Avant son concert au Cirque Royal le 14 décembre prochain, Scènes Belges a rencontré Renan Luce de passage à Bruxelles. Un retour “orchestral” cinq ans après son dernier album.
On rencontre un Renan Luce détendu, accompagné d’un verre de vin blanc, dans l’hôtel/auberge artistique Funkey hôtel à Bruxelles.
Scènes Belges :
Bonjour Renan, si on se rencontre aujourd’hui, c’est pour parler de votre nouvel album. Un opus personnel à plus d’un égard puisque que celui-ci tout d’abord éponyme, mais il puise également son origine dans une rupture sentimentale forte que vous avez vécue.
Du coup, le choix de l’orchestre peut surprendre, car on aurait tendance à imaginer qu’un album très personnel, intime, se ferait plutôt tout en minimalisme, en simplicité à l’aide d’une guitare. Alors qu’ici c’est tout l’inverse.
Renan Luce :
“Justement, c’est pour rendre hommage à ces sentiments, qui étaient très forts, que j’ai choisi de jouer avec un orchestre. Je voulais une musique plus virevoltante et plus intense. J’avais le sentiment qu’il fallait transmettre mes sentiments de manière plus tonitruante que « simplement » à la guitare.
J’ai composé la plupart des morceaux au piano, parfois à la guitare, et quand j’ai fait les premières ébauches, j’ai directement eu le sentiment qu’il manquait quelque chose. Les mélodies étaient plus fortes qu’avant, donc ça m’a donné envie de me diriger vers quelque chose de plus puissant, de plus orchestral, ce qui fait également écho à des références que j’aime et que j’écoute particulièrement comme Bécaud, Brel ou Aznavour.
Mais je ne voulais pas non plus quelque chose d’écrasant. C’est ça aussi la force de cet orchestre (Sinfonia Pop Orchestra). Ce n’est pas un orchestre symphonique, il est plus léger et ne prend pas la place de ma voix ou de ma musique.
Je voulais que ça reste fin, délicat, que ça souligne les mélodies.”
S.B. : Toujours sur le choix de l’orchestre, les artistes ont tendance à se diriger vers l’électronique quand ils souhaitent apporter un virage ou un changement dans leur musique. Vous avez choisi de rester dans le « classique » en apportant une dimension plus importante. Avez-vous envisagé la musique électronique comme une possibilité ?
R.L. : “Pour être honnête, la musique électronique, ce n’est pas moi. Même si j’apprécie beaucoup les artistes qui arrivent à créer un mélange entre les genres, comme Damon Albarn par exemple, qui garde une musique très organique tout en utilisant des sons électroniques.
Ici, j’étais tellement dans une envie de vérité, de quelque chose d’un peu brut. De plus, la musique française classique, fait clairement part de mon identité musicale.J’en ai beaucoup écouté, et c’était aussi un défi personnel. Je voulais que ce soit un projet imposant, ambitieux voire même un presque risqué.”
S.B. : Si l’on regarde votre discographie, on constate que vous prenez de plus en plus de temps pour réaliser vos albums. Il vous a fallu trois ans seulement entre les deux premiers, puis cinq ans entre les deux derniers. Comment expliquer cette évolution ?
R.L. : “Je pense que ça correspond à une période « d’arrêt » que j’ai eu. J’étais peut-être un peu perdu musicalement. Les deux premiers albums sont un peu « cousins », et dans le troisième je ne savais peut-être pas trop exactement où je voulais aller. Cet album était très sincère, mais aujourd’hui, je ne me m’y retrouve plus trop.
Et puis il y a la vie, la situation que j’ai vécue était assez déstabilisante. Ensuite, j’ai beaucoup tourné pour le troisième album, durant près d’un an et demi. J’ai aussi pas mal travaillé avec mon frère (Damien) sur d’autres projets un peu différents.
Lorsque j’ai commencé à composer le dernier album, il y avait vraiment la thématique de la rupture qui était récurrente. J’étais dans une période de doute assez profond, aussi bien musicalement que sentimentalement. J’ai donc pris pas mal de recul par rapport à tout ça.
Quand j’ai fait une première chanson qui parlait vraiment cette épreuve sentimentale, je me suis dit « ok c’est bon, une ça suffit » mais par après, j’ai réalisé que ce sujet revenait constamment, et qu’au lieu d’essayer de l’étouffer, je devais plutôt me laisser parler.
Enfin, en avançant dans l’écriture de l’album, on a du trouver les bonnes personnes pour travailler dessus. Tout ça prend du temps, ce qui explique la durée entre les deux projets.”
S.B. : En France, vous avez déjà pas mal tourné avec cette formule orchestrale. Quels retours avez-vous eu jusqu’à présent ? Comment la ressentez-vous ?
R.L. : “En faite, je l’adore ! Je crois que je n’ai jamais autant aimé une tournée. Comme c’est un orchestre qui accompagne plusieurs autres projets sur le côté, comme des ciné-concerts, musique de film, j’avais quelques craintes sur la manière dont il allait se greffer sur les mélodies… Mais aujourd’hui, avec ces sonorités, je me sens tellement dans mon élément !
En plus de ça, sur scène, il y a vraiment quelque chose de très vivant, virevoltant, je me répète un peu mais ce terme se prête parfaitement à ce que je ressens vis-à-vis de cette création. Aussi, l’orchestre est très jeune, et on sent que tout le monde est concerné. On vit des moments humains très forts.”
Avant de clôturer, est-ce que vous avez déjà une idée du prochain concept ? Est-ce que l’orchestre restera ? D’autres inspirations ?
R.L. : “Non je n’y ai pas encore pensé, mais j’avoue que sortir d’un projet aussi grand ne sera pas évident. J’aurai peut-être du mal à revenir à quelque chose de plus minimaliste, de plus sobre.
Il y a peut-être une approche une synthèse à faire entre ça et ce que je faisais avant.”
S.B. : Ou des collaborations ?
R.L. : “C’est vrai que bizarrement, ma démarche (et la manière dont j’ai commencé la chanson) est très solitaire. Je pense que je n’aime pas trop ça, c’est comme ça que je fonctionne. J’ai une démarche très personnelle, très empirique. Même si j’ai déjà travaillé avec et pour d’autres artistes.
Après, il y a pas mal d’artistes que j’admire, mais cette admiration me bloque un peu. Peut-être qu’un jour j’arriverai à débloquer cet aspect de ma personnalité artistique et à proposer à ces artistes de créer quelque chose ensemble.”
S.B. : Cet album, en quelques mots ?
R.L. : “Vérité, je voulais que ce soit ma vérité, me libérer. Et survie, car ces titres représentent autant une survie personnelle, que par rapport à ma démarche artistique.”
Renan Luce et le Sinfonia Pop Orchestra se produiront au Cirque Royal le 14 décembre prochain : https://www.cirque-royal-bruxelles.be/evenement/renan-luce-2019-12-14-2000