Quiconque a rencontré Julien Doré pourra en témoigner. Il est un artiste et un homme heureux. Son sourire éclatant envahit son visage et une énergie particulière se dégage de ce garçon. Cette semaine, c’est à Bruxelles que s’était arrêté le LØve Tour et plus précisément à l’Ancienne Belgique. Pour la troisième fois, le français prenait possession d’une des salles les plus emblématiques de la capitale et ce après plusieurs rendez-vous en Belgique cet été (Francofolies de Spa, Ronquières festival, Maison de la culture de Tournai,…).
Une scène plongée dans l’obscurité, un énorme LØve lumineux en guise de décor, des instruments rassemblés sur un tapis oriental, tel était le tableau auquel Julien Doré allait donner vie. Et quelle vie !
Les fumigènes se propagent, les premières notes retentissent et le public s’embrase. Il est là, de dos, tout de noir vêtu, avec, dans la dégaine, ce je ne sais quoi de fauve et d’animal qui en font un des hommes les plus sexys du moment.
C’est très concentré, les traits un peu plus tirés que d’habitude, qu’il entame son set, puisant au fil de son répertoire les morceaux les plus emblématiques. De « On attendra l’hiver » à « Paris-Seychelles », son dernier album se révèle sous d’autres auspices au gré de la fantaisie du chanteur et ses musiciens. Les arrangements se veulent à la fois rock et sensuels, l’énergie est immense (“Kiss me Forever” a littéralement emporté le public sur une chorégraphie entrainante) et l’échange avec le public se veut naturel. Il est vrai que Julien Doré a mis un point d’honneur à créer un rapport particulier avec son public. Avec la simplicité et la bienveillance d’un homme serein, il a tissé depuis de nombreuses années un lien fort et unique qui se renforce à chaque disque et à chaque concert. Cette fois encore, il a déployé toutes les facettes de son talent (chanteur, musicien, comédien, plasticien) pour envoûter la salle.
Comme à son habitude, il a escaladé les barrières, il a touché les gens, il a traversé la foule. Et c’est là finalement peut-être le seul bémol à cette fabuleuse soirée. Julien Doré a toujours été atypique et surprenant. Jouant la carte du dandy et de l’esthète, il a développé un univers particulier fait de beauté et de finesse mais aussi de surprises. On se souviendra de ses premières ballades dans des fosses hystériques, de ses premières cascades aux balcons des théâtres et autres salles de spectacle. L’effet de surprise était énorme et coupait le souffle. Il osait le Julien, personne ne faisait ça à part lui. Cette AB manquait sans doute de surprises et d’audace même si Julien Doré a rempli le cahier des charges qu’il s’était lui-même fixé. De la musique de qualité, des moments intimes, des passages rock, des œillades langoureuses, des sourires ravageurs, un contact énorme avec les spectateurs, de la grimpette et de la plongée au cœur du public.
Peut-être est-ce justement parce qu’il s’agit d’une énième date de cette très longue tournée, que les mises en scène ont été vues et revues ou peut-être est-ce lié à une fatigue toute légitime chez l’artiste, mais ce concert était plus convenu, plus attendu. C’est sans doute le revers de la médaille. Un public fidèle, qui remplit des salles et qui porte Julien Doré depuis des mois implique aussi un besoin de renouvellement continu si on veut éviter la fatigue, voire l’habitude. Toute LØve story connait des hauts et des bas.
Cela n’enlève rien à la qualité de la prestation bruxelloise qui a été fabuleuse. Il y avait certainement dans la salle des fans heureux de se sentir comme chez eux dans ce spectacle, des nouveaux venus qui découvraient les yeux écarquillés le phénomène Doré mais il y avait aussi des habitués qui, jusqu’à la dernière minute, ont pu espérer ce petit plus qui aurait rendu ce concert encore plus unique.
Qu’importe, l’effet Julien Doré était là, et c’est finalement l’essentiel.