Quand je vais à un concert, il est rare que je ne me sois pas renseigné à l’avance. Ce mercredi soir, pourtant, j’avais décidé de mettre mes oreilles à l’aveuglette et de suivre les envies de ma soeur (chronique à lire ici) à la rencontre de l’univers plus magique que musical du tendre gourou australien RY X.
Et une fois passé les militaires et policiers, on se dit que décidément rien n’ébranlera le pouvoir de la musique et de ces moments entre gens de bonne compagnie. On n’a plus peur du noir, alors on rentre dans l’Orangerie déjà bien garnie de spectateurs. Ici, certains sont venus plus pour la première partie que la deuxième. Nos voisins font leurs comptes: “T’imagines qu’on a payé 20€ pour voir les 30 minutes du projet solo d’un des gars de Balthazar?” Pas question de mage, ici mais bien d’un ectoplasme, d’un monstre du Loch Ness surgissant depuis quelques années sur de rares scènes avant de disparaître dans les limbes.
En effet, cultivant l’art de la surprise, voilà que prend place Warhaus, sorte de supergroupe à la belge (comme l’est Gonzo) emmené par Maarten Devoldere (évadé de Balthazar, donc) en compagnie de Sylvie Kreush (de Soldier’s Heart dont la popularité doit encore s’installer en francophonie) et de Jasper Maekelberg (de Faces on tv). Et il semble que le groupe encore bien mystérieux se concrétise enfin avec un premier single révélé il y a quelques jours, “The Good Lie”, et un album qui devrait voir le jour (“We f****d a flame into being”). Enfin, en attendant, c’est sur la scène de l’Orangerie que Warhaus accomplit toute son étrangeté, faisant liaison entre le monde de la nuit, confidentiel, et l’adoration publique.
Et pour le coup, mieux vaut ne pas avoir peur d’être bousculé, chahuté, heurté. Car la musique de Warhaus ne ressemble à rien de connu. Ça commence dans les cris stridents des trompettes et sur la danse magnétique de Sylvie Kreush, magnétique poupée ensorcelée par ce jazz décadent qui évoque les volutes torturées d’un Gainsbourg. Ici, on n’a pas peur de crier, d’exalter, on s’attend à voir surgir l’un ou l’autre monstre d’un cirque Freak de la pénombre. Ou peut-être est-ce le fantôme de Tom… Waits? La loopstation tire d’ailleurs des sons et des boucles qui n’ont rien d’humain. Warhaus est déroutant autant qu’incroyablement personnel. Souterrain et urbain, Warhaus est d’ores et déjà incontournable.
Le temps d’une courte pause, on revient à un semblant de normalité. Voilà venu le temps des bougies. Atmosphère veillée et rédemption pour accueillir l’australien, un peu hipster sur les bords, RY X. Traînant déjà une solide réputation, dans The Acid notamment, RY X est un sérieux rêveur, à un tel point que ses rêves, trop grands pour lui, il nous plonge dedans sans délai. Ma soeur m’avait dit que c’était bien, force est de constater que c’est mieux que ça. Dès les premiers morceaux, RY X impose son ambiance, entre le clavier, le violon et le violoncelle. Aux-côtés d’une batterie qui à certains moments, jouera si fort qu’on croirait qu’elle veut perturber le rêve. Et la voix de RY s’élève, divine, incroyablement divine. Touchante, toute la salle est hypnotisée.
Blogueur branché, je tweete et “instagrame” vite fait: “#RyX transforme le Botanique en cathédrale. Prenant et inquisiteur de nos rêves. Inouïe découverte.” C’est vrai que pour peu qu’il continue ainsi, ce personnage encore inconnu pour moi jusqu’ici risque de me donner les frissons intenses du meilleur concert de ma vie. Et il continue ainsi, trop malheureusement. Le guitariste et musicien peut compter sur ses textes très forts et évocatifs. Pourtant, il se perd un peu en rentrant toujours dans le même schéma: des chansons longues, commençant doucement avant de prendre envergure et puissance et de se transformer en longue transe musicale. Au fil du concert, tous les titres se ressemblent peu à peu. Heureusement, des chansons comme Beacon et Deliverance apportent un peu de diversité à ce concert au supplément d’âme incontestable. Mais trop tard, j’ai déconnecté, et suis retombé sur terre. Restera quand même un concert fort aux limites de l’épique mais tout en douceur et la timidité de cet Australien qui semble pourtant venir d’un autre monde. Le public est totalement séduit, et les acclamations durent longtemps.