Après avoir été jusqu’au bout de la nuit d’une première journée bien chargée nous voilà reparti pour arpenter de haut en bas l’Abbaye de Floreffe pour une seconde journée de festival qui affiche complet. A force de monter et descendre on y brûle un sacré paquet de calories. Au menu du jour : un peu d’errance pour partir à la découverte de nouveaux sons, en se laissant porter par nos tympans et les “good vibes” du festival. Les corps et les esprits des festivaliers sont déjà bien marqués par les concerts de la veille et par une nuit au camping forcément festive. Pareil pour les organisateurs qui ont été contraint de pallier à une panne de courant dans la région. Mais cela n’a pas entravé le bon déroulement des concerts.

Très honnêtement, l’affiche de cette deuxième journée était celle qui comportait le plus d’inconnues pour nous en dehors des têtes d’affiches que constituaient L.E.J. , Michael Kiwanuka et Fakear. C’est donc de bons conseils avisés et nos oreilles qui nous ont guidés tout au long de cette deuxième journée.

 

Et on a attaqué le menu du jour au Jardin avec le Camerounais Blick Bassy sur le coup de 14h30. Plongée totale et immédiate mais en douceur au cœur de l’Afrique Noire et de ses villages reculés. Un bon moyen pour les festivaliers de sortir gentiment de leur torpeur. Il chante en chuchotant presque, nous invitant à écouter ses confessions sur un fond de cordes, de cuivres et de synthés. Et puis par moment sa voix s’emporte dans de belles envolées aiguës typiques des voix chaudes d’Afrique.

 

On descend ensuite tout en bas à la scène Futuro pour le set endiablé et survitaminé de l’extravagante Pongo. Elle va balancer une heure durant son “Kuduro” (mélange de break dance, samba angolaise et électro) sans temps morts. Des sonorités que l’on retrouve quelque peu dans le titre “Ta fête” de Stromae, mais dans un rythme bien plus musclé encore. Elle arpente la scène de gauche à droite avec des jetés de jambes dans tous les sens et autres booty shakes. Elle tient la forme et le public la suit sans concessions dans cette démonstration d’énergie intense.

 

Retour au jardin pour les Ogres de Barback qui fêtent déjà leurs 25 ans de carrière. C’est une foule compacte et réactive qui les accueille sur scène pour un concert fidèle à leur image depuis toutes ces années : de la chanson française à tendance alternative sur fond d’instruments aussi divers que variés, où se mêlent notamment guitares, flûtes en tout genre et autres instruments à cordes . Ils viennent présenter leur nouvel album ” Amours grises et colères rouges”. Et c’est toujours le chant si caractéristique de leur chanteur qui nous interpelle : il semble nous raconter ses histoires comme on le ferait à un enfant en nous faisant penser à un Georges Brassens dans ses intonations. Et toujours à un moment l’ensemble s’emballe dans une mélodie de fête et de danse joyeuse. Le tout sous un beau soleil de fin d’après-midi.

Direction la scène Alpha pour assister au set tout en douceur et délicatesse de la jeune brésilienne Dom La Dena. Violoncelliste, chanteuse et compositrice, c’est donc tout logiquement qu’elle se présente seule sur scène. Après un première partie où elle est assise avec son violoncelle, la seconde partie se veut plus dansante et elle même sur scène se met debout. Elle tente d’improviser un concours de danse dont le succès sera mitigé mais dans un second degré tout à fait assumé. Elle chante en portugais (sa langue maternelle), en espagnol, en anglais et en français (parfois dans la même chanson!). Bref elle nous fait traverser les continents et les océans avec volupté.

C’est ensuite sous un soleil couchant que Michal Kiwanuka, la première “grosse tête d’affiche du jour”, monte sur la scène du Jardin. Une heure durant il va faire s’écouler une douce et tendre chaleur de sa soul. Esperanzah! c’est “good vibes” on vous disait hier, et bien ça l’est encore ce soir. Sa ballade au succès mondial “Home Again” rencontre bien évidemment un joli succès l’applaudimètre. Mais c’est une belle prestation d’ensemble qu’il nous offre lui et sa guitare, mais aussi avec ses musiciens et ses choristes.

