséquent. Une dizaine d’années plus tard, la pianiste-chanteuse anglaise occupe toujours le terrain avec autant de sérénité que de maturité. La jeune femme profite aussi des années qui passent pour continuer à développer ses compétences techniques en ayant notamment appris à jouer de la guitare. C’est donc avec un quatrième album au compteur (le cinquième étant prévu pour le courant de cette année) que Birdy était de passage dans un Cirque Royal de Bruxelles affichant complet ce lundi soir.
Avant toute chose, nous devons écrire quelques lignes à propos de la première partie assurée par la Flamande Emmy d’Arc. On a rarement l’occasion de voir un public qui réagit avec tant d’enthousiasme dès le début de la soirée. La jeune chanteuse-guitariste qui est arrivée presque timidement sur scène à rapidement montré ce qu’elle avait dans le ventre puisque durant une demi-heure elle va envoyer des chansons folks et acoustiques interprétées avec une fougue carrément rock, bien aidée aussi par une pédale de batterie très efficace. Elle réussit à créer de vrais énergies variées avec ces quelques éléments : de la douceur lumineuse, de la tension un peu sombre et nerveuse (ces grattages de cordes de guitares secs et vifs sont un régal) et du rythme. Sa voix balaie aussi tous ces registres avec précision et maîtrise. C est donc tout logiquement en faisant le signe des cornes du diable avec sa main qu’elle quitte la scène en fin de set, sous de longs applaudissements. Franchement on a pris notre pied. Emmy d’Arc prouve qu’il est possible d’amener des choses très différentes les unes des autres durant un set où ses seules armes sont sa voix, sa guitare acoustique et sa pédale de batterie.
Il est un peu moins de 21 heures lorsque Birdy monte sur scène, précédée de ses 4 musiciens. Pas de grands artifices, juste des instruments et quelques barres lumineuses occupent la scène. C’est d’abord les mains vides que Birdy entame son set, faisant profiter le Cirque Royal de sa voix (avec le support de ses deux musiciennes-choristes), mais aussi d’un lightshow aussi doux et élégant que fourni. Elle prend ensuite le temps de saluer le public et de le remercier pour sa patience. Elle explique également que de nouveaux titres inédits seront joués ce soir. Ca sera le seul moment où elle prendra le temps de s’adresser réellement au public. Pas qu’elle soit pressée d’en finir mais les interactions seront malheureusement peu nombreuses, alors que le public est du genre chaleureux et généreux ce soir au Cirque Royal. La chanteuse semble intimidité par ces manifestations d’enthousiasme et autres déclarations admiratives (ou amoureuses pour les plus téméraires). Mais ce n’est finalement qu’un détail qui n’a en rien gâché la soirée.
On vous parlait également de la guitare qu’elle avait appris à jouer depuis peu. C’est donc dès le second titre qu’elle s’en empare. Un premier temps fort du concert arrive avec “People Help The People” où Birdy va s’asseoir derrière son piano. On voit alors le Cirque Royal être spontanément illuminé de centaines de lucioles de téléphones portables. La fragilité de ce titre s’y prête aisément. On voit aussi apparaître quelques arrangements électros pour “Young Blood”, sa reprise de Naked And Famous. Birdy passe ensuite une bonne partie de la soirée derrière ce piano, délivrant de jolis moments sonores et visuels avec notamment “Loneliness” où sa voix est aussi douce que puissante. Idem pour “Not about Angels”. Après ces moments de calmes et de sensibilité, l’ambiance change soudainement avec une batterie, jusque là assez discrète, se mettant à imposer un rythme plus dense et dansant. Quelques notes de synthés plus tard, nous comprenons que c’est une reprise de “Running Up That Hill” de Kate Bush que Birdy propose. Ce titre qui a connu une seconde jeunesse il y a peu grâce à Netflix et la série “Stranger Things” a aussi déjà vu un nombre impressionnant d’artistes le reprendre. La version présentée ce soir n’a rien de révolutionnaire mais se prête assez bien à la voix de Birdy, le tout à un rythme plus entrainant que l’original.
Et c’est peut-être bien de là que vient la seule légère ombre : à quelques exceptions, les titres de Birdy qui sont les plus connus du grand public sont des reprises, malgré une discographie pourtant bien fournie. Sa version piano-voix de “Skinny Love” de Bon Iver en est la preuve, bien que cela n’enlève rien à la qualité de son interprétation qui met avantageusement sa voix en avant. Attention à ne pas généraliser ce constat, car en fin de set, Birdy envoie une jolie volée de titres personnels à tendance tubesque et euphorique. On pense notamment à “Keep your head up” dont on pourrait croire qu’il a été taillé sur mesure pour Florence & The Machine. Et bien non, dommage pour cette dernière ! Ce titre prend d’ailleurs une couleur très rock en live. On aperçoit même le capteur de décibels qui s’envole jusqu’à 105 unités (même pas peur).
Il y aussi eu ces quelques titres inédits où Birdy sort du schéma “ballade piano-voix” pour s’aventurer vers des contrées plus rythmées, plus produites, avec beaucoup de couches sonores et d’instruments, parfois plus électro, parfois plus électriques, jamais dans la surenchère. “Ruins II” est du genre bouillant alors que “Heartbreaker” (prochain single) sonne plus électro-pop. Nous devons également parler de la belle puissance mélodique de “Wings” qui vient clôturer en apothéose la soirée d’un Cirque Royal qui est debout pour saluer la chanteuse anglaise. Cette fin de set est en effet la preuve que Birdy n’est pas qu’une artiste étiquettée “cover”, bien loin de là. Birdy va “seulement fêter son 27ème anniversaire cette année et c’est déjà son 5ième album qui se profile. L’adolescente qui sortait son premier album il y a 12 ans a bien grandi avec une répertoire qui s’enrichit sans se répéter et sans sacrifier la qualité et l’élégance au profit de la facilité des pré-formatages. Au regard de inédits livrés ce lundi soir, nous sommes curieux d’entendre le reste du nouvel album prévu pour le mois de juillet. Bref, de quoi voir venir pour quelques années encore.
BIRDY – Cirque Royal Bruxelles – 10/04/2023
Raincatchers – Voyager – 1901 (reprise de Phoenix) – People Help The People (reprise de Cherry Gost) – Surrender – Youg Blood (reprise de The Naked and Famous) – Deep End – Loneliness – Not About Angels – Young Heart – Silhouette/Running Up That Hill (reprise de Kate Bush) – Ruins II (inédite) – Automatic – Quietly Yours – Skinny Love (reprise de Bon Iver) – Let Il All Go (reprise de Rhodes) – Heartbreaker (inédite) – Keeping Your Head Up – Your Arms – Wings