Alors que le mois de novembre et sa grisaille se sont emparés de la Belgique depuis quelques jours maintenant, l’Ancienne Belgique accueillait ce mardi soir l’Australien XAVIER RUDD pour le premier de ses deux concerts pour lesquels les places se sont vendues quasi instantanément. Rien de surprenant quand on sait qu’il avait déjà rempli 3 fois l’AB en 2018 . A la croisée de la BO incantatoire d’Into The Wild d’Eddie Vedder, des paysages sonores contemplatifs de RY X et de la bouillante folk de The John Butler Trio, tout en y ajoutant une touche de reggae et de sonorités aborigènes (didjeridoo en tête), Xavier Rudd a comblé et réchauffé son fidèle public durant plus de deux heures.
Le programme est chargé ce soir puisque c’est à 19h30 que BOBBY ALU, qui assure la première partie monte sur scène. Ça ne fait pas 30 secondes qu’il est là qu’il s’embarque déjà dans une énorme cavalcade rythmique à l’aide de son djembe. Mais c’est surtout avec sa guitare acoustique, sa voix et ses mélodies qu’il emmène le public pour un très ensoleillé voyage sonore au cœur des îles paradisiaques du Pacifique. La fin de son set prend la forme d’une démonstration de percussions en tout genre qui fait danser et chanter le public de l’AB.
Du haut de ses 44 ans, c’est avec déjà 20 ans de carrière au compteur que XAVIER RUDD vient présenter sur scène “Jeanc Juc Moon” son dernier album en date. La setlist de ce soir s’articule donc principalement autour de celui-ci, mais aussi de son album “Spirit Bird” sorti il y a 10 ans. Ces deux albums représentent à eux deux près de 3/4 des morceaux joués ce soir. Un choix qui peut surprendre alors que le garçon possède une discographie riche de 10 albums studios aux multiples couleurs et nuances indie-folk. Les lumières s’éteignent donc et le public se met alors instantanément à gronder d’enthousiasme alors que la salle est plongée dans une épaisse fumée rougeâtre, comme la terre et la poussière des terres sauvages d’Australie. On entend des cris d’aigles dans les enceintes. Xavier Rudd entre sur scène dans la pénombre et s’installe derrière sa batterie sur laquelle sont également fixés deux didjeridoos.
Le concert peut alors commencer avec le titre “I’m eagle”. La voix est puissante et aérienne à la fois. Les percussions sont lentes et hypnotiques. Lorsque Xavier Rudd se met à souffle dans ses didjeridoos l’immersion en terre australe est totale, portée par les vibrations et sonorités singulières de ces instruments. Les lumières éclairent la scène dans un joli feu d’artifice multicolore, alors qu’en fond de scène on retrouve une toile énorme évoquant la pochette du dernier album en date, entre faune et flore exotiques. Il en sera de même tout au long de la soirée, avec pour chaque morceau d’éclatants et chauds tableaux de lumières.
Xavier Rudd dégage une sorte d’aura qui le place dans la position d’un bienveillant prêcheur venu nous vendre la beauté de la musique et de la vie. On le voit plusieurs fois chanter ses morceaux avec les yeux fermés, et lorsqu’il regarde le public, c’est un énorme sourire ravageur qui apparait sur son visage. Vêtu d’une salopette qui laisse apparaitre son imposant torse tatoué, pieds nus et avec une sorte de coupe mulet, Il évolue seul sur scène ce soir. Car oui, le garçon sait tout faire : batterie, guitare, harmonica, synthé et didjeridoo. Ce dernier instrument n’est d’ailleurs pas utilisé à outrance, évitant ainsi le piège d’un set aux airs de mauvaise caricature estampillé world music. Et comme le mec est vraiment cool et décontracté, c’est assis qu’il passe tout le concert, passant d’un instrument à l’autre avec décontraction, sans se mettre la pression.
A chaque début de chanson, il ne faut que quelques secondes au public pour reconnaitre le titre joué et pour ainsi manifester son enthousiasme. On assiste ce soir à une communion entre l’artiste et son public. A plusieurs reprises, lorsqu’un titre s’achève, le public se met à reprendre la mélodie de celui-ci et à continuer à la chanter longuement (sur des titres comme “Storm Boy” ou “Spirit Bird” par exemple). Tout au long du concert on assiste à une succession de moments suspendus, presque féériques et bouillants, comme par exemple avec “Full Circle” commence tout tranquillement de manière épurée avant de s’achever dans une ambiance de brûlot rock. Le titre “Jean Juc Moon” est probablement le moment le plus marquant du concert, d’une beauté étoilée et aérienne où le chant habité et la guitare acoustique délicate de Xavier Rudd se mêlent face à une assistance dont le silence presque religieux impressionne. Un moment rare et fragile.
Xavier Rudd alterne les passages acoustiques folk avec d’autres plus rock. Il prend également quelques virages plus électro-tribaux, rappelant la ferveur d’un groupe comme Hilight Tribe. Il offre également quelques passages en format steel-guitar aux ambiances de far-west. Il passe aussi quelques instants sur son synthé avant qu’une énorme infrabasse annonce une plongée dans le dansant et tropical univers musical du reggae et dub. C’est à ce moment là que Bobby Alu, qui assurait la première partie, remonte sur scène pour un bon quart d’heure où il va alterner entre batterie et chant/rap, notamment pour le titre “Ball and chain”. L’alchimie entre les deux musiciens-chanteurs opère à merveille et est communicative puisque le public se met à danser jusque dans les gradins.
Après presque deux heures de concert, Xavier Rudd quitte la scène mais revient pour le traditionnel rappel qui nous offre une dernière plongée dans son univers ensoleillé et décontracté. Le public en redemande mais il est déjà 22h40. Xavier Rudd s’est donc même octroyé le luxe de dépasser le pourtant très strict couvre-feu de 22h30 que l’Ancienne Belgique doit respecter. Vu les bonnes ondes qu’il aura diffusé tout au long de la soirée, personne ne lui en aura tenu rigueur.
SETLIST – Xavier Rudd – AB – 08/11/2022
I Am Eagle – Full Circle – Stoney Creek – Energy Song – Sliding Down A Rainbow – We Deserve To Dream – Storm Boy – Messages/Guku – Ball And Chain – Come Let Go – Rainbow Serpent – Jan Juc Moon – Great Divine – Spirit Bird – Lioness Eye – Follow The Sun – Magic