 

On entame ensuite une énième transhumance vers le Futuro où l’ambiance est toujours bouillante pour aller voir ce qu’à dans le ventre Georgio et son rap nerveux. Nerveux, mais pas que, puisqu’il agrémente son flow de passage plus chanté et mélodique. Idem pour ses paroles, où se mêlent passages bruts et d’autres plus poétiques, touchants et romantiques. Il est accompagné d’un batteur, d’un beat-maker et d’un MC. Le light show est impressionnant et en accord avec chacune de ses chansons. On ne l’avait pas mis dans notre top 3 des concerts du jour à voir mais son concert restera une très bonne surprise pour nous.

Vient ensuite le cas de la seconde grosse tête d’affiche du jour avec le trio féminin de L.E.J. (pour les initiales de ses trois membres : Lucie, Élisa et Juliette) tout droit venu de France. Leur concert faisait partie de nos incontournables et sincèrement ce qu’elles proposent à de la gueule et est même assez couillu : venir mélanger avec justesse des harmonies vocales, du gospel et la culture hip-hop sur fond de beats électros. Et on se laisse vite embarquer par leur jeu de scène où à trois sur scènes elles font le job complet avec batterie, violoncelle, guitare, batterie et électro-paddles notamment. Le tout en harpentant la scène dans des pas de danse qui en jettent. Leur victoire de la musique de révélation scène obtenue en 2017 est justifiée. Mais par contre on a eu un souci avec leurs interventions entre les chansons. Clairement ça sentait (voir puait) le texte écrit à l’avance, blindés de références plus ou moins démagos pour se mettre le public belge dans sa poche. Mais quand c’est gros comme une maison et que ça se répète entre chaque chanson ça en devient crispant, jusqu’à l’overdose. Une bonne partie du public ne s’y est pas laissé prendre. Dommage car artistiquement ça dépote et ça sort des sentiers battus des musiques actuelles entre compositions originales et mash-up de covers.

On les abandonne donc un petit quart d’heure avant la fin de leur set pour la dernière descente au travers de l’Abbaye. On arrive alors au Futuro pour le set de Fakear, que nous avons eu la chance d’interviewer plus tôt dans la journée (le compte-rendu de son interview sera prochainement disponible sur le site, tout comme pour Thylacine la veille). Une sorte de demi-sphère d’écran est positionnée sur scène. En son sein, et en demi cercle on retrouve plusieurs paddles, une basse et un fût de batterie. Fakear s’installe au centre de tout cela et se lance dans un set électro-world dense et rythmé. Il pivote pour venir bidouiller ses sons et construire ses morceaux sur tout son attirail électronique. La scène Futuro permet d’envoyer des lignes de basses ultrapuissantes et profondes qui rendent son set très physique. C’est bouillant, au milieu de son set Fakear prend la parole et confie avoir envie de dire quelque chose avant de lâcher un rageux “doureuuuuuuuuuh” reprit en cœur par le public. Le public qui danse et se laisse emporter aux quatre coins du globe par ses samples qu’il est allé piocher aussi bien dans les confins de l’Asie que du Moyen-Orient via des vidéos Youtube. Mention spéciale au très beau et lumineux “Lost Colours” issu de son dernier album en date. La plaine située devant la scène est bondée et la masse de festivaliers venus se déhancher déborde allégrement dans les allées du festival. Au milieu du set il envoie son hit qui l’a fait connaitre au grand public avec “La Lune Rousse” et son chant entêtant. Il vient achever son set avec le magnifique “Chakra” qui résonne et scintille dans la nuit étoilée de l’Abbaye. Good Vibes, encore et toujours.

Il n’est pas loin d’une heure et demi du matin lorsque nous quittons le site de l’Abbaye en devant nous frayer un chemin au milieu des festivaliers qui continueront à danser au son des soundystems jusque (trop) tard dans la nuit. Le repos des explorateurs sonores a sonné pour nous. Fin de l’acte 2 d’Esperanzah! 2019.

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