Non loin de l’Atomium où il avait donné un concert incroyable, il y a bientôt quinze ans (vidéo ici), Jean-Michel Jarre a transformé le Palais 12 en soucoupe volante entre hier, aujourd’hui et demain, le temps d’un dimanche soir. Parrain et pionnier (parmi quelques autres) d’une électro aura comme défi, tout au long des prochaines années, de toujours plus résonner en live (dixit l’ami Malik), Jean-Michel Jarre a assis (!) sa suprématie. Ne dites plus Daddy Dj mais Papy Dj, même si à 68 ans, Jarre semble plus avoir de prise sur le temps que le temps sur lui.
Avec Jean-Michel, nous ne sommes jamais au bout de nos surprises mais en arrivant au Palais 12, celle-là on ne s’y attendait pas du tout: la salle en configuration assise va loger à la même enseigne les jeunes clubbers comme les anciens du bal musette. On s’assied sans tout autant comprendre la logique, ce soir Jean-Michel Jarre fera danser des chaises. En attendant, en première partie, Marco Grenier balance la sauce, sous influence du maître pour lequel il prépare une voie royale.
C’est le moment, c’est l’instant, un bruit lourd ébranle nos oreilles (on ne sait s’il les bouche ou les débouche) et l’aventure, épique à souhait, peut commencer. Seul commandant (soutenu par les excellents Claude Samard Polikar et Stéphane Gervais aux batterie, claviers globe-trotters et autres animaux analogiques) à bord de ce qu’on pourrait comparer à l’Enterprise, Jean-Michel n’a pas son pareil pour nous entraîner dans un déluge de sons électro dont il a le secret et dans quelques projections dantesques. Pas de comète à l’horizon (après 45 ans de carrière, Jean-Michel Jarre n’a rien d’une étoile fulgurante), mais le “coeur du bruit”, immense, intense, démentiel. Même si pour le coup, sur notre petit siège, on a du mal à ressentir la chaleur du show. On n’est pas amorphes pour un sou, mais la position guère conseillée pour un concert électronique inhibe un petit peu toute la bonne volonté des mélodies magnétiques du Français.
Vingt minutes plus tard, ça va mieux, Jarre brise peu à peu la frontière instaurée par ce bataillon de sièges trop ordonnés. Dans une des allées, une dame s’est levée et se défoule, seule mais pas le moins du monde ridicule. Elle sera suivie par d’autres, tout au long du concert. La musique nous enivre, la tête bat de tous les côtés, après le doute, l’épopée musicale entre en nous pour ne plus nous quitter.
Pas de place pour le doute, faisant le lien entre ses deux derniers opus (qui forment un diptyque anthologique et inestimable de ce qu’il se fait de mieux en électro), Jarre leur fait la part belle (on parle politique et engagement tout en cherchant la porte de sortie aux manipulations diverses avec le lanceur d’alertes Edward Snowden, on s’éclate avec les Pet Shop Boys, on se laisse envahir par les échos des M83) tout en n’oubliant pas ses bons vieux succès: le fameux Souvenir de Chine, une bonne dose d’Oxygène aussi, quelques Equinoxe.
“Vous êtes chez vous ici“, lance le pionnier-conquistador qui semble plus à l’aise derrière les claviers que derrière le micro. À l’heure, où nos écrans de cinéma vont voir débarquer Doctor Strange, nous, nous sommes convaincus de l’avoir devant nous, en chair et en os, en laser aussi. Comme cette harpe de lumière, pas franchement convaincante, mais d’une beauté imparable. L’odyssée se termine tout doucement, mais c’est le cœur plongé dans une tonne de rêves numériques, entre futur et passé, que nous quittons le vaisseau amiral du Palais 12. Aux limites du radioactif, Jean-Michel Jarre n’a rien perdu de sa flamboyance et de son incandescence!