Vendredi dernier la nouvelle scène électro parisienne venait proposer un aperçu de ses dernières exubérances au chapiteau des Nuits Botanique. ScenesBelges répondait présent.
Le public était venu en masse pour l’occasion (sold out plusieurs jours avant le concert). Pour qui sait prêter l’oreille, les expats français composaient une belle fourchette du panel et cela doit bien signifier quelque chose ! Si ces derniers venaient vraisemblablement revoir Flavien Berger et Bagarre, le public belge avait pour sa part plus de chance de découvrir pour la première fois ces nouvelles têtes musicales sur scène.
Pour moi, la découverte ce fut Bagarre. Le chapiteau était déjà bien rempli quand les cinq déginglos entrèrent en scène. Jouant de leur nom et de leur look de banlieusard, le groupe installe très rapidement son atmosphère particulière tandis que les corps se mettent à bouger et danser au son de lourdes basses et d’un synthé Korg du plus bel effet. Après une introduction un peu longuette qui martèle pendant plusieurs minutes avec un enrobage sonore simpliste et caricatural les quatre mots « Bonsoir, nous sommes bagarre » dans un délire de modulation sonore, le premier vrai morceau démarre.
Le néophyte que je suis découvre alors que les protagonistes sur scène ne sont plus là où ils devraient être… le chanteur est au clavier, une claviériste se découvre chanteuse. On touche là, le cœur de l’expérience Bagarre. Presque toutes leurs compositions sont interprétées par une formation scénique différente ! Mis à part le batteur, les quatre autres membres bougent de poste à chaque nouveau morceau, échangent leurs instruments, révèlent des guitares… Cela se matérialise par une grande variété d’interprétation d’un même esprit musical et par une mise en scène particulièrement efficace qui permet à chaque membre de prendre les devants l’histoire d’un morceau. Toujours surprenantes, les compositions sont faites pour vous faire bouger. Les textes français plutôt simplistes mériteraient à mon sens un plus grand travail, alors que le mélange des sonorités est lui très rafraîchissant. Après le premier choc de la découverte, les corps ne s’arrêteront plus de bouger jusqu’à la fin du concert. Pour un jeune groupe de jeunes gens, l’expérience live est particulièrement maîtrisée et le chanteur principal impose avec facilité un style décontracté et bienveillant. Se risquant même à investir le public dès les premiers morceaux et à le faire participer à ses mises en scène, il parvient à créer un lien solide qui ne fait que se renforcer jusqu’au dénouement.
Une demi-heure plus tard, c’est au tour du très attendu Flavien Berger de venir démontrer son originalité et imposer son univers onirique. Deux claviers, plusieurs micros, un seul homme ; le changement est radical. Parisien de son état, le bonhomme entre sobrement en scène sous les acclamations d’une partie du public déjà convaincu, s’installe au centre de ses instrus – petit cocon qu’il ne quittera plus – et entonne ses premières vocalises. Il est relativement difficile de décrire la musique de Flavien Berger. Voyage kraftwerkien psychédélique d’une douceur irradiante ; la magie des sonorités, de ses textes et de son interprétation s’enracine directement dans les coins les plus reculés de votre cortex pour ne plus jamais retomber.
Fort d’un premier album très convaincant, d’EPs et de productions officieuses tout aussi marquantes (coin bon plan : son album de Noël « Contrebande » est disponible en téléchargement gratuit sur ce site !), Flavien Berger enchaîne les morceaux avec un naturel très prononcé. On a parfois l’impression – mais sans jamais que cela nuise à l’expérience – qu’il joue avant tout pour lui et que la fin des morceaux est l’occasion de se rappeler l’existence de son public (il a fallu attendre la moitié du concert pour qu’il réalise que le chapiteau était plus que rempli). Sans jamais reprendre tel quel ses morceaux studio, il façonne, traficote et expérimente sur scène la large gamme de sonorité à sa disposition. Et bon sang, c’est décidément très efficace ! On ressort de l’expérience apaisé et particulièrement marqué. Malgré l’absence de show visuel (alors que le bougre a des choses à proposer lorsqu’on voit ses clips), le jeu de lumière diffuse des couleurs en adéquation avec le caractère très planant de la musique. Le mélange crée une aura diffuse de douceur, un véritable sentiment de plénitude. À voir et à revoir.