“Trail” est le titre du premier album du duo belge KOWARI, sorti au printemps dernier. Celui-ci, évoluant entre electronica et neo-classique fut amplement salué par la critique. Pourtant il n’a connu jusqu’ici qu’un succès relativement confidentiel. Et cette situation est bien regrettable tant la galette est qualitative. Et quand nous écrivons cela, nous ne cherchons pas à coucher sur papier le jugement de quelques experts musicaux qui tentent de se conforter dans leurs certitudes, qu’une musique qualitative est forcément confidentielle car inintelligible pour le quotidien des simples mortels. Certains magazines le font déjà très bien. L’album de Kowari, nous l’avons un peu découvert par hasard et nous nous sommes empressés de le mettre dans les oreilles d’un maximum de monde autour de nous. Les avis étaient unanimes : la musique de Kowari charme un public très éclectique, captivé aussi bien par les mélodies travaillées que par l’alliance du violon et de sonorités électroniques.
Tout ça pour dire que KOWARI était de passage ce vendredi soir à La Ferme Du Biéreau, du coté de Louvain-La-Neuve. Ce concert était pour nous l’opportunité de découvrir en live la musique du duo avant qu’il ne s’embarque dans une tournée européenne d’une vingtaine de dates. Et c’est en toute sobriété que Louan (piano) et Damien (violon) entrent sur scène. Il ne faut pas cinq minutes pour que la musique de Kowari nous renvoie vers toute une série d’influences : Ludovico Einaudi et Craig Armstrong en tête. Oui, la musique de Kowari comporte quelque chose de très cinématographique. Le piano se montre souvent contemplatif, légèrement aérien alors que le violon apporte plus de rythme, plus de virages et de reliefs parfois doux, parfois vertigineux. Impossible de ne pas penser à certains morceaux de la discographie de Yann Tiersen (qui, pour rappel, possède une discographie riche allant bien au delà de la BO d’Amélie Poulain).
Ca c’est pour le registre plus classique de la musique de Kowari. En effet, il y aussi chez eux de fameuses et assumées influences électroniques. Au plus le concert avance, au plus leurs titres, leurs arrangements et leur son nous rappellent “Les violons ivres” d’Agoria, un des plus grands mariages réussi entre la musique électronique et la musique classique. Ces arrangements électroniques mêlés à quelque chose de plus classique et organique, nous renvoient aussi à la musique du duo berlinois Grandbrothers. Il y a beaucoup de poésie, beaucoup de délicatesse sur scène, mais il y a aussi des moments plus fougueux avec l’énergie d’un rock puissant et mélodieux. Cette alliance d’influences sonores avec de belles envolées de piano et de violons, rythmée par des beats électroniques peut aussi être comparée à certaines productions de Worakls Orchestra tout en étant marquée par une intimité presque introspective. C’est ainsi que les notes de pianos se font parfois légères et discrètes, marquées de courts silences. Il en va de même pour le violon.
Les deux musiciens, qui se sont rencontrés en composant la BO d’un film, ont d’ailleurs un certain doigté pour créer des atmosphères et des couleurs musicales aussi enjouées et féériques que sombres et presque dramatiques, comme un titre post-rock bien rageux et électrique ou comme certaines compositions du compositeur et producteur français Laake. C’est donc tout logiquement que Louan s’adonne régulièrement à de fougueux headbangs tout en frappant les touches de son piano. C’est dans ces moments là que nous aimerions que les morceaux puissent s’étirer encore et encore. Quelques arrangements électros mariés au son du violon nous rappellent enfin des extraits de la BO de Tron produite par les Daft Punk.
Tout au long de la soirée, Kowari propose un voyage musical où l’on glisse d’une influence vers une autre, toujours entre ombre et lumière. Les arrangements sont propres et travaillés. Nous somme surpris par la touche électronique plus prononcée que prend la seconde partie du set, Damien lâchant de temps à autre son violon pour venir lui aussi poser ses doigts sur des synthés et autres paddles. Les deux musiciens sont alors en face à face, dans une configuration scénique rappelant celle de Bicep ou The Blaze. Ces passages à forte connotation électro prennent toujours soin de ne jamais écraser la mélodie au profit de l’énergie d’un beat trop facile. Le temps d’un titre, Kowari s’offre aussi une petite incursion dans les méandres vaporeux d’un jazz pianistique de fin de soirée. La fin du set se veut, quant à elle, plus débridée, comme une intense dernière valse : Damien offrant une longue montée tournoyante franchement féérique avec son violon avant un final taillé pour les dancefloors.
De la même manière que Glass Museum (autre duo belge dont la réputation a rapidement dépassé les frontières du plat pays) qui fait se rencontrer des univers sonores assez éloignés les uns des autres sur papier, Kowari a conquis, ce vendredi soir, un public de tous âges et aux affinités musicales diversifiées. Ils étaient nombreux à faire la file après le concert pour se procurer le vinyle tout chaudement sorti de l’usine de pressage. Il sera rapidement disponible sur le site du groupe. Le prochain concert du groupe sera au Botanique à Bruxelles le 13 avril. C’est un jeudi soir, donc pas d’excuses ! Et de toute façon, même si le concert avait été prévu un lundi soir il n’y aurait pas eu d’excuses non plus.