Organiser des concerts cet été en Belgique relève définitivement de la maestria tellement les impondérables sont nombreux et changeants. Entre confinement, déconfinement, reconfinement, et une météo parfois capricieuse, pas facile de savoir quoi faire, ni comment le faire. C’est pourtant ce que réalise l’équipe des Estivales de l’Abbaye de Villers-La-Ville depuis un bon mois. Et ça fonctionne pas mal! Deux semaines après y avoir vu Konoba, nous voilà de retour dans ce joli coin du Brabant Wallon pour une nouvelle soirée cent pour cent Belge. Du Belge au goût de pop, de rock, et saupoudré d’électronique avec LE LOUP en tête d’affiche et BAYERNN en première partie. Tout ça sous une chaleur écrasante, même une fois la nuit tombée.

On vous parlait de mesures réglementaires changeantes, et le grand changement de ce soir c’est l’obligation de porter un masque durant toute la soirée, même assis, et malgré le fait que l’Abbaye de Villers-La-Ville soit un lieu dit “ouvert”. On ne va pas vous mentir qu’avec la chaleur étouffante de ce vendredi soir, on s’est demandé comment on allait tenir. Il faut ce qu’il faut et au final tout s’est très bien passé pour tout le monde, les équipes de l’organisation ayant fait preuve de beaucoup de bienveillance pour la mise en application et le respect de cette règle (dont on se passerait bien tous, on est bien d’accord). C’est finalement pour les artistes que cette situation est peut-être la plus déconcertante : ils se retrouvent face à un public dont ils ne voient que les yeux.

Nous voilà donc bien installé sur nos chaises et dans nos “bulles”, lorsque BAYERNN monte sur scène. Le groupe est mené par un chanteur à la chevelure grisonnante et aux allures de Vincent Delerm. Mais un Vincent Delerm qui aurait enfin décidé de se lâcher pour une fois dans sa vie. Le quintet se distingue également par la présence d’une violoncelliste. Le premier titre envoie un rock à la mélodie galopante, où le chant s’étire en écho des grands espaces. Le violoncelle vient apporter une touche nerveuse, légèrement sombre et dansante à la fois. Ce premier titre nous rappelle les premières pépites d’Arcade Fire sur leur album “Funeral”. Et le chanteur ne se contente pas de chanter, il vit chaque titre avec une intensité corporelle et théâtrale dont Mustii est également familier. Le site de l’Abbaye offre la particularité que la ligne de chemin de fer Ottignies-Charleroi passe à l’arrière de scène. C’est ainsi qu’un train marchandise vient se greffer de manière impromptue et insolite dans le visuel du set du groupe. Les morceaux sont riches et variés, alternant les passages plus calmes et intimes avec les envolées rock bien pêchues et nerveuses. Bayernn possède un potentiel scénique qui mérite qu’on s’y penche plus en profondeur. A suivre.

Après une petite promenade dans les ruines de l’Abbaye, on retourne dans la nef. La pénombre s’est installée, LE LOUP peut donc sortir de sa tanière. Vêtue d’un pantalon rouge et d’un haut argenté, c’est accompagnée de deux musiciens (un guitariste et un batteur/bidouilleur) qu’elle monte sur scène. Elle vient nous présenter son premier album, “Private Joke” aux sonorités pop, acoustiques et légèrement électronique. Il est sorti en début d’année et on vous le recommande. C’est avec le très électro “Follow me”, qui ouvre cet album, qu’elle entame son concert, comme une invitation à entrer dans son univers. Elle enchaîne avec l’entêtant et dansant “Just For You”. Assis sur sa chaise, chacun se met à hocher la tête. Ces deux premiers titres sont puissants, l’habillage visuel et lumineux de l’abbaye rend l’ensemble tout simplement splendide. La demoiselle occupe l’espace scénique et y va généreusement sur les pas de danses, donnant une impression d’ensemble très dynamique.

Joke (de son vrai prénom), prend ensuite la parole pour expliquer l’honneur que cela représente pour elle d’être ici ce soir. Elle donne aussi quelques explications sur les titres qui vont venir : une chanson sur les violences conjugales et la manière de s’en relever (“Still Standing”), et une autre sur l’assassinat de 4 personnes (“The Sniper”). Ces deux titres sont plus posés mais on retrouve toujours cette touche électro bien équilibrée. Beaucoup de sujets lourds sont abordés dans ses chansons, mais avec une touche d’espoir. Sa musique colorée et rythmée sonnant comme une réponse aux choses néfastes de la vie.
On passe ensuite dans un registre complètement acoustique avec le titre “Mum and Dad”. Elle y est accompagnée par une discrète guitare et une batterie murmurante. C’est seule en scène qu’elle continue son set et s’en va derrière son piano pour un titre aux allures de confidence. La chaleur aidant, c’est une invasion d’insectes volants qui tournoient autour d’elle dans le halo du discret spot blanc qui l’éclaire. Retour de ses deux acolytes pour le mid-tempo “I’m Going Home” et un passage instrumental. Le Loup revient ensuite sur scène toute vêtue de rouge, tel le petit chaperon rouge.
Au même moment un train passe dans la nuit de l’Abbaye, tel un vaisseau lumineux lancé dans l’obscurité de la nuit. On se répète, mais l’habillage visuel et lumineux rend le lieu et les concerts complètement magiques et hors du temps, offrant aux artistes et au public des moments inédits et un relief nouveau à leur répertoire. Encore un titre au piano, et en français pour le coup, et la fin du set pointe gentiment le bout de son museau avec le très lumineux “My heart”. Elle revient en rappel, d’abord en solo pour un titre au piano et ensuite accompagnée de ses musiciens pour “Let Go”. OK, on va y aller, alors que l’abbaye s’illumine dans la nuit.

Le seul reproche que l’on peut faire à son set repose sur le fait que son album a été très produit, peut-être même un peu trop pour le passage au live. Ce qui l’oblige a jouer sur scène avec beaucoup (trop) de bandes préenregistrées, notamment aux niveaux des voix et des chœurs. Il en découle une impression d’un ensemble peu artificielle. Il nous manque parfois un peu le coté “artisanal” que l’humain apporte à la construction d’un concert. C’est ce qui doit être, selon nous, le moteur d’une prestation live. Mais nous sommes peut-être un peu trop “sectaire” sur ce point ? Avec deux musiciens pour l’accompagner cela nous a parfois paru un peu juste pour reproduire la richesse et la diversité des sonorités de son album. Attention cependant, ce qu’on a vu et entendu était très agréable à l’œil et à l’oreille, et d’une qualité irréprochable. Avec un peu plus de “live”, Le Loup nous aurait dévoré définitivement.

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