C’est dans le cadre du mouvement « The Sound of Protest » que l’AB laisse retentir les voix des protestations sociales turques dans l’enceinte de ses murs. La Turkish psychedelica night prend place dans un climat social et politique délicat, mais qui reste une source d’inspiration pour de nombreux artistes.
La psychédélique est considérée, depuis un moment déjà, comme la favorite de la scène indépendante internationale. Avec des héros et héroïnes populaires comme Selda Bağcan ou des artistes contemporains tels que Gaye Su Akyol ou Derya Yildirim. Le point commun de ces artistes ? Ils se réfèrent tous à l’apogée de la psychédélique dans les années 60 et 70, quand le rock / folk anatolien fusionnait avec le rock’n’roll occidental. Mais pas seulement. Ce sont aussi des artistes engagés, et pour certains, des activistes politiques.
Petit récap’ d’une soirée turco-turque dans les salles de l’AB :
DERYA YILDIRIM & GRUP ŞIMŞEK : entre désir et mélancolie
C’est Derya Yildirim & Grup Şimşek, qui ont ouvert les festivités lors de cette Turkish psychedelica night. Il a suffi de quelques secondes pour que sa voix nous transporte littéralement. La chanteuse est également multi-instrumentiste et interprète des sons mélangeant folk turc, grooves et psychédélique. En plus de ses propres compositions, Derya Yildirim a également interprété des joyaux de compatriotes comme Selda, le pionnier du rock Barış Manço, Moğollar (pères fondateurs du folk rock turc).
SELDA BAĞCAN & BOOM PAM : la star de la soirée
Du haut de ses 70 ans, Selda, avec sa merveilleuse voix, nous a entraînés dans un univers qui a visiblement rendu nostalgique une salle tout entière ! Elle était accompagnée du groupe israélien Boom Pam. Ce sont les messages sociopolitiques de ses chansons qui ont rendu populaire Selda auprès des milieux militants de gauche dans les années 70. Depuis, la grande dame a fait trois séjours en prison et a été persécutée par le régime militaire après le coup d’État turc de 1980. Ces événements ne l’ont jamais découragé dans son militantisme. Elle a d’ailleurs beaucoup soutenu les manifestants du parc Gezi en 2013.
C’est incontestablement pour Selda que la majorité du public s’était déplacé ! L’icône a littéralement transformé la grande salle en karaoké géant ! Je dirais que 99 % du public pouvait entonner ses chansons par cœur. Ce qui par contre n’était pas mon cas. Heureusement, j’étais accompagnée de mon amie Marie, photojournaliste belge résidant à Istanbul. De passage à Bruxelles, elle a sauté sur l’occasion de voir Selda en concert. C’est à travers elle que j’ai vécu mon concert. Elle n’a pas attendu la deuxième chanson pour jouer des coudes et m’entraîner au milieu de la salle et débuter un halay, suivi d’une dizaine de personnes ! Le halay est une danse folk d’Anatolie, qui se danse en rond, tout en se tenant les petits doigts !
GAYE SU AKYOL
Après ces deux premiers concerts, le public a été invité à se diriger vers l’AB Club pour assister au concert de Gaye, dont la musique est influencée par ses racines turques. L’artiste n’étiquette pas ses chansons comme étant une brochure politique, mais ceux qui l’écoutent bien entendront dans ses paroles des critiques assez pointues sur le régime turc actuel.
Le choix de diriger le public vers l’AB club était par contre risqué. Bien que la salle soit plus intimiste et colle mieux à la performance de Gaye, elle était toutefois pleine à craquer. Aucune chance donc de profiter du dernier concert.