Je roule vite. Ou peut-être n’est-ce qu’une impression, une sensation. Les arbres défilent à toute vitesse, balisant le macadam luisant de la route plongée dans l’obscurité. De temps à autre, des appels de phares me rappellent que je ne suis pas le dernier humain sur Terre et je corrige ma trajectoire le temps d’une incursion dans la réalité. J’ai raté ma sortie, dépassée il y a cinq minutes. Ou peut-être était-ce cinq heures ? Peu importe. La musique qui inonde l’habitacle de ma voiture choisit pour moi. Le temps s’arrête et rien n’a plus d’importance, j’oublie même le battement sourd de la pluie automnale sur mon pare-brise. Elle fait partie intégrante de l’atmosphère sonore qui me grise. Comment pourrais-je déjà rentrer chez moi ? L’album ne fait que commencer…
La pop-folk électrisante de ThomC m’a une fois de plus pris en otage, s’infiltrant par les pores de ma peau, s’appropriant mes émotions et jouant avec ma mécanique intérieure le temps d’un album. Cet album, c’est Lightcharges, le nouveau bébé de Thomas Cacciapaglia.
J’ai découvert l’artiste Fleurusien il y a près d’un an, alors que je chroniquais son EP Waiting Rooms. Ce dernier fut probablement une de mes découvertes musicales les plus bluffantes de l’année dernière. J’avais alors été happé par la puissance aérienne et la délicate mélancolie que dégageait l’œuvre. C’est donc avec une certaine appréhension, celle d’être déçu, de ne pas vibrer comme aux premières écoutes de Waiting Rooms, que je me suis plongé dans ce généreux ‘14 titres’. Mais il n’en fut rien : indéniablement, la magie opère toujours !
Lightcharges est le résultat de près de deux ans de travail. Après une tournée copieuse, une cinquantaine de dates aux quatre coins de l’Angleterre, ThomC a pris de la bouteille et nous revient pour présenter ce deuxième album, qui sortira le 11 octobre.
Inspiré de l’œuvre et de la vie de Nicolas Tesla, Lightcharges nous offre un très beau voyage dans un paysage pop-folk aux teintes british, agrémenté de textures électriques, de sons d’ambiance, de percussions inédites et d’une touche rock apportant une certaine puissance à l’ensemble. Les instrumentales sont nourries, consistantes, et jonglent avec les ambiances, de l’épique à l’atmosphérique. Les notes s’agencent intuitivement pour former un tout organique, qui semble exister par lui-même et pour lui-même. Le flot coule naturellement, s’amplifie, se rythme et ondule à la manière d’un être vivant. Comme si ThomC n’en était pas l’auteur, mais simplement le dompteur.
Mais c’est dans son rôle de support au chant que l’instrumentale prend tout son sens. Car c’est réellement la voix de Thomas qui donne corps à son œuvre… Pleine d’ambiguïté, celle-ci se révèle puissante et apaisante, grave mais capable de flirter avec les aigus, feutrée et pourtant claire comme de l’eau de roche. Quelques belles envolées lyriques vous saisiront probablement à la gorge d’une poigne ferme, bien que gantée de velours. C’est dans ces contradictions, cette malléabilité, que l’expérience musicale qu’offre ThomC puise toute sa richesse. Lightcharges dégage une défoulante énergie, tout en vous installant dans le confort d’une atmosphère ouateuse.
Il faut reconnaître que, pris individuellement, tous les morceaux ne m’ont pas autant fait vibrer. Mais leur variété forme un tout homogène conférant à l’album une ossature cohérente. Si je ne devais en choisir qu’un, mon coup de cœur irait pour Lightcharges, chanson éponyme ouvrant l’album et lui offrant une intro particulièrement immersive. Le titre Rough Notes Of Legacy, la délectable langueur de Once and For All et le plus groovy Blackout In My Senses ont aussi, et entre autres, délicieusement titillé mes sens. Mais Lightcharges est un album qui s’écoute en entier, d’une traite, chaque morceau apportant une pierre à l’édifice, une nuance à l’harmonie globale de l’œuvre.
Je ne peux conclure sans saluer la qualité artistique de l’illustration de couverture, réalisée par Damien Sprumont. Arborant une Tour de Tesla bleutée, esquissée à l’aquarelle sur du papier parcheminé, la pochette de l’album est empreinte d’une élégance vintage qui présage de la classe de son contenu.
Vous l’aurez compris, je conseille allègrement Lightcharges. Il a le pouvoir de vous emmener déambuler dans des contrées faites d’emphases, qui n’ont de palpables que le ressenti pur. Montez le son, fermez les yeux et laissez-vous porter par votre âme. À moins que ce ne soit celle de l’artiste ? Sans doute la fusion des deux produit-elle cette alchimie qui prend aux tripes. Car l’art s’approprie, se co-construit. On est ici en plein dedans, ThomC ayant cette faculté de vous immerger dans son univers pour faire vôtres ses émotions. Si vous l’acceptez…
Release Party et sortie de Lightcharges le 11 octobre 2014
Pour lire la chronique de Waiting Rooms
PS : prudence au volant…