Rendez-vous désormais incontournable des Nuits Botanique, l’édition 2016 de la Nuit Belge fut à nouveau une franche réussite. Offrant une belle opportunité de voir ou revoir quelques fleurons du milieu musical belge, dans toutes les salles du Bota, avec un seul ticket, elle est aussi LA soirée ‘ambiance festival’ des Nuits, à la fois festive et conviviale.
Je passe les portes du Bota vers 19h, mes doigts triturant nerveusement le programme, l’esprit préoccupé par les conflits horaires omniprésents tout au long de la soirée. Il va falloir faire des choix, je ne pourrai pas tout voir. Et le line-up est si équilibré que l’exercice s’annonce difficile…
Accred’ dans la main gauche, Affligem Triple dans la main droite, je m’engouffre dans le chapiteau pour entamer la soirée par une découverte des plus insolites : Bots Conspiracy. Sur scène, une créature de métal à l’allure cauchemardesque, au faciès de terminator, munie d’une carapace et plongée dans un sommeil de plomb, fait face au public intrigué qui commence à s’agglutiner. La bête, Scarabée de son p’tit nom, finit par se réveiller et crache sur l’auditoire un hip-hop ténébreux sur fond d’électro dark/indus. Tout n’est que vibrations, du plancher sous nos pieds aux tympans dans nos oreilles. Je reste fasciné par ce robot aux doigts grouillants, qui semblent me balancer à la tronche d’apocalyptiques prophéties. Je me délecte dix minutes de cette soupe grésillante de sons qui évoque le vacarme d’un chantier de masse, en rêvant de revoir le même set à 5h du mat’, dans l’obscurité des mûrs de béton d’un squat industriel, pour en apprécier pleinement l’univers. Mais ici, le concept, animé par un DJ/marionnettiste et un un ingé-light planqués en coulisses, s’essouffle rapidement, la répétitivité des morceaux installant une certaine platitude.
Ensuite, direction le Grand Salon, afin d’y retrouver les p’tits gars du Colisée. Malheureusement, ma bière et moi nous faisons refuser l’accès à la salle. Il semblerait que l’une de nous deux soit de trop. On boude quelques minutes devant l’entrée, les yeux dans les yeux, en écoutant les morceaux de concert qui nous parviennent. L’ambiance est à la fête et au psychédélisme. De la porte ouverte de la salle semble s’échapper des mélopées torturées et des riffs complètement barrés.
Devant la Rotonde, qui accueille le set de Victoria + Jean, s’étend une file de festivaliers impatients. Alors que l’on attend devant la porte que le mec de la secu – qui laisse entrer une personne à chaque fois qu’il y en a trois qui sortent – daigne nous laisser passer, un photographe en sueur s’extirpe de la masse : “N’essayez pas, ça ne sert à rien, nous dit-il, c’est complètement bourré. Mais c’est incroyablement génial! Les trois premières chanson, ils ont envoyés une de ces purées!” De quoi me faire rager encore plus d’être planté là, comme un chou, devant la porte de ce qui semble être THE place to be… N’empêche que je persiste et je finis par rentrer pour les quinze dernières minutes du show. Effectivement, l’ambiance est incendiaire ! J’escalade rapidement les gradins sur ma droite afin de pouvoir voir la scène. Le couple, acclamé, la possède d’une complicité hors du commun. L’attitude est rock’n’roll, une mèche rebelle cache la moitié du visage de Victoria, les artistes semblent être en transe… La chanteuse joue avec deux micros en même temps et les effets qui s’en dégagent donnent du corps au rituel amoureux qui se déroule devant nos yeux. La communication avec le public est loin d’être explicite – la musique de Victoria + Jean étant construite comme un dialogue entre les deux artistes – mais elle se suffit à elle-même. Un gros coup de poing dans le ventre qui me fait me promettre de retourner voir un de leur show, cette fois depuis le début.
On profite d’un peu de calme avant la tempête pour aller manger une gauffre chaude et un paquet de frites sur l’îlot à foodtrucks, tandis que l’anversois de Pomrad, maître du synthé-guitare, balance dans l’Orangerie son groove eighties, matiné de funk, de house et de rap. On attrape au bar de quoi faire glisser le tout et on s’engouffre à nouveau dans le chapiteau pour attaquer la pièce maitresse du line up : La Muerte. Après plus de vingt ans d’absence, le mythique groupe bruxellois nous est revenu le 16 avril avec Murder Machine, un EP tout frais qu’il ne leur restait plus qu’à présenter sur scène pour consommer ce grand retour. C’est donc avec une certaine appréhension que j’attendais ce concert. Et je ne serai pas déçu, car les malabars en ont encore sacrément dans le futal ! Sur scène, le band se déchaine, emmené par Marc du Marais, le chanteur, un sac de jute sur la tête. La salle se remplit d’une fumée âcre et odorante, émanant d’un autel bourré de crânes, de bougies dégoulinantes et de bâtonnets d’encens. Les guitares vrombissent, l’atmosphère se fait grasse, moite, et l’on assiste à un show sans fioritures, qui fonce droit au but. Pour rajouter une couche à ce décors sans détour, le groupe fait monter sur scène des invités tels que Front 242 ou Vive la Fête. On applaudira le show light excellent, bien que la projection vidéo de fond de scène n’ait pas la visibilité qu’elle mérite. Un grand moment dans l’histoire du rock belge !
Je quitte le concert en cours de route pour une ambiance radicalement différente. Sur les planches de l’Orangerie, Baloji entame son set ensoleillé et débordant d’énergie. Les morceaux issus de Kinshasa Succursale et 64 Bits & Malachite s’enchaînent et baignent le public de leur exotisme post-moderne. Mélange de rumba africaine et d’électro-beat, la musique de Baloji se créé un univers propre qu’on aime toujours autant. Malgré le ton grave des sujets abordés, c’est un show endiablé, joyeux et dansant que nous offre l’artiste, toujours accompagné du talentueux Orchestre de la Katuba. Lorsqu’il était venu nous présenter son EP en novembre dernier, j’avais dit de lui “qu’il débordait de fougue, de classe et de charme” sur scène. Je n’ai pas encore trouvé meilleure formule.
J’arriverai trop tard pour assister aux derniers morceaux de Robing Millions, qui clôture une édition 2016 de la Nuit Belge qui n’a pas à rougir de son organisation ni de son line up. Honnêtement, rien à redire, j’ai passé une soirée au top ! De quoi être fier de la scène belge…