Artiste incontournable de la scène musicale belge, OZARK HENRY, occupe le terrain depuis plus de 25 ans maintenant. Ce n’est cependant qu’en 2001 que sa carrière prit un envol solide avec son album “Birthmarks”. C’est pour fêter le vingtième anniversaire de la sortie (11 septembre 2001 précisément) de cet album que l’ANCIENNE BELGIQUE avait proposé au chanteur flamand à jouer intégralement cet album clé sur scène. Le concert avait initialement été programmé en mai 2021 mais les restrictions sanitaires de l’époque ont entrainé le report du concert à ce vendredi 10 mars 2023, soit 22 ans après la sortie de l’album. Et pour que tout cela soit encore plus laborieux, il y avait, ce vendredi, grève nationale des services publics, dont les transports en commun. Pas de quoi freiner les spectateurs qui se sont pressés dans une Ancienne Belgique qui affichait complet.
La scène est assez épurée avec un pied de micro placé au centre de la scène et avec, en arrière plan, une batterie, des synthés, et une guitare. Tout ça dans un halo de lumière bleue nuit. On patiente tranquillement au son d’une très bonne setlist orientée trip-hop, à base de Massive Attack, Sneaker Pimps, Thom Yorke et Portishead. C’est à vingt heures trente que les trois musiciens et Piet Goeddar, de son vrai prénom, prennent places sur scène. Ce dernier est vêtu d’un costume dont la couleur se situe quelque part entre le rose et le pourpre. Nous devons reconnaitre que cet ensemble est très stylé.
Alors que certains artistes font le choix de reprendre un album en intégralité sur scène en respectant scrupuleusement l’ordre des titres, Ozark Henry décide de disperser ceux-ci un peu partout au sein de sa setlist. Musicalement, l’album “Birthmarks” est à la frontière de toute une série d’influences : entre pop, électronique et musique classique. Tout au long de la soirée on ressent ces influences qui viennent se mélanger et se faufiler dans les enceintes de la salle. Ozark Henry accompagne beaucoup de ses titres d’une gestuelle discrète mais qui semble assez symbolique, comme un langage codé et chorégraphié. Le reste du temps, c’est avec la plus grande sobriété qu’il interprète ses titres. Sauf lorsqu’il décide, par deux fois, de descendre de scène pour aller chanter au milieu de la fosse, à la plus grande surprise des spectateurs qui, il faut le noter, n’ont pas dégainé massivement leurs smartphones durant ces moments de grande proximité.
En effet, le public présent ce soir à l’AB est attentif et ne rate pas une seconde du concert, attendant bien souvent la dernière note de chaque titre pour applaudir généreusement. Mais attention, un public attentif ne veut pas dire froid ou passif : sans y avoir été invité, le public réagit régulièrement spontanément aux premières notes des morceaux qu’il apprécie. Les pas de danse se multiplient ainsi sur les imparables “Word Up” et “Sweet Instigator”. Les moments plus chauds et énergiques du concert arrivent avec “Intersexual” et “Rescue”, portés par leurs sonorités entre rock et reggae-dub. Il y a aussi le très pop et lumineux “This one’s for you”. La voix d’Ozark Henry fait toujours des merveilles et le temps qui passent ne semble pas avoir de prise sur celle-ci.
Ozark Henry alterne donc entre titres les titres de “Birthmarkts” et autres titres phares de sa discographie. C’est à ce moment là que l’on se rend compte du nombre de chansons dont les mélodies nous sont familières et que nous avions un peu rangées dans le placard de notre mémoire. C’est ainsi qu’avec “At Sea”, Ozark Henry et ses musiciens créent cette petite madeleine de Proust dont les notes de piano nous catapultent immédiatement près de 20 ans en arrière, avec une douceur qu’on avait oubliée. Et comme si cela ne finissait pas, le final du titre prend des airs et des sonorités proches d’une envolée incantatoire dont Bono de U2 en a fait sa spécialité en concert.
La fin du set principal arrive avec la belle reprise étoilée et épurée de l’intemporel “Heroes” de David Bowie qu’Ozark Henry a eu l’occasion de rencontrer peu avant la sortie de “Birthmarks” en 2001. Trois titres sont ensuite joués en rappel, dont une version très entrainante et colorée de “A dream that never stops”, et le toujours très apprécié et radiophonique “I’m your sacrifice” où le public reprend en chœur les oh oh oh oh du titre. Ozark Henry revient ensuite pour un second rappel avec la reprise du solennel “The end” des Doors, dans une version aux airs de western rougeoyant et planant. Notre seul regret de la soirée vient peut-être du fait qu’on aurait aimé que les nombreux et fins arrangements sonores qui caractérisent la discographie d’Ozark Henry soient interprétés en live par de vrais musiciens. Alors que l’artiste est un habitué des réarrangements lives, les versions de ces titres livrées ce soir étaient des versions fidèles à celle enregistrées en studio. Il n’est pas toujours aisé de proposer quelque chose de sobre et épuré sans devoir faire de concession sur cette musique riche et travaillée. Mais cela n’enlève rien à la qualité et l’élégance du concert de ce vendredi soir qui a démontré une fois encore toute la diversité des titres et les qualités vocales indéniables d’Ozark Henry qui en font un artiste singulier et heureusement inclassable.