Lors de l’Inc’rock Festival Version XS, nous avons eu l’immense plaisir d’assister au concert de Saule, qui a instauré une ambiance de folie dès les petites heures de l’après-midi. Juste après le concert, on est allés à sa rencontre pour une interview en toute simplicité, à l’image de l’artiste. On a évoqué entre autres ses collaborations, le succès de Dusty Men, ainsi que son nouvel album qui sortira début 2021.
Solenn pour ScenesBelges : Bonjour Saule ! Pendant cette période de confinement tu as créé une chanson en rapport, « Dans nos maisons », peux-tu m’en dire plus sur sa conception et sa sortie ?
Saule: Alors c’est un morceau 100% homemade, à la base destiné aux réseaux sociaux. Lors du confinement, j’ai commencé à écrire sur des post-it plein de trucs que l’on peut faire chez soi. Je les ai placardés au mur, et j’ai filmé tous les post-it avec mon Iphone: Martin Scorcese peut m’envier (rires) ! Et c’est ça qui m’a donné l’idée du clip en fait. Il fallait que je reste créatif tu vois, donc c’est du bricolage ce clip, mais ça reflétait bien la situation. Mais sans vraiment de démarche promotionnelle particulière. Puis le lendemain j’ai 50 000 vues, c’est alors que mon label m’a proposé de la sortir “officiellement” en l’envoyant aux radios. Finalement d’une chanson anti-déprime que j’ai fait dans mon salon, ça a touché des gens.
SB: Connaissant ton amour pour la scène et ta relation avec le public, comment as-tu vécu ces derniers mois sans concerts ?
Saule: C’était une punition (rires), j’étais comme un lion en cage! Je fais de la musique tous les jours, c’est vital pour moi. Mais à un moment tu te dis “ouais mais en fait je fais de la musique pour qui ?” Je faisais des chansons pour moi tout seul dans mon salon, c’est super mais à un moment donné t’as envie de revoir les gens, de partager avec eux. La sortie de mon album étant reportée, on a donc sorti un EP « Verseau » avec des titres inédits, qui ne seront pas sur l’album. Avec mon équipe on s’est dit que les concerts initialement prévus on allait les garder pour entretenir cette relation avec le public, et l’idée de tourner avec mon guitariste multi-instrumentiste est venue.
SB: L’album qui sortira donc en 2021 ?
Saule: On l’espère ! En attendant j’ai sorti un single avec Alice On The Roof (NDLR : Mourir plutôt crever), qui a été une très belle collaboration.
SB: Comment ça s’est fait justement ce duo montois ?
Saule: En fait on s’est souvent croisés lors de festivals, d’évènements un peu partout en Belgique. On se connaissait depuis longtemps, mais on n’avait jamais fait de musique ensemble. Pourtant des duos dans des singles j’en ai fait, dont un qui est super connu (NDLR : Dusty Men feat Charlie Winston) mais jamais avec une femme !
J’avais aussi cette phrase qu’une femme m’a sorti un jour dans un catering lors d’un concert en France, en bouffant on est arrivés à parler d’existentialisme, de vie et de mort, quand elle m’a lâché comme ça entre la poire et le fromage : « Mourir, plutôt crever ! » J’ai trouvé cette phrase géniale et je lui ai juré qu’un jour j’en ferais un titre. Je l’ai proposé à Alice, et en une seule prise voix on avait notre chanson. Sa voix est splendide.
SB: En général comment ça se passe le choix de tes collaborations ?
Saule: Je ne choisis pas les artistes. En fait j’appelle ça des hallucinations auditives. Par exemple le morceau avec Cali, je l’écris, je le chante seul chez moi, et à un moment donné j’entends Cali. Du coup j’envoie à Bruno (Cali) « écoute je ne sais pas t’expliquer mais je t’entends chanter sur l’un de mes morceaux ». Il était hyper emballé, du coup il est venu de Perpignan jusqu’à Bruxelles à l’ICP studio, on a enregistré le morceau et c’était dans la boîte. Pour Alice c’était pareil, et idem avec Charlie Winston. Aucun calcul, que de la spontanéité.
SB: Tu es présent dans le paysage musical francophone depuis un bon moment, comment tu arrives à toujours sortir des albums et à trouver cette inspiration ?
Saule: Aujourd’hui j’ai 42 ans, c’est mon 5e album, ça fait 15 ans que je fais ce métier, et j’étais arrivé à une espèce de routine où je me suis dit que si je ne retrouvais pas le plaisir de faire de la musique avec des gens, j’étais cuit. Je me suis demandé quelle était l’énergie à retrouver pour reprendre de la gourmandise et du plaisir dans ce que je faisais. Il fallait que je retrouve ça, et donc je suis allé spontanément vers des gens que j’aimais, Puggy, Girls In Hawaii, Balthazar… J’ai vu des gens qui travaillaient différemment de moi et donc c’était hyper inspirant. Ce nouvel album est très collaboratif, c’est vraiment une aventure humaine et ça me rappelle que la musique c’est avant tout une aventure humaine.
SB : Et donc est-ce que ce nouvel album va rester dans la même vibe que les précédents, ou il prendra une direction artistique différente ?
Saule: Cet album va renouer avec mon tout premier album (Vous êtes ici), dans le sens où je reviens à des chansons à textes, des portraits, dans le même esprit que le premier. Après y’a aussi une évolution musicale, avec un son un peu plus contemporain mais avec la patte Saule. Musicalement parlant j’ai vraiment la chance d’être bien entouré, d’avoir une famille autour de moi qui joue le rôle d’oreille extérieure.
SB : Je reviens à cette année particulière pour vous aussi, les artistes, comment toi, tu envisages le futur de Saule ?
Saule: Donc il y’aura l’album à paraître début 2021, une quinzaine de dates bookées… Je ne sais pas dire de quoi l’avenir est fait, mais je reste positif. Au niveau politique, j’ai entendu dire que d’ici trois mois on devrait rejouer dans des capacités normales, donc si tout va bien on tend vers ça. Si on fait pas trop les cons, si on respecte les consignes ça pourrait être envisageable.
SB : Toute dernière question, pour toi, qu’est ce qui est le plus difficile dans le métier d’artiste et le plus gratifiant ?
Saule: Le plus gratifiant ce sont les témoignages de gens, qui me foutent souvent les larmes aux yeux. Quand on me dit que certaines de mes chansons leur ont changé la vie et leur quotidien, je me dis instantanément que c’est la raison pour laquelle je fais ce métier.
Le plus dur c’est les remises en questions. D’affronter ses peurs, ses doutes, moi je suis quelqu’un qui doute énormément. Cet espèce de moral dans lequel tu peux être pendant six mois, à te demander si tu es sur la bonne voie, a tu poser plein de questions… Cet espèce de truc aussi un peu tributaire d’un succès que j’ai eu avec Dusty Men où finalement il fallait que je sorte de ce succès sans recopier ce que j’avais fait, en l’acceptant sereinement et sans me prendre la tête. Ça fait partie du métier je pense, ça reviendra peut-être ou peut-être jamais, mais je me dis aussi que je suis toujours dans la partie.