Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, mais on en doute, le BSF a lieu jusqu’au 23 août. Festival capital, totalement repensé et diablement attirant au vu du nombre des noms prestigieux qui ornent ses affiches, le Brussels Summer Festival a jusqu’ici fait scène comble. Comme j’ai pu le constater lundi et mardi lors de deux soirées diamétralement opposées mais ne manquant certainement pas de charme.
Heymoonshaker, à deux avec la force d’une armée
Ainsi, lundi, arrivé dans la place. Le temps d’aller chercher les accréditations et j’ai pu constater la grande surprise. Je ne connaissais pas les Heymoonshaker. Mais de loin, sans les voir mais à les entendre, je pensais qu’ils étaient facilement dix sur scène. Contrôle sécurité, et les bras m’en sont tombés. Sur la grande scène du Mont des Arts, il n’y avait que deux hommes qui faisaient le bruit d’une armée. Une armée de percussion buccale emmenée par l’incroyable, que dis-je, le monstrueux Dave Crowe (il ne fait que du beatbox, sans fatigue ni sans relâche durant toute la durée du concert, physique!) soutenu par la guitare, elle aussi imparable, d’Andy Balcon. Le duo qui se proclame le “seul groupe de beatbox blues dans le monde” a assuré un show dingue, servi par des mélodies, des coups de semonce qui vous entrent directement dans la caboche et vous enivrent. Et quand, en plus, ces véritables bêtes de scène se révèlent sympathiques et entretiennent une vraie relation avec leur public. Une entrée en matière des plus réussies et un groupe à suivre, assurément. D’ailleurs, ils nous préparent une mini-tournée belge pas piquée des verres (au Belvédère de Namur, à Anvers et au Salon de Silly).
Pierpoljak, investi mais sans l’étincelle
Une pause, une bière, et nous voilà repartis dans un tout autre style, le “reggae music” comme le fanfaronne si bien (et si agaçant, aussi) l’intéressé: Pierpoljak. Revenu en Général Indigo sur son dernier album tout juste sorti, le vétéran du reggae français, la cinquantaine bien ancrée sur ce visage buriné, a prouvé qu’il avait encore bien des choses à dire, à décrier, à chanter. Entouré d’un groupe couleur Jamaïque, son inusable bandana fixé sur le front, le chanteur citoyen a fait la part belle à ses nouvelles chansons, avec une certaine propension à évoquer la famille, sans toujours faire dans la finesse: des Papas du dimanche aux mamans du Monde. Si le show est rodé, que Pierpoljak est toujours aussi amical, il a manqué d’une certaine étincelle pour enthousiasmer réellement les spectateurs sous la grisaille et le crachin. Ce qui ne fait pas un mauvais concert pour autant, un agréable moment, sans plus.
Retour flamboyant pour Abel Caine
Déjà mardi, et il est temps de constater que le BSF sait résolument soigner ses entrées. Après Heymoonshaker, nous avons redécouvert Abel Caine. Ce groupe du tonnerre emmené par Milann Lafontaine (dont nous avons aperçu le papa, coeur de loup et de papa surtout, dans l’assemblée) avait fait parler la poudre il y a quelques années. Depuis, un silence radio tout relatif s’était installé. Rivalisant de bilinguisme mais n’ayant rien perdu de sa touche électro-pop et un rien funky, Abel Caine a – bonne nouvelle! – gardé tout de son originale fraîcheur qui nous les avait révélés et fait apprécier. Comme toujours les jumeaux Chainis ont fait le boulot tandis que Gorgo, intenable chauffeur de foule, a fait parler le beat box sur le hit East West. Mention spéciale à Sam, le batteur remplaçant, qui malgré ses partitions qui tentaient l’envolée belle, a bien assuré.
Vincent Liben, envoûtant Animalé
Gonflé à bloc de cette musique énergique et positive, c’est ce haut lieu (quasiment toujours complet, et assailli d’une colossale file d’attente, chaque soir) qu’est la Madeleine que j’ai gagné. Autre ambiance, plongée dans l’obscurité et au plus proche des artistes. Pour le coup, l’artiste, c’était Vincent Liben. Vincent pour la deuxième fois au BSF après le concert de Mud Flow quelques jours plus tôt. Liben plus acoustique, plus mélancolique, parfaitement arrangé pour donner le meilleur de son nouvel album en live. Animalé, ce nom dont lui seul a le secret, Animalé comme un désir, un envoûtement qui a séduit toute la salle. Et cette voix, si reconnaissable. Pas de doute, ce concert-là n’avait rien à voir avec celui laborieux donné au Botanique en release party de l’album. Totalement rodé par deux mois de tournée, Vincent Liben a fait parler les émotions, de la plus belle des manières. Un moment suspendu? Oui!
Daan, maestro de la puissance pour un public qui ne le méritait pas
Puis, il y a eu Daan, immensément, intensément, une nouvelle fois. Toujours aussi classieux, dans une arrivée de crooner descendant l’escalier de la Madeleine. S’il nous a servi à peu de choses près le même set et les mêmes titres qu’au concert des Francofolies, le trio magique (avec Jean-François Assy et Isolde Lasoen) a plus que séduit, prouvant qu’à force de concerts, il devient de plus en plus affûté, à en dépasser la perfection. Si le diable est dans les détails, ceux-là vous rapprochent du paradis, de l’extase musicale. Avec une fausse note toutefois, celle d’un public qui ne mérite pas telle virtuosité. Si la folie était dans les premiers rangs, le reste de la salle s’en foutait. Rigolant à gorge déployée; parlant, que dis-je, criant des histoires de drague dans des paki non-reluisants; dos à la scène, dos à l’artiste, ces saboteurs de musique, ces monstres d’égoïsme ont rendu ce concert quasiment inaudible. Trouvant même le toupet de souligner le fait “que Daan chante en Français, c’est bien“. Oui, c’est bien, mais dommage que tu ne l’écoute pas, ô toi qui n’es pas éduquée. Dommage que tu n’aies pas pris le soin de faire ta garden party chez toi plutôt que de prendre ta place de concert pour y emmerder les vrais spectateurs. Pire, même quand les musiciens se sont tus pour laisser reprendre les paroles par le public, tu as gueulé de plus belle pour te faire entendre de tes potes qui ne valaient pas mieux que toi. Tu n’as même pas vu les regards gênés et bien embêtés de certains qui comme moi voulaient plus entendre Daan que tes histoires de fesses. Dommage dommage. Enfin je dis “tu”, mais c’est “vous”. Attitude généralisée d’un public dont les 60 % bien fait n’est plus capable d’écouter un concert et se complaît dans le brouhaha infernal, le bruit. Dommage pour Daan (qui n’a jamais autant été à son affaire que depuis qu’il s’est repris en mains), pour ses deux magnifiques compères, dommage pour nous qui aurions pu voir un magnifique concert sans ses parasites.